LE DOSSIER l'Europe pour les nuls : champions des échanges
76 € pour une semaine d’échange linguistique à Murcie, dans le sud de l’Espagne. Environ 70 € pour sept jours à Copenhague avec déplacement en avion. Inutile de chercher ces tarifs en agence de voyage. Ces prix sont ceux payés par les élèves du lycée Camus. « Nous demandons aux familles 10 € par jour ouvré », résument Fabienne Goizin et Virginie Dubois, enseignantes référentes sur l’ouverture internationale et l’Europe. Ce lycée nîmois fait partie des 33 établissements gardois accrédités Erasmus +.
26 enseignants ont aussi bougé. Cinq professeurs de Sciences de la vie et de la terre (SVT) sont notamment partis en Islande travailler sur la géologie. Le lycée reçoit également. « À peu près deux fois par mois, on a une arrivée », reconnaissent les deux enseignantes. Camus compte 17 partenariats européens. Fabienne Goizin et Virginie Dubois sont même arrivées à convaincre une vingtaine de professeurs du lycée de danser un soir devant l’internat. Ils ont exécuté la chorégraphie « Danse l’Europe » d’Angelin Preljocaj pour célébrer la présidence française de l’UE en 2022.
Bachibac, Abibac et voyages dès le primaire
« Camus est le deuxième lycée le plus actif de l’académie de Montpellier pour les échanges internationaux, il a une section Bachibac*, et un échange avec un lycée américain depuis presque 60 ans ! », reconnaît Franck Le Cars, directeur de région académique aux relations européennes, à l'international et à la coopération. Il a relevé d’autres bons élèves gardois comme le lycée Daudet qui fête les 100 ans de sa section Tchèque et qui propose un cursus bilangue français-allemand, Abibac. Le lycée Dhuoda, le groupe d’Alzon, les collèges des Oliviers ou de la Révolution font aussi partie, selon lui, des pros des échanges internationaux. L’école primaire nîmoise de la Tour Magne a réalisé en février un échange pour la Finlande avec 4 enseignantes et 5 élèves de CM1-CM2. « La mobilité des élèves de primaire est exceptionnelle », souligne Franck le Cars.
Il explique ce dynamisme « par une belle implication de la mairie dans les échanges avec Prague ou par l’engagement fort du mouvement européen et de la maison de l’Europe auprès des écoles gardoises ». Ailleurs dans le département, il met en avant « les beaux projets européens » du lycée Langevin de Beaucaire, membre du réseau des écoles du parlement européen. Il souligne l’engagement du lycée de Saint-Jean-du-Gard qui emmène ses élèves en stage pro en Europe. Mais il reconnaît « malheureusement » que l’ « engagement de la métropole nîmoise contraste avec le reste du territoire où Erasmus+ reste à développer ».
*La section Bachibac permet à des lycéens de préparer en même temps le bac français et le bachillerato espagnol.
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établissements gardois possèdent le label Euroscol, reconnaissant l’engagement dans une dynamique d’ouverture européenne et internationale.
L’Europe des champs
« Aujourd’hui la PAC ne suffit plus »
Environ 3 200 agriculteurs gardois ont bénéficié des aides européennes en 2023. Mais cette Politique agricole commune (PAC) dotée de nouvelles règles écologiques peut-elle porter secours à un secteur en crise ?
« Je préfèrerais gagner ma vie en vendant mon vin, mes céréales et mes quatre légumes et ne pas dépendre des aides », soupire Jean-Louis Portal, secrétaire général de la chambre d’agriculture du Gard. Cette année, ce viticulteur-céréalier-maraîcher a bouclé son exercice avec 10 % de déficit. « Sans la PAC, j’aurais fait 20 % ». Aides aux producteurs, aides environnementales, assurances récolte, aides à l’installation… Les agriculteurs gardois ont reçu 78 M€ de l’Europe pour 2023 dont 28 M€ pour l’organisation commune du marché vitivinicole.
