Publié il y a 4 h - Mise à jour le 03.02.2025 - Stéphanie Marin - 5 min  - vu 110 fois

FAIT DU JOUR L'œuvre singulière du portraitiste Xavier Martin en 300 clichés et autant d'anecdotes

Xavier Martin, photographe. 

- S.Ma

Robert Mitchum, Jodie Foster, Madonna, Marlene Dietrich, Serge Gainsbourg, Iggy Pop, Pavarotti et bien d'autres encore. Tous se partagent l'affiche d'une exposition, la première rétrospective du photographe âgé de 74 ans, Xavier Martin, présentée à l'Espace Van-Gogh à Arles jusqu'au 25 février. 

Le regard est rieur, la langue bien pendue. Mais les mots sont choisis, précis. Xavier Martin saisit l'attention en même temps que le bras, à la manière d'un vrai gars du Sud. Le "Titi parisien" réside au coeur de la Drôme provençale depuis 10 ans. L'homme est à ce point captivant qu'il faut parfois faire le choix entre regarder la photographie ou son auteur qui en raconte l'histoire, celle avec Robert Mitchum par exemple. Nous ne le citons pas au hasard, ce cliché fait la fierté de Xavier Martin. "Parce que c'est mon héros", explique le cinéphile dont le plus grand regret est d'avoir "râté" John Wayne, c'est-à-dire de n'avoir pu le rencontrer.

Car tout est une histoire de rencontres, parfois provoquées. Ce fut le cas avec l'acteur américain surnommé Mitch (La griffe du passé, La nuit du chasseur, Rivière sans retour etc). "J'ai ramé, se souvient le portraitiste. Je l'ai chopé à la sortie de son hôtel à Londres, à 6h du matin. Je lui ai dit : "Please Mr Mitchum", il m'a répondu "What ?" Xavier Martin use de sa voix la plus grave pour l'imiter et ainsi montrer à quel point le monstre sacré de Hollywood était impressionnant. Le jeune photographe, respectueux mais déterminé, n'avait pas tremblé pour autant et avait finalement réussi à passer la journée avec son idole. "Sans être intrusif, je lui ai demandé de poser, j'ai même des photos où il sourit."

Lors du vernissage de l'exposition rétrospective de Xavier Martin à l'Espace Van-Gogh à Arles, le samedi 1er février.  • L.G.

Rembobinons encore le film, jusqu'aux années 60, lorsqu'à l'âge de 12 ans, Xavier Martin reçoit en cadeau son premier appareil photo. Un Instamatic offert par son père, lui-même passionné par la photographie. "J'étais fasciné, se remémore-t-il. Et cela bien avant de savoir que j'allais en faire mon métier." Il débute dans les années 70 au sein de l’agence Angeli, où il s’illustre comme reporter spécialisé dans la photographie de célébrités. En 1975, il rejoint l’agence SIPA Press, où ses clichés trouvent un écho régulier dans les pages de la presse française et internationale. Alors photographe journaliste, il collabore avec France Soir, Le Journal du Dimanche ou Le Figaro. En 1980, Xavier Martin choisit de devenir photographe indépendant, élargissant ses horizons et multipliant les collaborations avec la presse internationale. En 1985, il rend sa carte de presse pour se consacrer pleinement à sa véritable passion, le portrait, en parallèle il explore la photographie publicitaire pour plusieurs grandes agences. 

"Je n'envie pas les photographes d'aujourd'hui"

Léo Ferret est la première personnalité photographiée par Xavier Martin. "Mais je n’ai plus les photos. À l'époque, on les vendait, on ne les archivait pas comme on le fait aujourd’hui. J'ai perdu un bon quart de mes photos, dont aussi celles de Clint Eastwood et de Stallone, ça je le regrette vraiment. Mais vous savez, à l'époque, je fonçais comme un malade, les expositions ne m'intéressaient pas, ma finalité c’était de bosser et de gagner ma vie." Il y a eu des hauts et des bas notamment dans les années 2000, alors que l'appareil photo numérique se démocratise. "Ça a été difficile de tenir, les journaux n'avaient plus d'argent, les gens ont commencé à se prendre eux-mêmes en photo... C'est un ensemble de choses. Je ne peux pas me plaindre, mais je n'envie pas les photographes d'aujourd'hui car pour en vivre c'est devenu très compliqué."

