ALÈS Il vole le chéquier de sa mamie pour « aller faire la bringue »
Au tribunal, les audiences sont très souvent le réceptacle des maux de notre société. Mais il y a parfois de belles respirations comme vendredi dernier quand Thibaut est arrivé au bras de sa grand-mère.
Ils ont attendu leur tour pendant plus de trois heures, côte à côte sur un banc du tribunal. Cinquante-huit ans séparent Thibaut et Georgette qui sont respectivement l’accusé et la victime d’une même affaire examinée vendredi dernier par le tribunal correctionnel d’Alès. Les faits datent de 2014. « C’était ma période noire », annonce d’emblée Thibaut, 26 ans, qui s’est approché de la barre d’où il doit répondre "d’escroquerie en récidive".
En septembre 2014, il a volé le carnet de chèques de sa grand-mère pour, dit-il, « aller faire la bringue au O’Corcoran », un bar situé près de la gare d’Alès qui a fermé ses portes il y a quelques années. Il a dépensé pour 184€ de boissons. Une erreur de jeunesse. « C’était une période difficile, j’étais jeune. Mais j’ai changé : je suis chef d’entreprise et j’ai eu une petite fille que j’élève seul ». L’ancien escroc est devenu un honnête travailleur qui a monté sa boîte et il en fier. Mais la plus fière, c’est Georgette, sa mamie de 84 ans : « Je lui pardonne ce qu’il a fait. Aujourd’hui c’est un ange ».
Une bonté bien plus contagieuse que la covid puisque celle-ci transperce aussi les cœurs. Le procureur, Cyrille Abbé, a semble-t-il été touché dans le mille : « Je dois avouer que je regrette les poursuites. J’ai fait preuve d’un peu de zèle à la sortie de l’école. Cette procédure aurait pu être mieux orientée. Je requiers une dispense de peine ». Un mea-culpa d’une grande - et rare - élégance dans une profession où l’on montre davantage les muscles que ses faiblesses. Et comme la juge, Amandine Abegg, a parfaitement saisi l’esprit de l’audience, elle confirme les réquisitions du procureur. Thibaut est reparti soulagé, tout heureux de partager son bonheur avec sa grand-mère.
Tony Duret