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Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 23.01.2024 - Thierry Allard - 5 min  - vu 615 fois

FAIT DU JOUR Avec Handiwork, le handicap fait sa place en entreprise

Jean-Baptiste Honorin, PDG d'Handiwork, et Lionel Satouf, DG d'Handiwork

- Photo Thierry Allard

Le concept de l'entreprise Handiwork, créée en 2017 à Bagnols est simple : créer une passerelle entre le monde du handicap et celui de l'entreprise.

Un peu plus de six ans après sa création, Handiwork travaille au niveau national, et se développement à vitesse grand V. Récit d'une success-story inclusive.

Au départ, ils étaient trois, Jean-Baptiste Honorin, Lionel Satouf et Éric Villasante, avec une idée : permettre à des personnes en situation de handicap issues du milieu protégé, comme les établissements spécialisés, de découvrir des métiers en milieu ordinaire. Pourtant, aucun des trois cofondateurs de ce qui allait devenir Handiwork, en cette année 2017, ne venait du monde du handicap ou du médicosocial. « Je crois que c’est la force du projet, rembobine le PDG d’Handiwork Jean-Baptiste Honorin. Nous sommes arrivés avec un projet simple, opérationnel et dupliquable, et une vision de chefs d’entreprise. »

Au coeur du projet, le métier. « Tout passe par le métier, c’est notre spécificité, mais nous mettons les mains dans le cambouis », poursuit le PDG. Handiwork vient avec un formateur, interface entre le milieu protégé d’un côté, et l’entreprise de l’autre. « Ni éducateur, ni chef de rayon », résume Jean-Baptiste Honorin. De quoi permettre au public en situation de handicap issu du milieu protégé d’acquérir de nouvelles compétences métiers, et de « lever les freins » présents dans les entreprises vis-à-vis du handicap. « Sur la découverte, il n’y a pas d’objectif de recrutement à proprement parler, il s’agit de construire un projet professionnel, de faire sortir les gens des établissements, croiser des vrais clients, avoir des collègues de travail, avec un accompagnement à 80 % sur l’aspect métier, et à 20 % sur le handicap », développe-t-il. Le tout sur une trentaine de sessions de trois heures par semaine, tout au long d’une année scolaire.

« Ça a fait boule de neige »

La première entreprise à sauter le pas sera le magasin Bricomarché de Bagnols, avec des jeunes de l’Institut médico-éducatif des Hamelines. Très vite, le concept prend. « On rencontre le référent handicap de Bricomarché au niveau national, et il nous dit que ce serait bien de dupliquer ça partout, rejoue Jean-Baptiste Honorin. On se dit alors qu’il y a peut-être un besoin, entre des acteurs du handicap à qui on demande de placer des gens en entreprise, et de l’autre côté des entreprises à qui on dit qu’il faut recruter des personnes en situation de handicap, mais qui n’ont pas d’outil pour le permettre. »

Handiwork passe à la vitesse supérieure en lançant un dispositif à plus grande échelle dans des magasins Lidl, avec l’aide de la région Occitanie et de l’Agefiph, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées. Douze dispositifs sont mis sur pied dans autant de supermarchés, soit une cinquantaine de personnes. « Ça a super bien marché, avec 60 % de recrutements à la fin, en CDI, et ça a fait boule de neige », rajoute le cofondateur de l’entreprise. Outre la grande distribution, Handiwork se diversifie alors dans d’autres secteurs aux métiers peu qualifiés et en tension en termes de recrutement, et se tourne vers la restauration rapide et la logistique, toujours sur un volet découverte des métiers.

Lors d'un dispositif Handiwork à l'Entrepôt du bricolage, à Alès. • Photo Thierry Allard

Rapidement, les entreprises demandent à Handiwork de faire dans le recrutement de personnes handicapées hors milieu protégé. Nous sommes en 2020, et l’entreprise lance sa division recrutement pour permettre à des travailleurs handicapés demandeurs d’emploi, parfois chômeurs de longue durée, de retrouver un emploi, en mettant en place des modules de huit semaines en entreprise avec possibilité de recrutement à l’arrivée. « De toute façon, nous ne lançons un dispositif que s’il y a des postes ouverts », martèle Jean-Baptiste Honorin.

