Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 17.07.2021 - marie-meunier - 3 min  - vu 893 fois

LES BOUTIQUES HISTORIQUES Les Établissements Legrand depuis quatre générations à Bagnols/Cèze

Les Établissements Legrand sont actuellement tenus par Jean-Luc Legrand, 60 ans, 4e génération à la tête du magasin. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Depuis la construction du magasin en 1912, tout est resté dans son jus. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Pendant tout l’été, Objectif Gard invite ses lecteurs à découvrir les petites boutiques ou grands magasins que les Gardois ont le sentiment d’avoir toujours connu. Ces enseignes qui semblent avoir toujours existé, comme si elles avaient vu le jour en même temps que la ville qui les accueille. Pour ce troisième épisode, on vous emmène à Bagnols-sur-Cèze aux établissements J.B. Legrand, magasin spécialisé dans la motoculture et les poêles à bois. 

6, avenue Charrier à Bagnols-sur-Cèze. Trois grandes vitrines s'ouvrent sur le trottoir. Au-dessus, le nom de l'enseigne dont les lettres sont entourées de néons verts "Ets J.B Legrand". Autrefois, la devanture était ornée d'une enseigne en fer forgé faite des mains de Jean-Baptiste Legrand. C'est lui qui a fondé le magasin éponyme en 1890, tenu aujourd'hui par son arrière-petit-fils, Jean-Luc Legrand âgé de 60 ans. Quatre générations se sont donc succédé à la tête de l'affaire familiale.

La devanture des Établissements J.B. Legrand. (Marie Meunier / Objectif Gard)

C'est un peu grâce au train que cette boutique emblématique a pu voir le jour. Le père de Jean-Baptiste Legrand était belge. S'il est arrivé dans les environs, c'est parce qu'il montait les lignes de chemin de fer. Alors qu'il travaillait, il tombe amoureux d'une femme habitant à côté à Mondragon. C'est ainsi qu'il s'installa dans la région et que des années plus tard, son fils Jean-Baptiste Legrand, créera le magasin.

Un dossier mécanique et hydraulique d'époque pour une cave. (DR)

De la ferronnerie à la viticulture en passant par les voitures

Au départ, son petit atelier se situait juste à côté de l'église Saint-Jean-Baptiste. Après son tour de France des compagnons, il s'est installé en tant que serrurier-ferronnier. À Bagnols/Cèze, il a laissé sa marque. C'est lui qui a forgé la grille devant le monument aux morts ou encore celle du square Thome. "Il paraît qu'il s'engueulait souvent avec le curé. L'un faisait du bruit avec son marteau sur la ferraille, l'autre avec ses cloches", plaisante son arrière-petit-fils.

La fameuse enseigne forgée des mains du fondateur, Jean-Baptiste Legrand. (Marie Meunier / Objectif Gard)

En 1912, Jean-Baptiste Legrand fait construire un tout nouveau bâtiment de 1 200 m2 avec commerce et atelier au 6, avenue Charrier. Les établissements Legrand n'ont pas déménagé depuis. "On n'est pas une boutique historique mais préhistorique. C'est resté dans son jus", lâche l'actuel gérant. L'écrin semble s'être figé dans le temps mais c'est aussi ce qui fait son charme. En plus du mobilier d'époque qui a été en partie conservé, des vestiges de l'économie passée sont exposés dans la boutique. Par exemple, une photo du début du XXe siècle, où on distingue des voitures De Dion-Bouton garées et mises à la vente devant le magasin. Une activité supplémentaire lancée par le créateur.

En plus de la serrurerie et de la ferronnerie, le fondateur du magasin a aussi vendu des voitures De Dion-Bouton à l'époque. (DR)

Dans les années 30, c'est le grand-père Edmond Legrand qui dirige l'affaire familiale. Lui a beaucoup développé le pan viticole au temps où les caves fleurissent. Dans le bureau de la direction est encore affichée une carte de France d'époque où des épingles localisent les caves où les équipes se rendaient pour installer des machines. L'esprit d'entreprendre ne s'arrêtait pas à son commerce puisqu'il a fait partie également du comité qui a créé la fameuse foire d'Avignon. Chaque année les établissements Legrand y avait un stand.

Photo d'époque de l'atelier de réparation. (DR)

"Les centres-villes se vident petit à petit, c'est de plus en plus difficile"

Jean, le père, a hérité du magasin à la mort d'Edmond dans les années 50. Il poursuivra le développement viticole, avant d'arrêter il y a une trentaine d'années, le secteur devenant compliqué. Il se tourne vers l'entretien du jardin et la motoculture puis vers le chauffage poêle à bois et à granulés. Il a passé le relais à son fils, Jean-Luc, il y a une vingtaine d'années mais a continué à l'aider au magasin, même bien au-delà de l'âge de la retraite.

À gauche, Jean-Baptiste Legrand, le fondateur, et à droite, Edmond Legrand, 2e génération à prendre les rênes du magasin.

Pas vraiment branché mécano, Jean-Luc a finalement pris goût à l'adolescence alors qu'il servait au comptoir. Plus tard, il décline une offre d'emploi ailleurs pour rester dans la boutique familiale. Après avoir vu  l'effervescence générée par les années fastes de Marcoule, il aimerait voir sa ville se réveiller. "Les centres-villes se vident petit à petit, c'est de plus en plus difficile", avoue-t-il. Après le coup dur du confinement, il a tout même connu un bel élan à la réouverture des commerces en mai 2020 : "On a senti que les gens investissaient dans leur maison, dans leur jardin ce qu'ils n'allaient pas dépenser en voyage. C'est le côté positif du covid." Il a aussi profité de ces mois d'arrêt pour trier plus de 100 ans de papiers accumulés.

Jean-Luc Legrand conserve précieusement sous vitrine les anciens objets du magasin : vibraphone, machine à calculer... (Marie Meunier / Objectif Gard)

"Malheureusement, on a trouvé peu de photos du passé", déplore-t-il. Il conserve précieusement en vitrine d'anciens objets qui ont appartenu aux gérants de sa famille : une machine à calculer des années 60 de la taille d'un ordinateur, un téléphone vibraphone ou encore une machine à écrire. Le temps passe, le matériel évolue mais les établissements Legrand, eux, restent. 131 ans cette année, combien encore ?

Marie Meunier

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