JONQUIÈRES-SAINT-VINCENT Les « pendus de Nîmes » honorés par l’AFMD
L’association des amis de la fondation pour la mémoire de la Déportation dans le Gard et son président, Jean Paul Boré, ont commémoré quinze victimes de la barbarie nazie.
Une patte d’oie plantée au beau milieu des champs à quelques centaines de mètres du village. Le lieu pourrait, encore aujourd’hui, être bucolique à la bonne saison. Il devait y avoir, comme cet après-midi, des fleurs ornées de couleurs. Du blanc, du jaune. Et un peu de honte. Voilà ce qu’ils devaient voir, le 2 mars 1944.
Ici, à côté d’un tout petit mazet, mausolée miniature sans fioritures, abri de berger, ombrière de la colère, une petite fosse. À quelques pas de ces murs de pierres taillées recouverts d’un ciment qui ment, ils furent sommairement enterrés par les troupes de la 9e Panzerdivision SS.
Ils s’appelaient Émile Eckhardt, Louis Carles, Désir Jeanjean, Enoc Nadal, Jean et Miguel Ordines, Jean-Louis Baudouin, Roger Mathieu, Jan Jankowski, Josef Damsewycz, Jean Lukawski, Stanilas Rasjanowicz, René Kleifer, Fortuné Donati et Albert Levêque.
Ils étaient quinze, c’étaient les quinze pendus de Nîmes. C’est ce qu’a retenu l’Histoire sans se soucier de ce qu’ils étaient avant. Ils étaient agriculteurs, bûcherons, hôteliers, Espagnols, Polonais, Français, soldats, résistants, pères, maris ou fils. Mais au moins, l’Histoire parle d’eux et, malgré ses bégaiements toujours d’actualité, on a encore confiance en ses leçons. Ne pas oublier.
L’AFMD n’oublie pas. Jonquières-Saint-Vincent non plus. « Il y a 13 ans j’étais venu ici avec Louis Gibelin, maire de Jonquières et témoin des faits qui se sont déroulés en mars 1944 ici même », évoque Jean-Paul Boré. « Je l’avais enregistré. » Silence dans l’assemblée, le vent souffle, la mémoire revient, revit. Louis Gibelin parle.
Ce jour noir est resté en lui. Il se rappelle avoir vu les troupes arriver, faire quelque chose et repartir. C’est encore la guerre, ils ont des mitraillettes, pas les villageois qui observent. Une fois les SS partis, des jeunes vont sur place et entraperçoivent l’horreur.
Une fosse peu creusée, des corps. Mais que faire ? Rien. Il faudra attendre le mois d’août pour y retourner et découvrir les quinze corps dénudés, la corde au cou et les mains liées dans le dos. Sortis de terre et apportés au marché couvert, les corps auront une cérémonie sur place avant d’être inhumés au carré militaire du cimetière de Nîmes. Une plaque au cimetière de Jonquières rappelle l’événement.
Mais aucune plaque ne commémorait le lieu de la honte, de la dissimulation de la barbarie. « La municipalité a acheté ce terrain et aujourd’hui nous pouvons faire cette cérémonie et mettre en place cette plaque qui fait écho aux trois autres à Nîmes, route d’Uzès, boulevard Talabot et avenue Jean-Jaurès, qui sont sur les lieux des pendaisons de ces 15 hommes », conclut Jean-Paul Boré.
Une conférence d’Armand Cosson, historien, professeur d’histoire honoraire en classes supérieures au lycée Daudet de Nîmes avait lieu à la Maison du protestantisme pour terminer la journée.