Publié il y a 9 jours - Mise à jour le 12.11.2024 - Sabrina Ranvier - 8 min  - vu 88 fois

LE DOSSIER Paroles de militants (fin)

Les jeunes insoumis ont mené une campagne en faveur de la destitution du président Emmanuel Macron. 

- Sabrina Ranvier

Ils sont à Gauche, au Centre ou à Droite. Le plus jeune a 17 ans. Les plus âgés 81. Seize militants gardois racontent leur quotidien.

• Jérémie, LFI :

« Après les deux campagnes électorales, j’ai l’impression d’avoir dormi deux semaines »

« Notre principe central, c’est l’action, l’action, l’action », martèle Jérémie, 32 ans et militant de la France insoumise. Son ami Yanis, étudiant en informatique de 20 ans, confirme en égrainant leur emploi du temps de la semaine du 21 au 25 octobre : lundi et mardi, tractage entre midi et deux aux sites universitaires de Vauban et Hoche. Mercredi, réunion des groupes d’action de LFI de Nîmes et ses alentours. Jeudi, nouveau tractage à Vauban. Samedi, Yanis, touché par la situation au Moyen-Orient, est parti dans l’Ariège manifester devant la prison de Lannemezan pour la libération du militant marxiste libanais Georges Ibrahim Abdallah emprisonné depuis quarante ans. Yanis s’est engagé avec LFI dans le courant de l’été, dans cette drôle de période où les résultats étaient tombés mais aucun gouvernement nommé. « La tempête était passée. J’avais le sentiment d’avoir remporté l’élection mais pas vraiment. C’est le résultat du RN qui m’a motivé », confie-t-il. Jérémie, professeur des écoles démissionnaire, s’est engagé avant. Européennes, Législatives, lui a fait « deux campagnes pour le prix d’une ». « Au cœur de la campagne, je participais à une ou deux actions par jour. J’ai l’impression après d’avoir dormi pendant deux semaines », éclate-t-il de rire. La cadence s’est ralentie mais il bouge toujours : « On réagit en permanence. On prépare le terrain. » En militant, Yanis a le sentiment, d’agir contre la « hausse des comportements et pensées racistes, je ne suis pas juste spectateur. C’est très valorisant ». Le militantisme lui permet de croiser des « tas de gens qu’il n’aurait jamais rencontrés » comme des militants à la retraite. Jérémie, installé à Nîmes depuis quatre ans, connaît maintenant par cœur les rues nîmoises. « Quand je parle avec des gens en porte-à-porte et qu’ils ont voté extrême-droite, on se rend compte que c’est souvent un vote passionnel, témoigne-t-il. On essaie de leur faire une liste de faits. Mais si on voit que c’est quelqu’un qui reste sur l’aspect passionnel, on ne force pas ».

• Maryse, Renaissance :

« Il faut toujours répondre avec le sourire »

« Il ne faut jamais s’énerver, être diplomate. Chacun peut penser ce qu’il veut ». Maryse Navarro, 78 ans, fait partie des marcheurs. Cette retraitée milite pour Emmanuel Macron depuis 2017. Cette bénévole aux Petits Frères des pauvres le reconnaît : quand on soutient le président qui est au pouvoir, on peut de temps en temps « être agressé verbalement, parfois insulté ». Mais elle applique une règle d’or : toujours répondre « avec le sourire ».

Elle a eu un mandat politique à la trentaine comme adjointe en charge des Affaires sociales d’une commune de 4 000 habitants dans le Nord. La maire est socialiste, elle n’est pas encartée. Son débit s’accélère quand elle évoque la réunion d’Emmanuel Macron à laquelle elle a assisté en 2017 : « C’était ce que je recherchais depuis toujours. » Pour les dernières élections, cette « retraitée active » n’a pas arrêté. Valérie Rouverand, la candidate qu’elle soutient sur la circonscription Nîmes 1, obtient 20,10 % des voix au premier tour. Elle se désistera au profit du candidat NFP mieux placé. « C’était très dur de se désister alors qu’elle avait fait un très bon score, reconnaît-elle. C’est la politique, il faut accepter les consignes de Paris ».