Xavier Martin expose son savoir-faire : travailler sérieusement, sans se prendre au sérieux. • S.Ma

Alors cette rétrospective qu'il présente à Arles, la première de sa carrière, donne à voir les grandes légendes françaises et internationales, mais aussi et presque surtout, une époque différente, une façon de travailler différente, "un point de vue singulier car mon travail pour moi consistait à mettre en valeur ces personnalités et à me marrer." Mission accomplie. Preuve en est, ces séries avec Sophie Marceau grimaçant, Dustin Hoffman jouant l'acteur pour le photographe, Jean Marais le saluant depuis la fenêtre de son appartement à Montmartre, fenêtre qu'il bloquait avec son César d'honneur remis en 1993 par Michèle Morgan.

Dalida avait participé à une série commandée par le magazine Elle, déguisée en Mère Noël. "Nous étions dans mon studio, à Neuilly. Lorsque je lui ai demandé de se positionner sur une croix marquée au sol, elle m'a répondu : (il prend un accent italien, NDLR) "Tu me prends pour une crétine, je ne suis pas idiote !" Elle était très gentille mais elle avait un sacré caractère." Bien sûr à chaque nom cité, une anecdote et des rires, l'homme n'a pas pour habitude d'assommer son auditoire à grands coups de propos techniques. Tout juste livre-t-il ses intentions sur cette photographie de l'actrice Asia Argento prise lors de la promotion du film XXx sur la plage de Deauville, un décor monochrome recherché. "C'est mon truc, ça m'est venu quand j'ai vu le film "Track of the Cat" de William A. Wellman avec Robert Mitchum", confie-t-il. Avec toujours ce souci de sublimer son modèle. 

L'acteur Benoît Ferreux et Xavier Martin.  • S.Ma

L'acteur Benoît Ferreux qui a tourné sous la direction de Louis Malle, Nadine Trintignant, Claude Chabrol, Gérard Krawczyk, Lewis Gilbert ou encore et entre autres Alain Corneau, était de passage à Arles ce week-end pour encourager son copain d'enfance. Son portrait fait partie de l'exposition. "Xavier a une espèce de gentillesse, presque une naïveté, qui lui a permis d'avoir ces rapports particuliers avec toutes ces personnalités. Il ne vient pas prendre quelque chose aux gens, il vient les connaître et il les connaît par son objectif. Regardez ce qu'il est... Dans les nains, il ne serait pas grincheux..." Xavier Martin rétorque alors dans un éclat de rires : "je serais Simplet !"

Gainsbourg nu dans sa baignoire

70% des clichés accrochés aux murs de l'Espace Van-Gogh n'ont jamais été publiés. Une large place est consacrée à Serge Gainsbourg, et ce célèbre portrait du chanteur nu dans son bain dont le portraitiste raconte une nouvelle fois l'histoire, sans jamais s'en lasser, revivant la scène qui avait duré deux heures. Une séance organisée à la demande de Gainsbourg pour passer dans Paris Match. "Je lui ai proposé avec Jane et les enfants, il voulait être seul. Seul c'était compliqué, mais j'ai fini par lui proposer : "pourquoi pas dans ta baignoire parce que tout le monde dit que tu es dégueulasse !" Il m'a répondu : "Tu as raison, tu viens demain à 15h à la maison"(rue de Verneuil, NDLR), rapporte amusé Xavier Martin. C'était en septembre 1980, c'est moi qui ai mis la mousse dans le bain, du Obao acheté le matin. La salle de bain n'était pas très grande. Je l'ai laissé se déshabiller et quand je suis rentré dans la salle de bain, nos regards se sont croisés. Nous avons éclaté de rire et il m'a dit : "Maintenant on va dire que je suis PD !" Je lui ai répondu : "Non Serge, on va dire que tu es propre." Le photographe avait quitté la rue de Verneuil avec trois bobines de 36 prises en poche.

L'exposition rétrospective de et en présence de Xavier Martin jusqu'au 25 février à l'Espace Van-Gogh à Arles. 

Stéphanie Marin

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio