LE DOSSIER La bataille des tests ADN
En France, il est interdit de commander des tests à l’étranger pour connaître ses origines. Mais certains trouvent des solutions…
« On a l’impression de commander de la cocaïne », peste Arthur* qui a dû passer par la Pologne pour pouvoir réceptionner des tests ADN pour ses enfants. Ce cadre gardois avait effectué un test ADN en 2022, à une époque où les sociétés basées à l’étranger acceptaient les commandes venues de France. « Notre voisine et amie, son mari et sa fille l’avaient fait. On avait trouvé cela rigolo », se souvient-il. Ce quinquagénaire commande donc des kits sur MyHeritage. Son épouse, les parents de celle-ci et sa propre mère en effectuent un aussi. Le résultat s’avère « très sympa et très inattendu ». Arthur qui est d’origine alsacienne et découvre qu’il a 9% d’ADN d’Algérie-Tunisie-Liban, 20% de juif ashkénaze et 1,5% d’ADN nigérian. « Physiquement je suis alsacien. C’est plutôt sympa de se découvrir de l’ADN nigérian », s’amuse-t-il. Sur MyHeritage, il avait coché la case acceptant de partager les données. Il a ainsi découvert qu’il avait beaucoup d’arrière-cousins aux États-Unis.
Tour de vis
Convaincu par le sérieux de la société MyHeritage, il décide de faire faire le test à ses enfants. Il effectue sa commande. La société la lui rembourse. Elle ne peut plus livrer son pays. En France, les tests génétiques ne peuvent être réalisés que dans le cadre d’une enquête judiciaire, pour la prise en charge médicale ou à des fins de recherche. En janvier 2023, la France a mis au pas les sociétés étrangères. Arthur trouve cela ridicule. Une amie en Pologne commande et ramène les tests aux enfants. « On les a faits en France et on les a renvoyés dans des enveloppes banalisées et pas dans les enveloppes spécifiques », décrit-il. Ne craint-il pas que ces données soient exploitées ? « Je ne vois pas ce qu’ils pourraient en faire, répond-t-il. Ils vont bientôt détruire mes échantillons. Si on veut qu’ils les conservent au-delà de trois ans, il faut payer ».
Cousins aux États Unis
Victor est abonné à Family Search qui propose des outils de recherche généalogique. Il y a quelques années, pour le remercier de sa fidélité, cet organisme lui offre un test ADN. Ce cadre se découvre des origines vikings : « Cela a aussi confirmé d’autres choses. Je l’ai fait pour le côté ludique. »
Alice a effectué un test en 2018 avec notamment ses grands-parents maternels. « Beaucoup de gens faisaient des tests à l’époque », se remémore-t-elle. Passionnée de généalogie, elle voulait en savoir plus sur ses origines. Elle se découvre des cousins au Brésil, en Amérique du Nord. Elle entre en contact avec ceux qui vivent aux États-Unis. Elle s’immerge dans les archives en ligne d’Ellis Island, l’île américaine qui accueillait les immigrés. Les échanges avec les cousins américains se sont taris. Alice préfèrerait que ces tests soient encadrés plutôt qu’interdits.
*les prénoms ont été modifiés.
Amendes etc…
3 750 € d’amende, c’est ce qu’encourent les personnes résidant en France qui achètent un test génétique sur internet. La réalisation d’un test génétique en dehors des domaines médical et scientifique est interdite. Les personnes ou entreprises proposant ces tests risquent 15 000 € d’amende et un an de prison. Les pays voisins les autorisent. Que reproche la France à ces tests ? Dans un avis publié en mars, la Commission Nationale Informatique et Libertés indique que les sociétés commercialisant ces tests apportent « peu de garanties sur leur qualité et la sécurité des échantillons et des données ». Elle évoque une « fuite de données massive intervenue en décembre chez une des principales entreprises proposant des tests génétiques ». Elle s’alarme du fait que « la divulgation de ces données » puisse « entraîner des discriminations sur la base de l’origine ethnique, de la santé… ». La CNIL rappelle que si des manquements au RGPD ou à la loi Informatique et Libertés sont constatés, elle peut « infliger une amende allant jusqu’à 20 millions d'euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise ». Des mesures qui pourraient être appliquées à ces sociétés étrangères « dans la mesure où l’offre de services est liée à des personnes concernées qui se trouvent sur le territoire de l’Union européenne ».
Recherches généalogiques, mode d’emploi
Les archives départementales du Gard sont une véritable malle aux trésors. Près de 7 millions d’images sont accessibles en ligne.
« N’allez pas trop vite. Au lieu de les énumérer, de les additionner, apprenez à connaître vos ancêtres. C’est une école d’humilité », promet Bernard Février. Les archives départementales proposent des ateliers pour s’initier à la généalogie dès le CM1. Cette année, deux classes de seconde du lycée nîmois Philippe-Lamour et deux classes du lycée de Saint-Jean-du-Gard, vont enquêter aux archives sur les Gardois déportés dans le convoi 77, le dernier convoi parti de Drancy vers Auschwitz.
Mais on peut consulter de nombreux documents sans se déplacer. Environ 6,7 millions d’images ont été numérisées. Elles sont en accès libre. « Cela a pris 10 ans de travail », souffle Corinne Porte directrice. Cette experte donne des conseils pour savoir où piocher.
• Les registres paroissiaux et d’État-civil. Avant la révolution de 1789, c’est le curé qui note dans les registres les baptêmes, les mariages et les dates d’enterrement de la paroisse. A partir de 1792, c’est au tour des maires d’enregistrer les naissances, mariages civils et décès. L’astuce est de commencer par consulter les tables décennales. Elles contiennent des listes alphabétiques qui reprennent les naissances, les mariages ou les décès d’une ville sur une période de 10 ans. On repère par exemple dans la table l’année de naissance d’une personne. Puis on va chercher l’acte de naissance. Il mentionne la date précise de naissance, la profession des parents. Ces actes sont communicables 75 ans après la naissance de la personne.
• Les registres de matricule. Votre aïeul a fait la guerre de 14 ? où a-t-il combattu ? a-t-il été blessé ? on peut trouver ces informations dans les registres de matricules militaires. « On a numérisé l’ensemble des registres de Napoléon 1er à 1922. Pour ceux qui sont entre 1922 et 1940, il faut faire une demande de dérogation », précise Corinne Porte. « Ils sont très précis. Ils contiennent des descriptions physiques, la couleur des yeux, les cicatrices, la forme du nez, des oreilles, la taille… ajoute Bernard Février. La photo n’existait pas à l’époque. Il fallait bien les décrire pour être sûr de les retrouver en cas de désertion ou d’identification des cadavres ».
• Les recensements de population. Leur but est de comptabiliser combien d’habitants compte une commune. Ils donnent une « photographie » des différents foyers à un moment précis. Ils permettent de connaître les professions des parents, le nombre d’enfants, leur année de naissance, l’adresse de la famille. Ils sont en ligne jusqu’en 1936. On peut se faire communiquer aux archives les recensements effectués jusqu’en 1975.
• Les registres de notaires. Les archives départementales en possèdent 3,5 km. « Le plus ancien remonte à 1232 », annonce Corinne Porte. « Ce sont des mines d’or, s’enthousiasme Bernard Février. Pour un oui ou pour un non, on allait chez le notaire : quand on louait un bœuf, lorsque l’on faisait réparer sa maison ». Il y a même vu un contrat de mariage entre deux mendiants annonçant qu’ils mettaient en commun ce qu’ils pourraient avoir un jour. Les notaires ont obligation de verser aux archives leurs registres de plus de 75 ans.
• Les listes électorales donnent des informations basiques : nom, prénom, adresse des personnes inscrites pour voter sur une commune. On ne peut consulter que les listes de plus de 50 ans. Avant 1945, on ne verra aucune trace de femmes dans ces registres.
Archives-Gard Ressources-PatrimoinesD’autres sites web riches en informations
La presse ancienne jusqu’en 1944 est en ligne sur https://ressourcespatrimoines.laregion.fr/collections/presse-ancienne Le portail France archives compile les archives de différents départements de France. On peut y faire une recherche sur une base de noms. Le site mémoire des hommes est quant à lui piloté par le service historique des armées.