NÎMES Franck Proust, le favoritisme et le saucissonnage des marchés publics
La cour d’appel de Nîmes juge depuis ce mardi 8 février Franck Proust, l’actuel président de l’Agglomération de Nîmes, pour des délits de favoritisme et d’entente d’illicite sur les règles des marchés publics. Il comparaît avec quatre autres co-prévenus parmi lesquels des chefs d’entreprise ou promoteurs immobiliers soupçonnés de s’être arrangés pour obtenir les marchés. Des faits qui se déroulés entre 2002 et 2004.
Avant d’aborder en fin de matinée les faits pour lesquels les prévenus sont renvoyés en justice, la cour d’appel a été obligée de se pencher sur une requête en nullité qui aurait pu arrêter immédiatement les débats. Une nullité soulevée par la défense et validée il y a sept mois lors d’une précédente audience devant les juges de première instance ; devant le tribunal correctionnel de Nîmes précisément. Une nullité soulevée sur la base d’un ''délai irraisonnable'' de procédure entre le début des premiers faits reprochés aux prévenus et le débat devant les juges en audience publique. Le tribunal avait estimé que le délai de procédure entre les premiers faits en 2002 et le temps du jugement en 2021 n’était pas raisonnable et avait annulé la procédure.
Cette décision du tribunal correctionnel a été attaquée immédiatement par un appel du parquet de Nîmes et de l’association ''Anticor'' qui lutte contre les dérives financières des élus et qui est représentée à l'audience par maître Stéphane Fernandez.
C’est donc cet appel qui est évoqué devant la cour ce mardi 8 février. Les magistrats du second degré ont décidé ce mardi matin, après avoir entendu les avocats et l’avocat général Pierre Couttenier, de joindre l’incident au fond et donc d’aborder le fond du dossier et de statuer ensuite sur l’éventuelle nullité. Le débat sur les faits eux-mêmes a donc pu commercer...
Des travaux en dessous de 90 000 euros pour éviter les appels d'offre ?
« On est saisi de délits de favoritisme et d’entente illicite dans le cadre de travaux au Triangle de la gare et de problème de vente de terrains », résume la présidente de la cour d’appel de Nîmes. Cette dernière, après le résumé des faits et alors que les prévenus s’expliquent à la barre, s’interroge sur le volet saucissonnage, c'est à dire des travaux des travaux effectués à l'époque au Triangle de la gare à Nîmes, et découpés en plusieurs "lots" permettant d'éviter un appel d'offre.
« Dans ce dossier on a beaucoup de choses en-dessous de 90 000 euros. C'est curieux quand même », s'étonne la présidente. Car 90 000 euros c’est justement le montant pour lequel les collectivités territoriales devaient passer obligatoirement par une procédure d’appel d’offre pour effectuer des travaux. Pour des travaux à la gare, les marchés étaient octroyés la plupart du temps au-dessus de 80 000 euros mais en-dessous de la limite des 90 000 euros. !
« Il s’agissait de travaux d’urgence en quelque sorte », soulève l’ancien directeur de la Senim, la société d’économie mixte de la ville de Nîmes, présidée au moment des infractions reprochées par monsieur Proust alors adjoint du maire Jean-Paul Fournier. Le montant global du Triangle de la gare s’élève à 150 millions d’euros, selon l'ancien directeur de la Senim, également prévenu à cette audience.
Franck Proust estime être devant la justice pour une facture de 146, 66 euros.
Franck Proust a dès le départ de l’audience donné le tempo de son système de défense. « Si nous sommes là aujourd’hui c’est pour une somme de 146, 66 euros, alors que cette somme a été payée et enregistrée », "le pacte de corruption s'élève à 146,66", dénonce combattant l’actuel patron de l’Agglomération nîmoise qui réfute les accusations depuis près de deux décennies.
"Il faut se remettre dans le contexte de l'époque, lorsque je suis devenu président de la Senim elle était dans un état financier désastreux. Les décisions avaient été prises avant moi, par la précédente municipalité puisque je rappelle que les travaux au Triangle de la gare ont débuté en 1997 alors que je n'était pas élu", insiste l'ancien député européen. Des opérations "hasardeuses", dénoncées par deux anciens haut cadres de la Senim qui soulignaient des pressions et des irrégularités pour avantager, notamment sur la vente de terrains, monsieur Colonna.
" La responsable juridique évoque la pression qu'elle a supportée, lit la présidente. Elle indique que monsieur Colonna "ne remplissait pas les conditions pour l'octroi du marché et qu'il avait beaucoup de faveurs. Elle dit aussi que monsieur Colonna avait beaucoup d'ambition mais peu de moyens."
Ventes immobilières juteuses
" Mais comment j'aurai pu savoir ce que les autres n'ont pas vu. Il y a des experts, des techniciens autour de moi, un directeur. Personne ne m'a jamais parlé de problèmes dans l'attribution de marchés publics", reprend Franck Proust.
Concernant les travaux de métallerie Franck Proust souligne :" c'était des travaux urgents. On venait de subir les inondations de septembre 2002 et nous devions mettre en sécurité et améliorer rapidement cet espace. Quel intérêt j'avais à avantager des entrepreneurs que je ne connaissais pas", essaie de convaincre l'élu. "J'ai compris dès le début que le fond du dossier était un règlement de compte politique et que celui qui était visé était Franck Proust", résume le promoteur immobilier Colonna qui nie également toutes infractions.
Car ce qui est également reproché à Franck Proust c’est d’avoir obtenu une contrepartie à la vente des terrains dans le cadre de sa présidence de la Senim sous la forme de loyers de sa permanence électorale payés par le promoteur. Un débat qui va se poursuivre dès demain matin pour la deuxième journée du procès dit de la "Senim" en abordant les deux lots de terrain concernés près du stade des Costières au niveau de la brasserie des 3 Brasseurs.
Boris De la Cruz