Publié il y a 1 jour - Mise à jour le 18.03.2025 - Sabrina Ranvier - 5 min  - vu 56 fois

LE DOSSIER Travail à distance, réunions en visio : l’héritage du Covid

Jean-Louis Bastide, fondateur-dirigeant d'Ordisys admet qu’aujourd’hui, « c’est dans les mœurs que le premier RDV soit en visio ».

- Sabrina Ranvier

Le rapport au travail a changé depuis la pandémie. Les employeurs ont conservé certains outils imposés par le confinement.

« Dans les quelques métiers où on peut le faire, on propose le télétravail. Cela nous permet de nous différencier des concurrents dans un secteur en tension », confie Julien Féja, président de D&S. Ce groupe accompagne les entreprises dans la maîtrise de leurs risques, notamment en milieu nucléaire. Sachant qu’ils ne sont pas contraints d’avaler des kilomètres tous les jours, les candidats sont plus disposés à accepter un poste éloigné de leur domicile. Aujourd’hui quand il passe une annonce, ce chef d’entreprise spécifie si ce poste est « télétravaillable ».

Julien Féja, président de D&S, explique que ses formations en e-learning qui ont connu un pic ne sont plus plébiscitées. • © D&S

À la sortie de la pandémie, le télétravail se faisait chez D&S, au cas par cas. Il y a deux ans, le dispositif a été formalisé : les postes éligibles peuvent le faire deux jours par semaine. Les salariés ne se sont pas jetés dessus. « Ils ont besoin d’être en présentiel, analyse-t-il. Tous les postes télétravaillables ne sont pas télétravaillés. »

Plus de 52 % de télétravail chez les fonctionnaires d’État

Les premières autorisations de télétravail ont été accordées en 2018 dans les services de l’État dans le Gard. Elles ne concernent alors « qu'un effectif très réduit ». Mais, au 31 décembre dernier, 324 agents sur 616 bénéficiaient de ce dispositif. Même si certaines activités en sont exclues, le télétravail est accessible aux fonctionnaires, contractuels, apprentis et même aux stagiaires en convention de stage. Une personne à temps complet peut télétravailler maximum 3 jours par semaine.

La ville de Nîmes propose quant à elle un maximum de 1,5 jours de télétravail. Elle ne l’avait pas mis en place avant la pandémie. Après une interruption, il est devenu effectif le 1er janvier 2024. Une cartographie des postes éligibles a été établie. Concrètement 353 agents étaient en télétravail au 20 décembre 2024 sur un total d’environ 2 500 agents.

Est-ce que les employés en télétravail sont plus efficaces ? « Il y en a qui travaillent deux fois plus et d’autres qui travaillent deux fois moins. Le problème est que certains confondent télé et travail », s’amuse Jean-Louis Bastide, dirigeant d’Ordisys. Les techniciens support de son entreprise travaillent ensemble dans un open space. Ils peuvent s’entraider, ce qui est impossible à distance. Julien Feja reconnaît que, pour certains, cela peut être bénéfique de s’isoler pour finir un travail au calme. Mais, il estime que le manque d’interfaces peut ralentir le système.

Quand la visio remplace les déplacements

Gain de temps, économie d’argent… un autre dispositif hérité du Covid fait consensus : les rendez-vous et réunions en visio. « Quand on lançait un produit, le commercial en avait pour trois mois de tournée. Là, c’est deux semaines en visio », observe Jonathan Russier, gérant de Citynox. Jean-Louis Bastide utilise aussi beaucoup un autre outil de la pandémie : l’agenda partagé en ligne. Au lieu de se courir après au téléphone pour fixer un rendez-vous, chacun s’inscrit au créneau qui lui convient.

Jonathan Russier, Citynox. • © Sophie Brunet/Dir.Com./Alès Agglomération

 

La folle aventure de Citynox

C’est une idée toute simple qui a propulsé cette entreprise alésienne dans des cadences folles. En mars 2020, Ilona, la plus jeune employée de l'entreprise Citynox, propose de transformer les potelets de mobilier urbain en distributeur de gel hydroalcoolique. Actionnée par le pied, la borne évite de toucher la pompe de gel avec des mains souillées. « On a fabriqué 140 000 distributeurs. On a fait le chiffre d’affaires de deux ans en deux mois, se remémore Jonathan Russier. On a embauché jusqu’à 250 personnes avec des sous-traitants. »
100 000 au Royaume-Uni, 140 000 aux États-Unis… Brevetée, la borne a été fabriquée sous licence à l’étranger. « On en a produit ensuite dans des quantités moindres à Alès pendant deux ou trois ans. » La rentrée d’argent apportée par les bornes de gel leur a donné une « liberté pour faire des choix, pour faire des investissements sur des machines ». Ils ont aussi investi dans d’autres sociétés. 

