NÎMES La cathédrale sous l’étude des archéologues
L’Institut national de recherches archéologiques préventives organisait une journée d’étude au Musée de la romanité. Une conférence, portant sur la cathédrale Notre-Dame et Saint-Castor : un patrimoine en constante évolution, était à l’ordre du jour.
C’est Marie Rochette, archéologue et spécialiste en architecture du bâti médiéval pour le compte de l’Inrap, qui développe les résultats de son travail. Encore en cours, ses analyses permettent déjà d’y voir plus clair dans la touffue histoire de l’édifice médiéval.
Si l’on ne connaît rien du groupe épiscopal de l’Antiquité tardive (IVe-Ve s.) et du début du Moyen-Âge (VIe-Xe s.), on sait que l’église majeure est reconstruite à la fin du XIe siècle à l’initiative de l’évêque Pierre Ermengaud et consacrée le 6 juillet 1096 par le pape urbain II. Elle fait l’objet de travaux d’embellissement, d’agrandissement et de reconstruction aux époques gothique (XVe-XVIe s.), moderne et contemporaine (XVIIe-XIXe s.).
« Aujourd’hui, la cathédrale indique le centre de la ville resserrée de Nîmes au Moyen-Âge. L’édifice a subi de nombreuses modifications au fil des siècles mais nous sommes actuellement en plein chantier de restauration et ce que l’on vous dit aujourd’hui est susceptible de changer, d’évoluer au cours de l’étude. En tout cas cela nous permet d’en savoir toujours plus sur ce monument important. »
Le clocher a été analysé en 2022, la façade cette année et le travail sur la terrasse se fera jusqu’à l’an prochain. Par chance nous avons quelques archives écrites et iconographiques, nous avons aussi les maisons qui sont proches de l’édifice comme la maison romane qui est en face, pour nous donner quelques indices.
Placée à environ 300 mètres au nord-est de l’amphithéâtre antique et à la même distance à l’ouest de la Maison carrée, la cathédrale est un des monuments iconiques de la cité des Antonins.
« Dans l’Antiquité, y avait-il à cet emplacement un théâtre semi-circulaire ? Peut-être !, pose la spécialiste. En 394-396 Nîmes est le siège d’un concile et les chrétiens y sont déjà bien organisés car ils peuvent mettre cette réception en place. La cathédrale était-elle déjà là ou était-elle ailleurs ? En général une cathédrale est construite avec l’arrivée des premiers évêques. Place du Chapitre, un bâtiment paléochrétien avec des tuiles peintes est présent. Non loin, on a une abside accidentée qui est encore sous la Place aux Herbes. Était-ce l’extrémité d’une basilique du haut-Empire ? Ou un reste du IVe ou Ve siècle… »
Sous l’Antiquité tardive et le Haut Moyen-Âge, du IVe au Xe siècle, l’église a pu être à nouveau érigée au IXe puis elle apparaît entourée d’un bourg et d’un enclos religieux au début du XIe siècle. Le 6 juin 1096, c’est la date de sa consécration par le pape Urbain II qui vient et qui a sans doute dû voir une cathédrale encore inachevée. Les XIe et XIIe siècles on voit que la cathédrale romane est là. On retrouve dans cette construction beaucoup de blocs de réemploi comme ceux des gradins de l’amphithéâtre par exemple. Au-dessus du portail, la frise peut aussi être Antique et l’on voit des monuments funéraires eux aussi réemployés dans le chantier.
Les recherches ont ainsi porté sur les nombreux vestiges de l’histoire architecturale du monument, depuis la cathédrale romane, les adjonctions de l’époque gothique et moderne, la reconstruction du XVIIe ssiècle à la suite des guerres de Religion, jusqu’aux travaux de l’époque contemporaine. Elles permettront de conserver et de mettre en valeur ces éléments durant la restauration de l’édifice.
« Nous allons étudier la frise, la nettoyer et la restaurer, indique Marie Rochette. Elle est composée de 18 bas-reliefs mais n’est achevée probablement qu’un siècle après la venue du pape Urbain II. Les sept bas-reliefs que l’on observe sur la gauche en faisant face au portail montrent le cycle de la Genèse. La production romane est tardive, peut-être de la fin du XIe siècle, comme le fronton qui est au-dessus. La partie méridionale de la frise est quant à elle des XVIe ou XVIIe siècle. On voit 11 bas-reliefs qui sont refaits et mal conservés mais pour chaque tableau on voit de nombreux personnages et des décors très variés. »
Les archéologues, présent sur le site lors des travaux de changement du sol et de la mise en place d’un chauffage par géothermie en ont profité, voilà quelques années, pour faire d’autres recherches approfondies. « Nous avions aussi fait cinq sondages pour mieux connaître la nef romane qui mesurait plus de 35 mètres de long et qui était composée de trois vaisseaux séparés par des piliers et colonnes qui supportaient des machicoulis d’ornement et non de défense. On a dû, pour la construire, utiliser également des blocs de réemploi. La charpente originelle du clocher n’est pas celle que l’on voit aujourd’hui car elle a dû être refaite. On en saura bientôt plus car nous sommes en étude sur la question. »
Plus tard dans le temps c’est la porte qui a été refaite puis l’intérieur par Henri Révoil qui s’est aussi occupé de la terrasse qui repose aujourd’hui sous une épaisse couche de gravats. Ces gravats sont sans doute issus des maisons détruites lors du percement de la rue Général-Perrier ! Sous cette couche on voit une calade et le reste d’un pavement de pierres et une voûte en terre cuite.