Publié il y a 13 h - Mise à jour le 24.10.2024 - Louis Valat - 5 min  - vu 258 fois

FAIT DU JOUR Ateliers d'intégration : l'espoir d'une autonomie retrouvée pour les immigrés

Tibétain de naissance, Karma s'efforce de décrire son expérience familiale et son départ de son pays... en français. Sous les yeux attentifs de sa formatrice, Laytmas Ichallalen.

- Louis Valat

Installées à Alès depuis plus ou moins longtemps, des dizaines de personnes venues d'horizons variés participent, plusieurs fois par semaine, à des ateliers d’apprentissage du français et de découverte de la citoyenneté. Ces échanges personnels et ces apprentissages permettent à chacun de s’intégrer pleinement.

« Quand on passe d’une culture à une autre, on ne repart pas de zéro, on poursuit son chemin. [...] Soyez fiers de ce que vous apportez à la France. » Ces mots empreints de sagesse proviennent du sous-préfet de l'arrondissement d'Alès, Émile Soumbo. Dans la deuxième ville du Gard, à la Maison des Projets, des hommes et des femmes de toutes nationalités, origines et croyances se rassemblent autour d’un objectif commun, celui de s’intégrer. Dans les ateliers de langue et de citoyenneté, animés par Laytmas Ichallalen, apprendre le français devient plus qu’une simple compétence. Un moyen de se libérer et de revendiquer sa place dans une nouvelle communauté. « Avoir accès à la langue, c’est créer un lien de communication avec la société. Quand on a pas la langue, les codes, on est très facilement assigné à une place. » développe Laytmas Ichallalen. L'initiative de La Clède, mise en place depuis 1995 attire un public représenté par plus de vingt-deux nationalités et utilise près de cinq langues de médiation. Mais ces ateliers ne se limitent pas à l'alphabétisation classique. « Nous ne voulons pas effacer les langues qu'ils parlent, mais plutôt les relier entre elles », souligne Laytmas Ichallalen. Ici, l’intégration passe par l’expression de soi.

Illustration/DR

Sans nul doute, l'un des moments forts de cet apprentissage fut la récente collaboration avec la scène nationale du Cratère, dirigée par Olivier Lataste, où les participants, qui n'osaient à peine balbutier quelques mots en petit comité, prirent finalement la parole devant près de 1 200 spectateurs. Parmi eux, Zarati, originaire de Mayotte, s'est mise à chanter et a su emballer la salle. Passionnée par la politique, cette résidente du quartier des Prés-Saint-Jean, arrivée en France en 2004, explique : « Parfois, des électeurs viennent frapper à ma porte en me disant : "Je supporte Marine Le Pen", et je leur ouvre quand même, je les invite à s'asseoir. Je reçois toutes les idées politiques, de l'extrême droite aux socialistes, jusqu'à Mélenchon. Ensuite, je fais mes propres analyses, ça me permet d'échanger et de comprendre. » Cela peut paraître anecdotique, mais pour elle, c'est une joie aujourd'hui de suivre l'actualité locale, nationale et internationale, ce qui, selon elle, n'aurait pas été possible sans ces ateliers qui favorisent son intégration. Maintenant qu'elle comprend mieux, elle s'engage même avec force pour l'amélioration de son quartier fétiche.

Un accompagnement vers l’autonomie

Mais il serait faux de penser que les ateliers se limitent à l’enseignement linguistique. En s’inscrivant dans une démarche globale d’accompagnement à l’insertion, ils ont pour but de rendre les participants autonomes dans la vie quotidienne. Pour beaucoup, les démarches administratives peuvent sembler accablantes. Une simple tâche, comme ouvrir une boîte mail, peut devenir source d'angoisse. « Ça fait peur », confie l’une des participantes. « Lorsque je vois Marianne et le drapeau français sur ma lettre, je sais d’avance que je vais avoir du mal à comprendre, alors je préfère abandonner. » L’atelier citoyenneté, autre pilier du programme, aborde quant à lui des sujets comme l’accès aux droits, la santé, la gestion des finances et la mobilité. L’objectif est de fournir aux participants les outils nécessaires pour naviguer plus facilement dans la complexité que peut représenter la société française. « Nous arrivons avec un réseau pluridisciplinaire très riche, et nous avons un intervenant qui vient de temps en temps pour offrir des ressources et un espace de rencontre à nos participants » confie l'animatrice Laytmas Ichallalen, engagée et passionnée.