Jean-David Vidal, greffier du tribunal de commerce de Nîmes. • Sabrina Ranvier

« Dans le GARD, on n’a pas connu le mur des faillites »

« Sur 5 ans, on a eu des évènements majeurs que, de mémoire de professionnel, on n’avait jamais connu. Mais le tissu économique tient le coup. On n’a pas connu le mur des faillites. » Jean-David Vidal, greffier du tribunal de commerce de Nîmes, étale les relevés devant lui. Redressement, liquidation, sauvegarde, en 2019, dernière année avant la pandémie, le tribunal de commerce avait ouvert 596 procédures collectives dans le Gard.

Une épidémie, une guerre et des turbulences politiques plus tard, pour l’année 2024, le nombre de procédures collectives ouvertes s’élève à 608. Soit un peu moins de 5 % de hausse. « En 2019, le gros des faillites concernait des petites structures, celles qui avaient le moins d’ancienneté, nuance néanmoins Jean-David Vidal. Aujourd’hui, elles concernent des entreprises qui ont plus d’ancienneté, plus de salariés et plus de chiffre d’affaires ».

Chômage partiel, prêt garanti par l’État

Facilitation du chômage partiel, aides d’État, une série de mesures a été prise dès 2020 pour amortir le choc. Il fallait présenter deux bilans pour en bénéficier. Les entreprises ont aussi pu obtenir des prêts à taux zéro garantis par l’État, les PGE. « Le ‘quoiqu’il en coûte’ et le PGE ont été très importants pour Ordisys, reconnaît Jean-Louis Bastide. Le PGE a apporté une trésorerie importante à un coût moindre. » Il ajoute aussi que lorsque le monde s’est arrêté pendant le confinement, les chefs d’entreprise ont eu du temps pour se poser les bonnes questions sur leur boîte.

Jean-David Vidal estime que cette crise a été vécue par les entrepreneurs de manière très différente de celle de 2008. « Elle avait eu un énorme impact psychologique. Des entrepreneurs qui étaient déjà en tension se disaient ‘c’est une crise mondiale, je ne m’en sortirais pas’ », se souvient-t-il. Il évoque une coiffeuse de quartier, qui, en déposant le bilan, avait déclaré ‘ce n’est pas ma faute. Je subis le contexte mondial’ ». En 2020, les entrepreneurs auraient eu l’attitude inverse : « On a tellement dit que l’on aidait les entreprises qu’ils se sont dits, ‘si je me casse la figure, c’est de ma faute’. »

« Nombre record de défaillances » à l’échelle nationale

Pourtant, le dernier bilan national des tribunaux de commerce évoque, à l’échelle de la France, un « record historique de procédures collectives ». Elles ont bondi de 17,4 % entre 2023 et 2024. Mais cela varie en fonction des régions. En Occitanie, ce taux est de 11,5 %. Dans le Gard, on est passé de 574 procédures collectives en 2023 à 608 en 2024. Comment expliquer le particularisme ? « On a un tissu de TPE et de PME qui absorbent peut-être plus facilement que si on avait des grosses entreprises », avance le greffier. Soit les chefs d’entreprises déposent volontairement le bilan, soit ils sont assignés par des créanciers. « Aujourd’hui, je n’ai quasiment pas d’assignations de l’Urssaf », constate-t-il. Les chiffres des radiations ont par contre augmenté : « Beaucoup d’entreprises en grandes difficultés ont reçu des aides, ont payé leurs dettes et on dit 'on ferme' ».

Les différentes tempêtes n’ont pas douché l’esprit d’entreprise. 2 933 sociétés commerciales ont été créées dans le Gard en 2024 contre 2311 en 2019. « Mon registre du commerce tourne, constate Jean-David Vidal. Mais on a un impact sur les sociétés civiles. » Le nombre de sociétés civiles créées est passé de 1 473 en 2019 à 1 253 en 2024. Est-ce un effet de la crise de la construction et de la hausse des taux d'intérêt ? Les sociétés civiles* englobent notamment les sociétés civiles immobilières.

* Agricole, libérale, intellectuelle ou immobilière… Les sociétés civiles regroupent toutes les sociétés qui exercent une activité non-commerciale.

Sabrina Ranvier

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