NÎMES "Électre des bas-fonds", à voir absolument ce soir au théâtre de Nîmes
Héritier du théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, Simon Abkarian écrit et met en scène Électre des bas-fonds en 2019. Trois Molières plus tard, le chef-d'œuvre est présenté sur la scène du théâtre de Nîmes. Alors qu'hier soir, Bernadette-Lafont faisait salle comble, la scène Nîmoise offre une deuxième chance ce soir à 20h.
Les textes d’Euripide ou de Sophocle n'ont pas été détournés et ont conservé une actualité insupportable. Simon Abkarian a voulu s’attarder sur certains personnages comme Chrysothémis, la sœur d’Électre, et de sa famille par exemple. L'auteur donne la parole aux femmes humiliées par les hommes. Il a souhaité retrouver l’ambiance des tragédies grecques où les chœurs étaient chantant et dansants.
Putains damnées
Ainsi, le texte antique est-il illuminé et rendu plus léger par la vingtaine de danseuses et danseurs accompagnés par les chants et la musique du trio Howlin’ Jaws, d’une justesse absolue. Rock oriental, guitare, basse et oud à long manche. Tout ça dans un décor de cabaret, de chaises en bois, comme un clin d'oeil éclair à Liza Minnelli. Sur la gauche de la scène, la nourrice aveugle des enfants royaux déchus, guide parfois le spectateur perdu. Ce chœur, constitué de putains aux couleurs de Geishas, le verbe haut, qui complotent, au bordel du quartier le plus pauvre d’Argos, constitue l’axe principal de la pièce. Ces femmes sont des prises de guerre Troyennes puisque Agamemnon, le Grec, a détruit Troie, annihilé leur civilisation. Elles ont connu le paradis, Troie, et se retrouvent dans la pire des situations, maltraitées par les hommes. Ces femmes des bas-fonds organisent alors la résistance, autour d’Électre et de son frère Oreste travesti en femme. Censés par l’oracle de Delphes, venger leur père Agamemnon occis par leur mère et son amant.
Un plan à Troie
Clytemnestre vit avec sa fille Chrysothémis et son amant, Égisthe. Ils ont pris le trône par suite de l’assassinat d’Agamemnon. Mais les choses ne sont pas si évidentes qu'elles le paraissent. Car si Clytemnestre a tué son roi de mari, c'est parce que celui-ci avait sacrifié et tué sa fille chérie Iphigénie, sur l’autel de ses ambitions personnelles. Ainsi cette femme, traitée d’hystérique, réussit à justifier un geste qui paraît insensé. C’est la raison pour laquelle ses enfants Oreste et Électre, tous deux en exil, n’arrivent pas à accomplir le geste de vengeance que le monde les pousse à faire : tuer leur mère. Chrysothémis offre son corps à son beau-père afin de sauver les cheveux d’Électre et fait le lien entre les membres de la famille. Par son entremise, Oreste retrouve finalement sa mère, glaive en main et tue Égisthe. Sa mère lui explique le geste qu'elle a dû faire à l'endroit d'Agamemnon et il semble qu’il ne peut la blâmer, et qu’elle a agi justement. Mais l’oracle, sa sœur, son honneur, lui ont commandé de la tuer. Alors… Simon Abkarian, humaniste, donne la parole aux femmes outragées, violées, dans une société patriarcale qui nie leurs souffrances, leurs douleurs. Une situation qui n’aurait donc pas évolué depuis Homère…