FAIT DU SOIR À Goudargues, l’ambitieux projet hôtelier qui divise
Jeudi dernier, ils étaient une quarantaine, malgré la pluie, à venir déposer un texte, signé par 212 personnes, à la mairie de Goudargues. Pas n’importe quel texte, puisqu’il s’agissait d’observations sur un gros projet hôtelier, le Domaine de Brés, dans le cadre d’une concertation menée par l’Agglomération du Gard rhodanien.
Un projet ambitieux, puisqu’il s’agit de proposer un hôtel de 104 chambres sur une exploitation agricole — où il y avait, il y a encore peu de temps, des chevaux — réparties dans 17 mazets de plain pied construits sur une emprise de 4,5 hectares. Et ce sur un site qui accueille déjà des réceptions, comme des mariages, depuis plusieurs années. De quoi ulcérer certains habitants de la commune voisine de Verfeuil, proche du Domaine de Brés, venus donc remettre leurs observations en mairie de Goudargues.
« Un foutage de gueule »
« On s’oppose non seulement à son extension, mais aussi à son existence », tonne un des porte-parole du collectif qui s’est monté contre ce projet. Si le collectif s’en prend au Domaine de Brés, c’est que selon lui, il n’aurait tout simplement pas le droit de proposer des activités de réception. « Il est sur une zone agricole dans le Plan local d’urbanisme, ce qui interdit toute construction destinée à une activité hôtelière ou de restauration », développe le collectif. Les permis de construire pour les différents bâtiments du domaine ont donc été délivrés pour des bâtiments agricoles. « Il a transformé ces bâtiments à vocation agricole pour en faire des gîtes de luxe », résume-t-il. Le tout dans une zone classée Natura 2000.
Et le collectif de dénoncer par ailleurs des nuisances, « sonores, visuelles », des problèmes autour de la consommation de l’eau ou encore des voiries inadaptées aux flux. Alors quand la concertation a été lancée par l’Agglomération, « on s’est dit que c’était un foutage de gueule, il n’était jamais fait état de la situation actuelle », lance le porte-parole du collectif, qui parle de nuisances depuis « cinq ans ». « Il y a quelque chose d’insupportable à faire quelque chose dans l’illégalité et à tenter de le régulariser après », conclut-il. Précisons que la mairie de Verfeuil a aussi pris une motion en conseil municipal pour s’opposer au projet.
Vérification faite sur le Plan local d’urbanisme, les parcelles concernées sont bien en zone A, pour « Agricole ». Par ailleurs, une petite partie du Domaine, le « Lodge de charme avec vue plongeante sur la vallée », tel qu’il est présenté sur le site internet du Domaine de Brés, de 45 mètres carrés, est construit sur une parcelle voisine, classée elle en zone N, pour naturelle, et en espace boisé classé. « C’était mon ancien box à cheval, il va disparaître », affirme Gil Aubert, à la tête du Domaine de Brès avec son associé Yohan Ferioulaud.
« On est carrés »
Pour le reste, la procédure de Déclaration de projet emportant une mise en conformité du SCOT et du PLU(*) (DPMEC) doit régulariser tout ça. « Pour les élus du territoire, ce projet porte un caractère d’intérêt général, donc la collectivité engage une procédure pour adapter ses documents d’urbanisme », explique l’urbaniste du cabinet Urban Projects, Florian Jurado, qui accompagne le projet. Car pour l’heure, impossible de construire des bâtiments à destination hôtelière sur une zone agricole. Il faut donc faire passer le terrain en zone AU, pour « À urbaniser ». C’est dans le cadre de cette procédure, dont le principe a été voté le 3 avril dernier par le conseil d'agglomération, que la consultation a été lancée et a reçu plus de 160 contributions, dont celles des commerçants du village, « tous pour à l’exception d’un », affirme Gil Aubert.
Les deux associés à la tête du projet ont donc décidé de s’exprimer, car « il y a beaucoup de rumeurs, de choses infondées qui circulent », affirme Yohan Ferioulaud. La première, « ça ne fait pas cinq ans que nous faisons ça, nous avons démarré en 2020 », affirme Gil Aubert. L’homme, qui élevait des chevaux de corrida, une activité qu’il « vient d’arrêter », et exploite des oliviers ou encore de la lavande en bio, affirme qu’il avait du mal à vivre de ses activités agricoles. Puis est venu un déclic : le mariage de son fils en 2019, et l’idée de faire des réceptions une activité complémentaire, « comme beaucoup de domaines agricoles », affirme-t-il.