• Farid, 24 ans, Renaissance :

« Il y avait une capacité à débattre »

Tractage, boîtage… Cet ingénieur en cybersécurité de 24 ans, très calme et posé, « européen convaincu » s’est beaucoup impliqué pour la campagne des Européennes et des Législatives. En 2021, alors qu’il est étudiant en bachelor, il reçoit sur internet plusieurs publicités ciblées du mouvement En marche ! Il se rend à un meeting à Marseille. Celui qui a participé à des concours d’éloquence au lycée s’embarque dans la seconde campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. « C’est un peu une utopie d’imaginer un politique qui nous ressemble à 100 %. Je me suis rapproché de celui qui s’en rapprochait le plus ». Il est alors membre de la section qui rassemble des jeunes de la France entière : « Il y avait une capacité de débattre. J’ai appris beaucoup d’eux. Je me souviens d’une réunion à Lyon où on a proposé les repas à 1 € au Crous. Il ne s’agissait pas de militantisme, on a vu des résultats ».

• Cyprien, Renaissance :

« Les après-midi de collages d’affiche, cela crée un lien énorme »

Cyprien Auberge a adoré l’échange, le partage, apporté par le militantisme, l’ambiance de ces après-midi ou des soirées passées à coller des affiches : « Il y avait des colleurs de 20 ans, d’autres de 80 ans, des professeurs agrégés, des ouvriers… Cela a créé un lien énorme. » Cyprien, qui travaille dans le commerce automobile, a 45 ans. Il a eu une première expérience militante chez Démocratie libérale lorsqu’il était étudiant. Il lâche vite : « J’étais dégoûté de ce milieu, il n’y avait que des arrangements. » Été 2016, Emmanuel Macron lance le mouvement En marche. « J’ai été un des premiers marcheurs. J’étais très investi ». En Marche ! devient un parti, Renaissance. En 2022, Valérie Rouverand est élue présidente dans le Gard : « J’ai eu un coup de cœur politique. Elle avait eu le courage de renier des mandats à la mairie de Nîmes pour suivre ses idées. » Aujourd’hui, le militantisme l’occupe un jour complet par semaine. Il reconnaît que l’on peut vivre des « moments difficiles », que l’on peut être déçu d’avoir passé beaucoup de temps à essayer de convaincre quelqu’un sans succès, « mais il y a des récompenses dans les zones où on s’investit. »

Lucien Zammit est un fidèle du maire de Nîmes et des Républicains du Gard. • Sabrina Ranvier

• Lucien, LR :

« Sur le plan national, c’est pas jojo. Au niveau local c’est impeccable »

Lucien Zammit, 70 ans, n’est pas du style à filer dès « qu’il y a un débordement ». Ce Nîmois a travaillé 14 ans auprès de Jean Bousquet, président de Cacharel. Son patron, maire de Nîmes de 1983 à 1995, est encarté chez les radicaux. Lui aussi. En 2001, lorsque Jean-Paul Fournier est élu maire de Nîmes, il rejoint son parti, le RPR. Le mouvement est devenu UMP, puis les Républicains. Lucien Zammit reste. C’est un vétéran des campagnes, il a mené celles de Jean-Paul Fournier, mais aussi celle de Richard Tibérino pour les cantonales. « Je faisais les affiches, du porte-à-porte, j’organisais le plus possible de réunions de synthèse chez les gens avec 10-15 bonhommes. On faisait du tractage », énumère-t-il. Ce qu’il aime dans le militantisme, c’est la convivialité. Il a « hâte » d’être au vendredi soir où il retrouve une dizaine de collègues avec les élus à la permanence des Républicains. Il y croise notamment le pilier de la permanence, Jackie Gautheron, 81 ans, encartée depuis 1976.

« Je ne peux pas m’associer avec l’extrême », assure Elham Outmani, militante Les Républicains. Elle participe aussi depuis la rentrée à des maraudes. • Sabrina Ranvier

• Elham Outmani, les Républicains :

« Je ne veux pas que l’on nous confonde »

Issue d’une famille de droite, Elham Outmani est entrée au RPR époque Chirac alors qu’elle avait 19 ans et était étudiante infirmière. « Mon fils a 21 ans et il est jeune républicain. Ma fille me suit dans les réunions. Ils ont joué dans la permanence », décrit-elle. À l’époque Sarkozy, elle organisait même des réunions à la maison avec 20 à 30 personnes. C’était plus pratique, elle faisait manger les enfants, les mettait au lit. Après la dissolution le 9 juin dernier, on lui propose, à 43 ans, d’être la suppléante de Clément Stevant sur la 6e circonscription. Elle accepte. « Les gens étaient perdus avec cette histoire avec Ciotti. Je ne veux pas qu’on nous confonde. C’est pour ça qu’on est parti sur le terrain ». Pour une fois, elle colle des affiches avec son visage. Un jour, une personne lui désigne l’affiche : « Il m’a demandé, vous êtes l’encu… 1 ou 2 ? » Elle rétorque calmement que la personne en photo est un être humain qui a des enfants.

