AU PALAIS « Il nous a raconté qu’il trompait ma mère depuis trente ans »
Les parents de Maud ont une sérieuse dent contre le mari de leur fille. En mars 2020, une tentative d’explication à son sujet tourne au pugilat. Des rancœurs toujours aussi tenaces, deux ans plus tard au tribunal correctionnel de Nîmes, alors que le père et son gendre sont poursuivis pour des violences réciproques.
Le 7 mars 2020, alors que Maud vient chercher son petit garçon chez ses grands-parents à Saint-Laurent d’Aigouze, la situation dégénère soudainement. Dans le bureau, les parents accusent leur fille de les délaisser en ciblant leur gendre, qu’ils soupçonnent d’être un « pervers narcissique manipulateur ».
Mais alors que la jeune maman tente de couper court à la dispute, son père Jean-Michel lui porte une première gifle puis la tire par les cheveux vers l’arrière alors qu’elle tente de saisir la poignée de la porte, sous les yeux de son fils en pleurs. Lorsque la mère rentre finalement chez elle avec l’enfant, Emmanuel, son compagnon, voit rouge. Il appelle la gendarmerie, s’empare d’un couteau qui traîne dans la cuisine et se rue chez son beau-père. Désarmé par un voisin, il finit par se défendre à coup de matraque télescopique alors que Jean-Michel, adepte d’arts martiaux, le roue de coups…
« Juste une petite mite »
L’escalade est telle que la tentative de médiation a échoué. Devant le tribunal, lundi 7 mars 2022, Jean-Michel, boule à zéro et tout vêtu de noir, n’en démord pas. « Je lui ai juste mis une petite mite, comme à un enfant, minimise le quinquagénaire. Le gamin n’a rien vu, mais il s’est mis à hurler, ce qui nous a choqué car cela nous a laissé penser qu’il devait avoir l’habitude de ce genre de disputes chez lui… »
La juge fait la moue. « Vous savez, à 28 ans, votre fille a le droit de vivre comme elle l’entend et elle n’a pas l’obligation de vous laisser voir votre petit-fils, lui explique Béatrice Almendros. Aujourd’hui avec le recul vous en pensez quoi ? » Le père secoue la tête tristement. « Oui c’est affligeant », ponctue durement la présidente.
« Pervers manipulateur »
L’avocate de Maud et Emmanuel tente de comprendre comment la situation a pu empirer à ce point. « Vous répétez que votre gendre est un pervers manipulateur, mais qu’a-t-il bien pu dire ou faire pour vous mettre tant en colère contre lui ? », demande-t-elle au jeune grand-père. Celui-ci balbutie des explications floues, évoquant des disputes et des réconciliations. L’avocate insiste ensuite sur sa pratique des arts martiaux. « Ça n’a rien à voir, si j’avais utilisé mon vrai niveau… », assure finalement Jean-Michel.
Le gendre, Emmanuel, barbe rousse, chemise blanche et veste de costume fait profil bas. « Lorsque j’ai vu ma femme en état de choc - alors qu’elle était enceinte ! - et mon fils qui avait vomi sous l’effet du stress, j’ai vu rouge, assume le boulanger. Puis il m’a provoqué et a commencé à me frapper, c’est là que j’ai sorti la matraque pour qu’il s’éloigne »
« Thérapie familiale »
La thérapie familiale se poursuit à la barre du tribunal. « Mes parents m’ont reproché de ne pas répondre à leur message, d’être sous l’emprise de mon mari, alors que je suis très heureuse. Aujourd’hui ma famille, ce sont mes enfants et mon conjoint, clarifie Maud à son tour. Mon père se voile la face, il est coutumier des mensonges. Il était venu nous raconter qu’il trompait ma mère depuis trente ans, nous mettant dans une situation embarrassante vis-à-vis d’elle… »,
La juge soupire. « Il y a une drôle d’ambiance dans cette famille, pleine d’histoires, de cancans… », lâche Béatrice Almendros. Jean-Michel croit bon d’intervenir. « Je trouve ça vraiment dommage, je n’ai pas trompé ma femme pendant 30 ans, juste une fois en 2009… », reprend le grand-père. « Oui mais cela n’a rien à voir avec votre affaire ! », le coupe la juge excédée.
« Il était détenteur d’un secret… »
La procureur Sophie Catasso abonde. « Je ne suis pas là pour régler vos conflits familiaux. Peut-être que la vie parviendra à vous réunir de nouveau, je vous le souhaite. Mais ne rajoutons pas des difficultés supplémentaires à ces problèmes », explique-t-elle, requérant des peines d’amendes avec sursis contre le beau-père et le gendre.
Les avocats s'en mêlent à leur tour. Le conseil du beau-père tente d'abord de donner raison à son client. « Son gendre a tout de même voulu en découdre avec un couteau et une matraque, en le menaçant de le tuer !, fait-il valoir, ajoutant de l’huile sur le feu. Il n’a réussi à se maitriser que grâce à sa pratique des arts martiaux ! » Sa contradictrice fait de même. « On accuse le gendre de créer des histoires, mais sans jamais dire lesquelles. Par contre, il était détenteur d’un secret, et cela gêne…, laisse-t-elle entendre. S’il n'avait pas eu de matraque, il aurait gravement été passé à tabac ! » Jean-Michel est condamné à 600 euros d’amende avec sursis, tandis que son gendre écope de 800 euros d’amende avec sursis ainsi que l’interdiction de porter une arme pendant 5 ans.
Pierre Havez