Les quelques participants aux ateliers sociolinguistiques et citoyenneté. • Louis Valat

Présent lors d'un atelier au cours de la semaine de l'intégration, Didier Trabucco, représentant du Conseil départemental - qui apporte quelques subventions à ces ateliers, a salué cet engagement : « Ce que j’ai vu m’a vraiment touché. Quel culot de prendre la parole comme ça en plusieurs langues, c’est un potentiel très fort ! C’était un moment de paisibilité, de bienveillance et d’amour. » Il n'a cependant pas pu s'empêcher d'avouer que l’intégration pouvait souvent être freinée par la lenteur des démarches administratives mais a encouragé les participants à ne pas se laisser submerger : « Ne ramasse pas les cailloux qui t'ont fait tomber, car quand ton sac sera rempli, tu ne pourras plus avancer », a-t-il cité, reprenant une célèbre citation indienne qui a, de longues minutes, fait réagir l'assemblée.

Les ateliers sociolinguistiques et citoyenneté offrent aussi un espace pour discuter de sujets plus personnels, comme la santé mentale (comme ce fut le cas lors de notre visite), souvent négligée manifestement chez les personnes confrontées à l’exil. Les formateurs abordent alors avec délicatesse le stress lié à la perte de repères culturels et aux traumatismes qui peuvent marquer profondément les parcours de ces citoyens du monde. Ces sessions deviennent alors des "plateformes" pour partager et apprendre à gérer la surcharge émotionnelle. Déléguée du préfet pour les quartiers prioritaires d’Alès, Sabine Pierredon exprime régulièrement son admiration pour ce travail : « Les rencontres et le cheminement des personnes autour de la table me touchent profondément. Je ne parle qu’une seule langue, et je suis émerveillée par la force et la résilience qui se révèlent dans ces échanges. »

L'intégration, une préoccupation partagée par le sous-préfet

Emile Soumbo, attentif aux témoignages des participants. • Louis Valat

Lors de sa visite durant la semaine de l'intégration, le sous-préfet d'Alès, Émile Soumbo, a souligné l'importance de garder espoir face aux défis de l'intégration. « L’intégration est un mot simple, mais très complexe », a-t-il déclaré. Son parcours, de la Martinique à l'Hexagone, témoigne des luttes que chacun doit affronter. Une fois la casquette de sous-préfet enlevée, il s'est permis de partager des anecdotes touchantes avec son auditoire : « Même pour moi, qui suis comme je suis, lorsque je suis dans ma fonction, on nous apprend à oublier qui nous sommes. Nous faisons fi de la couleur de peau, de notre identité. Mais rassurez-vous, il y a des élus qui se demandaient encore si je suis le chauffeur ou le garde du corps du préfet. » Avant d'ajouter : « Chaque jour, vous évaluez la difficulté de l'intégration. La langue française représente un véritable combat. Ne baissez pas les bras et maintenez votre dynamique. Personne ne viendra vous prendre par la main, il faut oser. Gardez votre lampe allumée, comme un phare qui donne la direction et ne doit pas s’éteindre. »

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Les ateliers se déroulent au quartier des Prés-Saint-Jean à Alès. Pour toute information, contacter Laytmas Ichallalen au 06 45 26 99 15 ou par email à l'adresse l.ichallalen@laclede.fr. Les ateliers socio-linguistiques ont lieu les mardis et vendredis de 8h45 à 11h45, ainsi que les lundis et jeudis de 13h45 à 16h45. L'atelier citoyenneté se tient le mardi de 13h30 à 16h30 pour des groupes, et le vendredi de 13h30 à 16h30 pour des entretiens individuels.

Louis Valat

Alès-Cévennes

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