NîMES Les artisans et professionnels libéraux lancent un message d'alerte à la population
Mèneront-ils une action ? Si ce n'est pas exclu, pour l'heure les artisans et professionnels libéraux regroupés sous l'étendard de l'Union des entreprises de proximité (U2P) tirent la sonnette d'alarme à grands coups de témoignages.
La baguette à 4€... L'accroche est volontairement provocatrice pour attirer l'attention. De qui ? Des pouvoirs publics, des consommateurs, sur la situation économique des entreprises de proximité. Et cela concerne les métiers de bouche, du bâtiment, de services et les professions libérales. Réunis sous l'étendard de l'U2P, les représentants de la Capeb, de la fédération des artisans boulangers-pâtissiers, de la CNAMS et l'UNAPL, tirent "la sonnette d'alarme." Et de s'interroger lors d'une conférence de presse organisée mardi dernier à Nîmes : "Va-t-on se relever ?"
Les dirigeants des entreprises représentées par l'U2P du Gard, soit 42 220, encaissent coup sur coup : hausse du coût des matières premières - entre 15 et 20% chez les prothésistes par exemple, jusqu'à 30% dans le bâtiment, et 100% pour certains produits pour les boulangers - mais aussi de l'énergie, pénurie de main d'oeuvre. Sur ce dernier point, Christophe Hardy, président de l'U2P 30, marque un temps d'arrêt, quitte à choquer : "C'est d'un manque de compétences auquel nous faisons face plus qu'à une pénurie de main d'oeuvre. Cela dû au cursus initial, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, il faut remettre la France au travail, retrouver les valeurs travail."
La crise sanitaire a bouleversé le rapport au travail, les représentants des confédérations présents à la conférence de presse en ont bien conscience, de même que de la nécessité de s'adapter. "Mais jusqu'où devrons-nous aller ?, s'interrogent-ils. Et les mêmes d'insister : "On fait face à de nombreuses difficultés et on n'arrive plus à remettre l'église au centre du village. On a tendance à oublier que l'artisanat est le premier employeur de France, premier récolteur de TVA qui ne peut pas délocaliser sa main d'oeuvre, qui forme le plus d'apprentis."
Une adresse directe à l'endroit d'une concurrence jugée déloyale. L'exemple des boulangers est encore une fois citée. "Le pouvoir d'achat des Français n'est pas exponentiel. Les personnes de bonne foi sont-elles prêtes à payer non pas 4€, nous avons exagéré volontairement mais 1,60€ la baguette, alors que les chaînes et autres, leur proposent à 0,80€, explique Christophe Hardy. Ces gens-là ne sont pas lotis à la même enseigne que nous, ils ont des tarifs verts que nous n'avons pas, donc ils ont des prix sur l'énergie qui frôlent l'indécence, peuvent acheter en groupe et donc bénéficient de tarifs avantageux."
Stéphane Trouvé, président de la CNAMS 30, et prothésiste dentaire, pointe du doigt ces entreprises "qui délocalisent la fabrication des prothèses réalisées avec des produits low cost et une main d'oeuvre moins chère." Christian Bourdon, tapissier-décorateur ne cache pas non plus son inquiétude : "on va droit dans le mur, réagit-il. On ne nous considère plus comme essentiels mais comme loisirs."
S'ils disent vouloir rester optimistes, les artisans et libéraux alertent les pouvoirs publics ainsi que les consommateurs "pour qu'ils prennent conscience que l'artisanat est une richesse qui au fur et à mesure se tue. Aujourd'hui, on ubérise notre société, on déculture le salariat dans notre territoire, à qui ça fait mal ? Nos salariés, nos compétences, notre savoir-faire, nous sommes en train de les perdre, sous couvert d'un modèle social, dit libéral, dit flexible, dit indépendant, mais à quel prix ?" Pour l'heure, aucune action n'est prévue, même si ce n'est pas totalement exclu.