« C’est un scoop ! Les gens me posent beaucoup de questions, mais j’ai peu de réponses à leur donner. » Bernard Atger, l’amoureux du passé de Gallargues-le-Montueux, ne manque pas d’enthousiasme quand il s’agit d'évoquer la découverte qu’il a fait il y a quelques mois. Cette révélation relie l’histoire de France à celle de l’Espagne, et elle nous oblige à faire un bond dans le temps jusqu’aux XIVe et XVe siècle et à nous replonger dans le contexte. À cette fin du Moyen-Âge, les batailles font rages partout en Europe et la péninsule ibérique n’échappe pas aux guerres locales.

Philippe VI, le roi de France, lui laisse le château de Gallargues en rente viagère

En 1343, Pierre IV d’Aragon envahit le royaume des Baléares. Six ans plus tard, le roi Jacques perd la vie en tentant de reconquérir sa terre. Les enfants du défunt sont fait prisonniers. L’infante Isabelle, alors âgée de 11 ans reste captive pendant presque une décennie. Après une vie faites de mariages et de déménagements, Isabelle pose ses coffres en Languedoc. C’est là que Philippe VI, le roi de France, lui laisse le château de Gallargues-le-Montueux en rente viagère. « Cela veut dire qu'elle avait le droit d’en retirer des bénéfices financiers », précise Bernard Atger.

Une collaboration avec l'université des Baléares

Cet aspect de l’histoire était connue du Gallarguois, mais il y a quelques mois une nouvelle information lui a été livrée. « Un jour, j’ai reçu un message de l’université des Baléares qui a monté un projet de recherche sur la dernière dynastie des rois de Majorque. Ils ont trouvé un document, rédigé sous le sceau du secret, que le roi d’Aragon avait envoyé au consul de Perpignan disant : "Un de nos écuyers nous a appris le décès de l’infante Isabelle à Gallargues, essayez de trouver le testament". » Cette fois, le doute n’est plus permis, la princesse Isabelle est bien morte (à 68 ans) et enterrée à Gallargues-le-Montueux.

Une charette de robes et un gardien agréé par le roi de France

« Nous savons qu’elle était très endettée, qu’elle n’avait aucun bien à part une charrette de robes. On sait également quelle bénéficiait des services d’un gardien, agréé par le roi de France. Comme la France était en pleine guerre de 100 ans, elle avait d’autres priorités que s’occuper d’Isabelle. Transporter son corp vers les Baléares aurait coûté trop cher et elle n’était pas spécialement réclamée sur sa terre natale. » Mais où est enterrée l’infante de Majorque ? C’est la question que se posent les universitaires espagnols et notre historien gallarguois.

« C’est passionnant, car il y a des rebondissements »

Ce dernier a deux théories : « Il y a l’église paroissiale ou, comme c’est plus probable, la chapelle du château, mais elle a été détruite au XVIIIe siècle. » Trouvera-t-on un jour la sépulture d’Isabelle ? Rien n’est moins sûr, mais Bernard, avec ses contacts à l’université des Baléares, poursuit ses investigations. « La grande difficulté, c’est que les documents de cette époque sont écrits soit en latin, soit en catalan soit en vieux français. Mais c’est passionnant, car il y a des rebondissements. » 

Six siècles plus tard, Isabelle sort de l'oubli

Isabelle de Majorque ne se doutait certainement pas que 618 ans après sa mort, son nom referait surface dans le village où elle a fini ses jours. Il reste tant de choses à découvrir sur Isabelle et l’historien Gallarguois poursuit ses passionnantes recherches qui nous en disent plus sur l’histoire gardoise et sur celle de l’Espagne. Plus que jamais, l’enquête royale continue.