L'INTERVIEW Jean-Pierre de Faria : "Il faut faire sauter les verrous institutionnels"
Le président de Gard Entreprises Jean-Pierre de Faria dresse l'état des lieux d'une économie locale et nationale plombée par des problématiques politiques à plusieurs niveaux
Objectif Gard : Pourquoi avez-vous choisi de démarrer l'année sur un thème davantage institutionnel et macroéconomique que local ?
Jean-Pierre de Faria : La situation politique complètement incertaine actuelle plonge les entreprises dans un climat inquiétant et n'envoie aucun signal, à part de dissolution et d'absence de budget national. Les collectivités n'ont pas de budget, alors qu'elles tirent l'activité économique d'un territoire, notamment pour le secteur du bâtiment et des travaux publics qui s'écroule depuis deux ans.
Les entreprises se posent beaucoup de questions, ont des inquiétudes, mais aucune visibilité sur leur carnet de commandes. L'objectif de cette rentrée est donc d'avoir un regard objectif sur la situation économique et financière de la France.
En quoi le contexte géopolitique mondial, comme les taxes d'importation prévues par Donald Trump, impacte-t-il les sociétés gardoises ?
Notre département est d'abord tiré par le marché local et national. Nous avons la chance d'avoir des pépites industrielles, comme le bassin industriel d'Alès, le nucléaire dans le Gard rhodanien, l'agricole et le viticole. Notre savoir-faire est exporté à l'international, il est donc inquiétant de voir Donald Trump fermer ces marchés et des accords comme le Mercosur se mettre en place. Certains de nos agriculteurs, viticulteurs et producteurs de cosmétiques exportent aux États-Unis et au Canada, ils sont directement impactés.
Qu'en est-il au niveau local et national ?
L'illisibilité politique nationale, couplée au contexte géopolitique, empêche les entreprises d'investir et recruter. La possible suppression d'aide pour l'apprentissage serait aussi un vrai problème. Notre économie est de plus vieillissante, plusieurs sociétés devraient être reprises mais ne le seront finalement pas, cela entrainera des pertes d'emploi et de compétences. C'est un contexte dramatique sans aucun espoir de savoir quand on pourra redémarrer.
Qu'espérez-vous à l'heure actuelle ?
D'abord une stabilité politique, cela engendrera une stabilité économique. Il faut que les budgets soient votés et les crédits donnés. C'est une nécessité pour les collectivités et le bâtiment, qui est le secteur le plus impacté devant le commerce et l'agriculture.
Une décélération des taux de la Banque centrale européenne permettrait aussi aux ménages d'emprunter, ce qui stimulerait le bâtiment. Et quand le bâtiment va, tout va.
L'ensemble de la consommation et du pouvoir d'achat est aussi directement impacté, le marché "low cost" sur internet est privilégié au détriment des commerces. C'est une bascule de société. L'Union européenne ne garantit plus aucune stabilité, elle ajoute même des difficultés à base de normes invraisemblables.
La situation actuelle est-elle la pire que vous ayez vue dans votre carrière ?
Je le pense oui, c'est une spirale sans fin. La société a évolué, le chômage est en train de remonter, la nouvelle génération aspire à autre chose que travailler. Il faut adapter le marché du travail à cette nouvelle logique, ce que nous ne sommes pas en capacité de faire aujourd'hui. L'Intelligence Artificielle peut être une piste pour évoluer, créer des niches de travail dans la recherche et la construction par exemple. Cela peut aussi détruire et remplacer d'autres emplois, mais c'est l'histoire de l'humanité, il en était de même lorsque nous sommes passés à l'ordinateur il y a des années.
Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste pour la suite ?
Nous nous devons d'être porteurs d'optimisme. Notre pays a du savoir-faire, des belles initiatives, des Hommes intelligents. Le blocage est institutionnel, il faut faire sauter ces verrous. Je crois aux hommes et femmes qui entreprennent, il faut les mettre en avant.