Jean-Paul Durandeux, viticulteur à Arpaillargues, monte son dernier dossier PAC. Il prend sa retraite en fin d’année. Ces fonds européens l’ont aidé à s’installer. Il se souvient aussi des primes octroyées pour planter des cépages moins productifs lors des grosses crises de surproduction des années 1990. « La PAC a évité à l’Europe la chute de la population agricole qui a touché les pays anglo-saxons. Les exploitations familiales ont tenu plus longtemps mais aujourd’hui cela ne suffit plus », analyse celui qui préside la FNSEA du canton d’Uzès. Aujourd’hui, le secteur est secoué par une crise violente : la consommation de vin en France a fortement baissé et les exportations se sont effondrées. Selon lui, la profession est face à un dilemne : « Une grande partie voudrait que l’on arrête de planter et que les primes soient utilisées pour des aides à l’arrachage et à la retraite. Les autres veulent que cela continue. »
Paperasses et nouvelles règles
La France est le pays le mieux doté par la PAC. Depuis janvier 2023, ses règles ont été modifiées pour coller au Green deal européen : atteindre la neutralité carbone en 2050. L’ensemble des filières agricoles ont accès à des aides supplémentaires en fonction de leur mode de production et de leur certification écologique. Cette nouvelle réglementation a entraîné des charges administratives supplémentaires, occasionné des retards de paiement. « L’Europe conditionne ses aides à des mesures environnementales parfois complexes, observe-t-il. Ce sont des contraintes et des coûts supplémentaires mais on ne peut pas les répercuter, vu le marché actuel, sur les prix. »
Jean-Louis Portal, secrétaire général de la chambre d’agriculture, considère que ces nouvelles règles valorisent une démarche qu’il avait déjà : « L’agriculture gardoise est une des plus vertueuses. En gros pour elle, l’éco-conditionnalité est un bonus. » Il pointe lui aussi un contexte tendu qui contraint à faire des choix économiques. Quand on fait face au doublement des frais de gasoil, il est par exemple difficile de maintenir certains traitements naturels pour lutter contre le ver de la grappe comme la technique de confusion sexuelle facturée 8 500 €. Selon lui, « malgré la PAC, l’agriculture gardoise tourne grâce à des prêts à court terme des banques et des échéances de nos fournisseurs ».
Pistes de secours
Quelles sont les solutions ? Jean-Louis Portal estime que la PAC peut progresser en prenant mieux en compte la climatologie locale, en faisant davantage la différence entre le maraîcher qui emploie beaucoup de main d’œuvre et le céréalier qui peut gérer seul une exploitation. Mais surtout, il se bagarre pour que l’État français adapte ses aides à l’installation des jeunes agriculteurs. Celles de l’Europe sont données sans condition. Pas les aides nationales. Avant de s’installer, le jeune agriculteur fait des études prévisionnelles. S’il dépasse le chiffre prévu, il doit rembourser la dotation jeune agriculteur. Mais il doit aussi la rendre s’il n’atteint pas le chiffre prévisionnel. Et là, cela peut devenir très compliqué. Quand Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, est venu fin avril dans le Gard, Jean-Louis Portal lui a proposé qu’une partie des aides d’installation ne soient pas conditionnées à ces critères économiques. L’écoutera-t-il ? L’État doit-il aider à s’installer ? À arracher ? Le 17 mai, le gouvernement a lancé une enquête au sujet de l’arrachage des vignes. Les viticulteurs doivent répondre d’ici le 12 juin.
LA PAC
La PAC ou politique agricole commune européenne date de 1962. À l’époque, les naissances explosent dans une Europe laminée par cinq ans de guerre. L’agriculture peine et doit importer. Les Européens s’unissent pour permettre aux agriculteurs de produire plus sur une même surface et pour leur assurer un niveau de vie décent. Premier poste financier de l’Europe après-guerre, c’est aujourd’hui le deuxième budget de l’UE.