FOOTBALL Lucas Franco (OAC) : "C'est la compétition qui m'a apporté mes plus beaux souvenirs dans le foot"
À bientôt 32 ans (il les aura le 16 octobre), le milieu offensif croque la vie à pleines dents et appréhende le football à grands coups de crampons. Grand artisan de la montée en National 2 lors de l'exercice 2021/2022, plus discret l'an dernier, le natif de Montluçon a merveilleusement lancé sa quatrième saison avec l'OAC en inscrivant deux somptueux buts, le dernier d'entre eux ayant offert la victoire aux siens sur la pelouse du leader, Hyères.
Apprécié du public pour sa combativité à toutes épreuves malgré un gabarit fluet, Lucas Franco est une vraie force tranquille qui sait détecter un piège quand il en voit un. Pour ne pas que le déplacement à Rousson ce dimanche dans le cadre du 5e tour de Coupe de France en devienne un, l'Auvergnat a la recette : elle est à base grinta. Interview !
Objectif Gard : Un but somptueux en amical contre Nîmes, un lob magnifique face à Aubagne et maintenant une reprise acrobatique à Hyères. C’est quoi ces buts de fou que tu nous mets en ce moment ?
Lucas Franco (OAC) : Il y a des périodes où ça marche mieux. C'est presque des buts plus faciles à mettre parce qu'on ne réfléchit pas. C'est des buts d'instinct. On n'a pas le temps de se poser des questions. On prend le ballon, on se concentre sur le geste et en ce moment ça rentre.
Qu’est-ce que ça dit de ton état de confiance actuel ?
Pour chaque joueur de foot ça fonctionne comme ça. On sait qu'il y a des périodes où c'est plus facile. Les grands joueurs n'ont pas ces périodes de doute, ou en tout cas ils les limitent. En ce moment ça marche bien donc je vais faire en sorte que ça dure le plus longtemps possible.
Tu vas avoir 32 ans dans quelques jours. Je me trompe peut-être, mais j'ai le sentiment que tu joues chaque match comme si c’était le dernier. J’ai l’impression que tu as remis la notion de plaisir au centre du jeu, c'est le cas ?
Oui, c'est vrai, même si j'ai toujours été un peu comme ça. Il ne me reste pas dix ans, encore qu'on ne sait jamais (rires). J'essaie de prendre du plaisir à chaque match sur le terrain. On travaille toute la semaine pour la compétition. Peut-être qu'avec la maturité, j'accentue plus sur cette notion. J'essaie de ne pas me poser de questions, de savoir qui je joue en face. Si j'ai tant de temps de jeu, j'essaie de faire de mon mieux car je sais que quand je suis en confiance je peux apporter à l'équipe.
La saison dernière a été plus difficile pour toi sur un plan personnel. Tu as un peu moins joué, tu as eu des pépins physiques. Comment as-tu vécu cette période ?
L'an dernier, il y a eu le changement de coach. J'ai commencé titulaire mais après j'ai traversé une période compliquée. J'ai perdu mon grand-père, j'ai eu des soucis personnels, quand je suis revenu j'ai été malade. J'ai perdu du temps et physiquement je ne me suis pas senti très bien lors de la deuxième partie de saison. Daysam marchait fort donc il n'y avait pas de souci de ce côté là. Mais sur les bouts de matchs que j'ai pu jouer, la plupart du temps je l'ai plutôt bien fait. Je me rappelle d'un match à Auxerre où j'ai joué 9. J'ai aussi joué sur le côté en m'adaptant à ce que le coach attendait de moi.
Tu évolues dans un secteur de jeu hautement concurrentiel. On le disait, tu as un peu moins joué l’an dernier. Quel est ton rapport à la concurrence ? Est-ce que tu te nourris de ça, de l’apport de jeunes joueurs qui ont les dents longues ?
Franchement pas du tout. J'essaie juste d'être concentré sur moi et sur mon jeu. Après s'il y a quelqu'un qui est meilleur que moi et qui peut apporter plus à l'équipe, c'est comme ça ! La concurrence fait partie du football. Parfois c'est compliqué d'être sur le banc. Aujourd'hui ça fonctionne bien pour moi. Peut-être que demain ça ira moins bien et celui qui me remplacera sera très bon. C'est ça qui fait aussi la force d'une équipe. Il faut juste essayer de maintenir le curseur en position haute. Daysam (Ben Nasr, NDLR) est un mec que j'adore même s'il est à mon poste. Je m'entends bien avec tout le monde. Il n'y a pas de concurrence malsaine. Je n'aime pas ça !
Revenons sur cette déroute à Cannes (défaite 8-1). Il y a eu des discussions d’hommes dans la foulée. Vous avez pu crever certains abcès. Depuis, outre le fait que vous enchaînez les victoires, le visage de l’équipe n’est plus du tout le même. Penses-tu que cette déroute peut-être l’élément fondateur d’une grande aventure collective qui ne se serait peut-être pas produite sans une telle déconvenue ?
Oui tu as tout à fait raison. Quand tu prends une grosse gifle, l'important c'est de savoir comment tu vas te relever. Il y a eu beaucoup de réunions entre joueurs. Jean-Marie est venu dans le vestiaire. Le coach a beaucoup parlé aussi et je pense qu'il a su trouver les bons mots. On ne peut pas réécrire l'histoire, mais si on n'en avait pas pris huit, est-ce qu'on aurait gagné les matchs suivants ? Peut-être pas parce que ça nous a ramenés à des choses plus simples et essentielles à notre groupe. Si on veut gagner des matchs, on doit mettre ces ingrédients-là. Au moins ça nous a explosé à la figure et c'était plutôt une bonne chose.