« Le handicap n’est qu’une contrainte managériale comme une autre »

Avec un leitmotiv : « Le handicap n’est qu’une contrainte managériale comme une autre, pas quelque chose d’insurmontable », répète le PDG d’Handiwork. Le retour d’expérience démontre que « le public qu’on accompagne met deux fois plus de temps que les autres à arriver au même niveau de productivité, ce qui veut dire six semaines au lieu de trois, affirme-t-il. Et neuf fois sur dix, on n’a pas de souci. » Le dispositif permet aussi de sensibiliser au handicap « tous les gens qu’on touche en corollaire, les salariés, et les clients », affirme-t-il. Il faut dire que les stagiaires d’Handiwork portent la même tenue de travail que tous leurs autres collègues, et passent souvent inaperçus. Leur présence est toutefois signalée à l’entrée du magasin. Quant à leurs collègues salariés, « leur expérience est valorisée en leur permettant de transmettre à des personnes en situation de handicap », rajoute Jean-Baptiste Honorin.

Aujourd’hui, Handiwork revendique travailler avec « neuf des dix leaders de la restauration rapide et vingt des trente premières enseignes de la grande distribution ». En attendant de faire de même dans l’hôtellerie, prochain champ à explorer pour l’entreprise. On retrouve parmi les clients d’Handiwork des entreprises comme Leroy Merlin, Décathlon, Bastide Médical, Carrefour, Auchan, McDonald’s, Castorama, Brico Dépôt ou encore Ikea.

Et outre les grands groupes, les institutions publiques font désormais confiance à l’entreprise bagnolaise. Par exemple, « avant, sur Handiwork découverte, nous allions travailler établissement par établissement. Aujourd'hui nous travaillons directement avec les Agences régionales de santé, particulièrement en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, ce qui nous a fait passer de 40 à 80 dispositifs, c’est une énorme preuve de reconnaissance », souligne-t-il. Autre preuve de reconnaissance, ce prix national Activateur de progrès sur le recrutement et l’accès à l’emploi décerné par l’Agefiph à Handiwork en août 2022, de quoi légitimer un peu plus l’approche des Bagnolais.

Une levée de fonds en cours

Le développement de l’entreprise est rapide, et Handiwork ouvre quatre agences : Marseille en octobre 2021, Lyon en janvier 2022, Toulouse en octobre 2022 et Paris, la dernière en date, il y a quelques semaines. Aujourd’hui, Handiwork propose 80 dispositifs découverte et autant pour le recrutement chaque année, compte 28 salariés permanents dont 16 au siège à Bagnols et travaille avec un réseau de 75 formateurs sur le terrain.

Et ce n’est pas fini : « Nous sommes en pleine levée de fonds. L'enjeu est d’ouvrir cinq antennes supplémentaires pour couvrir l’ensemble du territoire métropolitain, pose Jean-Baptiste Honorin. Nous devons satisfaire nos clients qui sont des enseignes nationales et nous demandent de développer le projet à cette échelle. » Ainsi, entre 2024 et 2028, Handiwork prévoit d’ouvrir des agences à Amiens, Bordeaux, Nancy, Angers et Orléans, tout en conservant son siège à Bagnols. De quoi poursuivre son développement, et viser « la mise en emploi de 1 000 personnes en situation de handicap chaque année, contre 150 à 200 aujourd’hui », ambitionne Jean-Baptiste Honorin. Et ainsi faire de la passerelle un véritable pont.

EN CHIFFRES :

2017 : création de l’entreprise à Bagnols, avec le lancement d’Handiwork découverte 2020 : lancement d’Handiwork recrutement 4 : l’entreprise, basée à Bagnols, est implantée dans quatre villes, Marseille, Lyon, Toulouse et Paris 540 personnes en situation de handicap accompagnées en 2023 190 mises en emploi de personnes en situation de handicap en 2023

Thierry Allard

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