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Mise à jour le 25.03.2025 - Thierry Allard - 4 min - vu 281 fois
FAIT DU JOUR À Pujaut, des innovations en béton
Thierry Allard
Présent dans tout le pays, le groupe KP1 est le plus gros préfabricant français de béton. Son usine historique est à Pujaut, où se trouve également son centre d’essais K-Lab, dont l’équipe travaille à limiter l’impact carbone du béton.
Romain Cotinovis, alternant ingénieur, et Nabila Viardo, chargée de projets au K-Lab.
• Thierry Allard
« Quand on vient sur nos sites, on découvre un monde », pose le directeur marketing et communication du groupe KP1 Florent Goumarre. Un monde fait de poutrelles de plusieurs mètres de long, de planchers du type de ceux « qui équipent 95 % des maisons », glisse Florent Goumarre, et de gigantesques hangars. Érigée en 1959, l’usine de Pujaut a été la première d’un groupe dont le siège est à Avignon (Vaucluse), qui en compte désormais 19 dans toute la France, où on travaille le béton précontraint.
Un matériau qui présente de nombreux avantages. « Le béton armé est majoritairement coulé sur place, explique Florent Goumarre. Nous, nous faisons du hors-site, l’intérêt est d’éviter des nuisances sur le chantier, comme le bruit, la poussière, et c’est aussi un gain de temps. » Chaque produit est réalisé sur-mesure, à l’aide de la centaine de collaborateurs qui travaillent dans les bureaux d’études du groupe. Ainsi, à l’image d’un (très) gros Lego, chaque poutre, chaque plancher a sa place, définie par une étiquette coulée directement dans le béton. Ce jour de février, l’usine fabrique des poutres d’un bâtiment Amazon en construction près de Lyon. Dans l’atelier tout à côté, on met la dernière main à des dalles et à des prédalles, sur lesquelles les maçons viendront plus tard, sur le chantier de construction, couler la dalle définitive.
Au cœur de l'atelier des prédalles.
• Thierry Allard
« Avoir les mêmes caractéristiques mais avec moins de carbone »
Le béton précontraint, parcouru par des câbles d’un acier spécial, présente aussi l’avantage de « minimiser l’impact sur la ressource, avance KP1. On enlève 30 % de matériau. » Pas rien, quand on sait que la construction, via ses matériaux, a une empreinte carbone tout sauf neutre, l’Ademe l’estimant à entre 850 et 1 000 kilos de CO2 par mètre carré, « soit un vol aller/retour Paris-New-York par passager par mètre carré construit ». Le législateur l’a bien compris, avec des exigences environnementales de plus en plus fortes sur le secteur.
KP1 aussi, avec le lancement d’un plan visant à réduire son empreinte carbone de 50 % à horizon 2031. Ça passe par une baisse de la consommation des usines du groupe, mais aussi et surtout par ses bétons, dont l’impact carbone est quasi entièrement dû au ciment qui les compose. Car pour fabriquer du ciment, il faut cuire à très haute température, 1 450°C, des composés comme le calcaire et les argiles, un processus très énergivore. L’usine de Pujaut se fournit en ciments localement, à Beaucaire, « et depuis quelques années, nous travaillons sur l’impact carbone, pour avoir les mêmes caractéristiques mais avec moins de carbone », précise Florent Goumarre.
L’idée est donc de travailler sur la part de ciment du béton. Ça se passe au K-Lab, sur le site gardois. Le travail commence par le choix des ciments, « on choisit les moins carbonés », commence Nabila Viardot, chargée de projets du K-Lab. Mais le laboratoire mise surtout sur de nouvelles formulations, où il « ne s’interdit rien », affirme-t-elle, tout en gardant à l’esprit de nombreux paramètres. « Il faut que la nouvelle formulation ressemble le plus possible à l’actuelle en termes de résistance et de mise en place », précise-t-elle, la mise en place comprenant le temps de prise du béton, les bétons moins carbonés prenant souvent plus lentement, ce qui est « un vrai enjeu industriel », commente Florent Goumarre.
Les câbles d'acier sont tendus avant que le béton soit coulé dans le moule.
• Thierry Allard
Alors, après avoir caractérisé le ciment, l’équipe du laboratoire teste ses formulations en réalisant des cylindres de béton. Ces cylindres sont ensuite martyrisés lors de tests, pour éprouver leur résistance mécanique et leur élasticité. « Pour trouver la bonne formule, parfois il nous faut une cinquantaine de tests », indique Nabila Viardot. Mais le jeu en vaut la chandelle : grâce à une formule élaborée à Pujaut, KP1 a par exemple fait tomber l’impact carbone de ses prémurs de 40 kilos de CO2 par mètre carré à 24 kilos.
Le béton précontraint, késako ?
Il s’agit d’un béton soumis à une contrainte permanente. Concrètement, des câbles d’acier torsadé spécial, à haute limite élastique, sont tendus dans un moule, puis enrobés de béton à prise rapide. Dès que le niveau de résistance attendu est atteint, la pression est relâchée, et les câbles d’acier installent une contrainte permanente au sein du béton, ce qui le rend plus performant en termes de résistance comme de portée.
En chiffres
Le groupe KP1 compte 40 sites en France, dont 18 usines, pour 1 500 collaborateurs
150 personnes travaillent sur le site de Pujaut, dirigé par Franck Lorieu
1 maison individuelle sur 3 en France est bâtie avec des produits de KP1, revendique le groupe
Certaines poutres atteignent le poids de 2 400 kilos du mètre carré béton précontraint économise 30 % de matériau à robustesse équivalente, et jusqu’à 50 % pour les dalles
Le rachat
KP1 a été rachetée en février dernier par le fonds industriel français JAV Investissement, un rachat annoncé la semaine dernière. JAV Investissement est déjà présent dans le béton, puisque le fonds est déjà propriétaire du leader européen des escaliers préfabriqués en béton PBM et d’Eurobéton, spécialiste des structures préfabriquées pour les bâtiments. Avec KP1, l’ensemble représentera un chiffre d’affaires de près d'un demi milliard d’euros et près de 20 sites industriels dans toute la France. À cette occasion, Jean-François Turelier prend la direction de KP1.