​​​​​​En mars 2024, Evan Chakir-Vergier avait accordé une première interview dans nos colonnes pour évoquer le rôle de son association, qui milite au quotidien contre le harcèlement scolaire et le cyber-harcèlement. Quelques mois après, comment la situation a-t-elle évoluée, quels modes d'actions les membres de Help For Free World mettent-ils en oeuvre pour anticiper les risques, protéger et accompagner les victimes dans les communes du Grand Avignon, du Gard et sur Montpellier.

Objectif Gard : Pouvez-vous présenter votre association ?

Evan Chakir-Vergier : Help For Free World est une association officiellement créée le 13 Octobre 2023, ayant pour objectif de lutter et sensibiliser contre le harcèlement scolaire et contre le cyber-harcèlement. J’ai décidé, avec ma famille, de monter ce projet à 18 ans, pour aider les jeunes victimes de violences scolaires. Nous voulons, à travers l’engagement associatif, donner la possibilité à la jeunesse de s’investir dans ces questions fondamentales et de monter des projets en autonomie (jeux, évènements, rencontres…). Ma volonté est que les jeunes puissent s’épanouir pleinement, leur donner tous les instruments et les accompagner pour qu’ils soient fiers d’eux. Help For Free World doit être un lieu de rencontre intergénérationnel, de partage et de solidarité. 

Quel a été le déclic pour créer «Help For Free World» ?

E.C.V : J’ai moi-même été victime de harcèlement scolaire, malgré le port de l'uniforme, dans un collège privé à Avignon, de la classe de 5ème à la 3ème. C’est un acte de résilience, peut-être encore de la colère en raison de la douleur que j’ai pu vivre. J’ai une colère encore vive aujourd’hui envers les personnes qui ont vu ma souffrance mais qui – par manque de formation ou pire par indifférence – n’ont pas agi et ne m’ont pas aidé. J’aurais pu être un «autre nom», parmi les victimes telles que Dinah, Lucas, Lindsay, Nicolas… C’est grâce à ma famille que j’ai su relever cette énorme pente et aller de l’avant. Help For Free World est donc un acte fort, celui du «après le harcèlement» et de la reconstruction qui ne sont pas assez mis en avant à mon sens.

Vous venez en aide aux victimes de harcèlement scolaire. Pouvez-vous nous présenter votre rôle et celui de votre équipe au quotidien ?

E.C.V : L’aide et l’accompagnement aux victimes, à leurs parents et plus généralement à toute personne témoin de situation de violence scolaire, font parties de nos missions au sein de l’association. Nous proposons un accompagnement complet et gratuit à toutes les personnes ayant le besoin. Notre but, symbolisée par «Help For Free» (ndlr : en anglais «aide gratuite »), est désintéressé. Nous travaillons avec de nombreux partenaires locaux pour proposer un soutien durable et adapté en fonction de chaque situation. Nous travaillons par exemple avec des associations d’avocats d’enfants qui reçoivent gratuitement les jeunes, qui les aident et les orientent vers des solutions au niveau juridique.

Avez-vous constaté à Villeneuve lez Avignon et à l’échelle du Gard une augmentation des cas de harcèlement ou non ?

Malheureusement, aucune commune n’est épargnée par le harcèlement scolaire. Statistiquement, selon un sondage de l’IFOP de Novembre 2023, 1 enfant sur 5 serait victime de harcèlement ou cyber-harcèlement. Au niveau de Villeneuve lez Avignon comptant 3569 élèves de la maternelle au lycée, environ 713 élèves auraient vécu ou seraient en train de vivre une situation de violence scolaire. Notre association a été de nombreuses fois sollicitée pour accompagner et orienter des victimes de violence scolaire. J’en appelle aujourd’hui aux responsables des structures scolaires et périscolaires accueillant des jeunes : travaillons ensemble sur cette thématique fondamentale ! C’est l’absence de solution et le sentiment d’isolement chez les enfants (et les adultes) qui conduisent à des drames. 65% des enseignants s’estimeraient mal armés face au harcèlement, en raison du manque de formation, difficultés à détecter, absence de soutien de la hiérarchie... nous devons également soutenir tous les membres de la communauté éducative. 

Comment comptez-vous agir face à ce fléau dans les mois à venir ?

Nous sommes en train, avec les différents services et élus de la commune de Villeneuve lez Avignon, de mettre en place un grand plan de lutte contre le harcèlement scolaire qui se veut être inédit par son ampleur. Nous avons de nombreuses sensibilisations avec le club de rugby des Angles, qui sont programmées, avec d’autres projets en cours, comme la projection d’un court métrage. Nous devons tout miser pour prévenir et alerter sur les issues parfois dramatiques du harcèlement scolaire. Help For Free World met en avant la notion de «responsabilité commune», c’est-à-dire que puisque nous avons un «devoir (moral) de protection de l’enfance». Nous avons la responsabilité de tous agir pour permettre à l’ensemble des enfants de vivre une scolarité de bonne qualité, nécessaire pour l’épanouissement de chacun.

Quel sera le prochain projet ou évènement auquel l’association participera ?

En cette rentrée scolaire, de nombreux projets sont en cours de développement. Nous devons organiser dans quelques temps un évènement au sein du YMCA Gard Pont d’Avignon sur Villeneuve lez Avignon : c’est une association qui soutient les jeunes, qui leur permet de se sentir à l’aise et qui met en relation des jeunes du monde entier ! Au-delà des actions au sein des écoles qui se dérouleront tout au long de l’année, nous avons été contactés par plusieurs fédérations sportives pour des sensibilisations. Nous souhaitons travailler avec l’ensemble des personnes conscientes qu’il y a urgence : si la violence a toujours existé dans les cours de récréation, l’intensité et l’exposition des enfants ont été chamboulées et amplifiées, en raison des réseaux sociaux et du cyber-harcèlement, désormais incessant…

Un conseil à donner à un élève victime de harcèlement scolaire ?

En tant qu’ancienne victime, je lui dirais dans un premier temps de parler et de se confier à une personne en qui il a confiance (parents, professeurs, amis…). Il ne faut pas sous-estimer la douleur des enfants, c’est un conseil que je donne à tous les adultes. Parfois, il arrive qu’une situation de harcèlement soit compliquée à résoudre pour de multiples raisons. Les enfants ne doivent jamais abandonner et ne jamais douter d’eux, de leurs témoignages ! Je me suis senti tellement isolé, sans aucun soutien par des adultes, mais en fin de compte je suis en bonne santé et heureux aujourd’hui. Il ne faut jamais désespérer parce qu’il y a toujours de l’espoir après une situation douloureuse !