Les militants se réunissent à la permanence des Républicains le vendredi soir. À gauche : Lucien Zammit, au centre, Jackie Gautheron et à droite, Franck Lasalle. • Sabrina Ranvier

• Franck Lasalle :

« Encarté chez les Républicains en janvier, j’ai été suppléant en juin »

Franck Lasalle, ingénieur réseau, a été suppléant de Loumy Bourghol sur la première circonscription. Encarté en janvier, on lui propose en juin d’être candidat : « C’était un cadeau du ciel. Je me suis trouvé lâché dans le grand bain. J’ai dit oui sur une impulsion. » « Gaulliste de nature », il attendait le retour d’un profil à la de Gaulle, d’un homme qui « parle de la France avant de dire je veux être président ». Les présidences Hollande puis Macron, le poussent dans les bras des Républicains. Aux Législatives, il se retrouve face au député sortant RN Yoann Gillet. « Vous ne pouvez pas lutter face à une machine en étant inconnu », se souvient-il. Lucien Zammit, le routard du militantisme, l’aide. Avec Loumy Bourghol, Franck Lasalle vise les 5 %. Ils feront 5,43 %. Franck Lasalle et « Lulu » Zammit ont des décennies de militantisme d’écart. Mais ils partagent la même analyse sur la nomination du républicain Michel Barnier comme Premier ministre : elle va leur apporter « tous les désagréments ».

Alice, étudiante de 21 ans et Paolo, lycéen de 17 ans, militent au RNJ. • Sabrina Ranvier

• Alice, Rassemblement national :

« C’est vraiment par rapport à mes convictions, mes valeurs »

Elle fait la taille d’une carte de crédit et est ornée par deux visages : ceux de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. Alice, 21 ans, possède la carte du Rassemblement national depuis mars. « C’est vraiment par rapport à mes convictions, mes valeurs, annonce-t-elle. Mes parents n’ont jamais milité mais avaient ces idées-là ». Cette jeune femme originaire d’Aigues-Vives, qui veut devenir professeur des écoles, commence par suivre le RN sur les réseaux. Puis elle part, seule, à un meeting à Marseille pour les Européennes : « C’est pour moi le parti qui se soucie le plus de la sécurité des femmes et donc de la mienne. » Elle a réussi à faire adhérer son frère et deux amis : « Ils ont un peu milité, mais moins que moi. » Elle explique être « tout le temps sur le terrain » avec le RNJ, les jeunes du RN. Pour les vacances de la Toussaint, elle a par exemple tracté tous les jours. Elle apprécie ces tractages, « ce moment relationnel, mêlé à tout le monde où les gens donnent leur expérience de vie ». Elle l’assure : « Qu’ils aient le même avis ou pas, c’est toujours enrichissant. »

• Paolo, 16 ans :

« J’ai commencé à m’intéresser au RN en suivant pas mal de débats à la TV »

Il a grandi dans un village de l’Uzège et est lycéen en terminale à Saint-Jean-du-Gard. Il n’aura le droit de vote qu’en septembre 2025, mais Paolo a déjà mené deux campagnes pour le RN. « J’ai commencé à m’intéresser au RN en suivant pas mal de débats à la TV sur BFM, CNews ». Il suit ensuite le parti sur les réseaux sociaux. Il a le déclic et prend sa carte en avril, à 16 ans. Pour les Européennes, il commence à militer sur un marché au Pontet : « J’avais cette appréhension de la première action, mais ça c’est super bien passé. Voir des personnes qui nous soutiennent cela fait du bien à entendre. » Pourquoi avoir choisi ce parti ? « Cela rejoint des valeurs que j’ai eues en éducation, ce patriotisme », résume ce jeune homme brun. Il adhère aussi à un programme qui se préoccupe, selon lui, « de problèmes concrets, de santé, sécurité ». Il reconnaît que sur certains tractages, « des gens débordent mais on reste calme ». Il est mordu de politique. L’an prochain, il aimerait laisser tomber l’hôtellerie-restauration pour se réorienter vers des études de sciences politiques.

Sabrina Ranvier

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