Très vite, l’activité explose, et « en juin 2021, on a été dépassés, on s’est dit qu’il fallait se mettre en règle », rejoue-t-il. « La première rencontre avec la DDTM (la Direction départementale des territoires et de la mer, NDLR) date de 2021, présente Florian Jurado. Le porteur de projet, dès qu’il a vu qu’il dépassait le cadre complémentaire, s’est rapproché de la collectivité et de la DDTM. » Mais ces choses prennent du temps. « Au début, on pensait qu’il fallait seulement faire une modification du PLU », précise le maire, avant de se rendre à l’évidence : il faudrait en passer par cette fameuse DPMEC, plus longue.
Entretemps, les deux associés affirment avoir mis leur établissement aux normes de sécurité, ce qui est confirmé par le maire, pour pouvoir continuer à accueillir leur trentaine de mariages par an. « On est carrés », pose Gil Aubert, qui dénonce des « mensonges » des opposants au projet. Sur la capacité, par exemple, « ils parlent de 450 personnes, alors qu’on restera à 250, il n’y aura pas plus », affirme Yohan Ferioulaud. Il s’agirait donc de remplacer les tentes en coton par les mazets en pierre, qui permettraient de passer d’une activité saisonnière à une activité permanente.
Sur les nuisances, les deux associés affirment être de bonne volonté, ont fait une étude sur les nuisances sonores, proposent d’aménager le chemin des Yverières pour délester l’autre itinéraire et créer un sens de circulation, aménagement qu’ils paieront dans le cadre d’un Projet urbain partenarial. Sur le risque de feu de forêt, le maire montre une carte où le terrain en question est en blanc, comprendre pas en aléa fort. Quant à la ressource en eau, les porteurs du projet arguent d’une étude des services de l’Agglo affirmant qu’elle est suffisante, et de toute façon déconnectée du réseau de Verfeuil. Et globalement, les deux associés envisagent leur projet comme « autonome en eau et en électricité. » Gil Aubert promet par ailleurs un projet de belle facture, avec « un gros budget pour l’aménagement paysager, j’aime que ce soit beau. » Les deux associés ont prévu d’investir plusieurs millions d’euros, « entre trois et cinq », selon Gil Aubert, dans ce projet.
Des retombées pour le territoire
« Et ça coûte zéro euro aux collectivités », affirme le président de l’Agglomération du Gard rhodanien Jean-Christian Rey, convaincu qu’il est face à « un bon projet. » Car pour lui, le Domaine de Brés vient combler un gros trou dans la raquette de l’offre touristique du territoire, à laquelle « il manque clairement le luxe. » L’élu y voit une opportunité de capter une clientèle qui pour l’heure se dirige plus vers Uzès ou le Luberon. « Attirer du luxe, c’est aussi intéressant en termes d’image du territoire », estime-t-il.
Même son de cloche chez le maire, Fred Mahler. « En 2002, l’hôtel du Commerce, en centre-village, a été inondé et a fermé, ça fait vingt ans et on tire la langue », affirme-t-il. Et ce alors que Goudargues est un des principaux points d’attraction touristique du Gard rhodanien. L’intérêt économique d’un tel projet revient souvent, et en l’espèce, « les retombées sont estimées à entre 400 000 et 500 000 euros par an pour la commune et l’Agglomération », précise Florian Jurado. Sans compter les emplois qui seront créés.
Bref, pas question pour les élus de laisser passer le train, et ce alors qu’« on a raté la Valbonne », glisse Jean-Christian Rey en référence au rachat avorté de la chartreuse de Valbonne, à Saint-Paulet-de-Caisson. Idéalement, les permis de construire seront signés d’ici un an, et les travaux, qui doivent se répartir sur trois tranches, démarrés à l’hiver 2024-2025 pour se poursuivre jusqu’en 2028. Peut-être plus tard s’il y a des recours. Ça risque d’arriver, le collectif opposé au projet se disant « très déterminé et résolu à ce que ce genre de choses cesse. » Gil Aubert s’y prépare : « On va tout faire valider par nos avocats », affirme-t-il, déterminé à ne pas se « laisser faire », car « si on capote, qui va venir investir dans notre vallée de la Cèze ? »