Depuis, les succès s’enchaînent. Même si le fait d’être leader après cinq journées est anecdotique, battre Hyères sur sa pelouse est un signe fort. Est-ce que tu penses qu’intrinsèquement l'effectif actuel de l'OAC est supérieur en qualité à celui de l’an dernier ?
Je ne sais pas trop, j'ai du mal à répondre à cette question. En tout cas il nous manquait une victoire comme celle à Hyères. J'aime bien Moscato et il dit souvent que les victoires à domicile c'est une chose, mais que c'est à l'extérieur qu'on voit les hommes. Ça a occasionné une grande joie dans le vestiaire car même si le fait que Hyères soit premier après cinq journées est anecdotique, c'est une grosse écurie.
"C'est une compétition qu'il faut aborder avec humilité au risque de prendre une gifle"
Lucas Franco au sujet de la Coupe de France
Brian Chevreuil me disait qu’il avait choisi l’OAC en partie en raison de la philosophie de jeu du coach Hakim Malek. Est-ce que c’est plus facile pour un joueur d’adhérer à long terme à un projet sportif quand celui-ci prône le beau jeu comme c’est le cas actuellement à l'OAC, même s’il y a évidemment une grosse exigence sur le plan défensif aussi ?
Quand tu te reconnais en tant que joueur dans la façon de jouer du coach, c'est plus facile. C'est toujours plaisant de proposer du jeu, même si à un moment donné on est trop tombé là dedans, à l'image des buts qu'on a pu donner en début de saison. Il y a des séquences à l'entraînement lors desquelles on prend plaisir à jouer ensemble. Il y a des matchs où ce n'est simplement pas possible de proposer du jeu offensif. Le Puy, on savait que c'était une équipe qui allait venir nous chercher haut. Ça aurait peut-être été suicidaire de vouloir repartir de derrière à tout prix.
En attendant de retrouver le championnat, ce dimanche c’est la Coupe de France qui se profile. C’est une compétition un peu unique qui fait rêver la plupart des joueurs et les supporters. Tu as eu la chance de marquer un but contre Lyon, de jouer un 16e de finale contre Montpellier avec l'OAC. Est-ce que tu as des envies d’épopée cette saison ?
C'est la compétition qui m'a apporté mes plus beaux souvenirs dans le football. J'ai eu la chance de faire plusieurs beaux parcours. J'ai joué contre huit clubs professionnels, donc c'est vraiment une compétition qui est magique. C'est aussi une compétition qu'il faut aborder avec humilité au risque de prendre une gifle et de sortir plus vite que prévu. C'est pour ça qu'il y a autant de surprises et qu'on aime cette compétition. J'y suis très attaché, même si c'est vrai que tu perds beaucoup d'énergie quand tu fais des longs parcours. Mais si on peut en faire un, on ne s'en privera pas ça c'est sûr.
Même si tu viens partiellement de répondre à la question, quelle est la recette pour se sortir de ce genre de match "piège" qui se profile ce dimanche à Rousson (R2) ?
Il faut mettre les mêmes ingrédients que si c'était Hyères ou Fréjus en face. Il faut mettre notre jeu en place et être efficace. Ce n'est jamais facile, on a l'exemple assez récent l'an dernier d'une élimination chez une équipe de R2. Il faut déjà de l'humilité et après on verra ce que ça donne.
C’est aussi l’occasion de revoir des visages familiers comme ceux d'Aloïs Chabassut ou Aïssam Fadil. Il y a un peu de chambrage avant le match ou chacun reste dans sa bulle ?
On s'est envoyé des messages avec Aïssam dès le tirage. C'est plutôt agréable de revoir ces mecs-là qui ont beaucoup donné pour le club. Ça sera un plaisir de les revoir et après le terrain ça sera le terrain ! (sourire)
"Aujourd'hui, je signe tout de suite pour un maintien !"
Tu vis ta quatrième saison sous les couleurs de l’OAC. Tu fais partie des plus anciens avec Yann Djabou et Théo Peyrard notamment. On a le sentiment qu’en tant que joueurs, vous partagez des valeurs assez similaires qui ne pouvaient que coller à l’esprit cévenol...
Ce sont des valeurs qui sont indispensables quand on joue au football et encore plus quand on joue ici. On le ressent très vite. Ça fait partie des messages qui sont envoyés aux joueurs. Dès le premier appel que j'avais eu avec Jean-Marie pour signer ici, il m'en avait fait part. J'aime beaucoup les supporters, ils me le rendent bien. C'est plaisant de travailler dans ces conditions.
On parle de ta longévité à Alès. Est-ce que tu as conscience que dans l’esprit de beaucoup de supporters de l’OAC, dans une dizaine d'années, tu resteras un joueur que l'on citera comme ayant marqué l'histoire récente du club avec la génération Moreau, Djabou, Peyrard et consorts ?
C'est vrai qu'on est venu pour un projet en accrochant cette montée de N3 à N2 qui était attendue depuis longtemps. Mais je n'oublie pas les joueurs qui ont fait la montée de R1 à N3 avant nous. C'est cette histoire commune qu'il a fallu faire perdurer en reprenant le flambeau pour coller aux ambitions du club. On continue et on verra ou ça nous mène.
Penses-tu pouvoir faire partie de la génération qui connaîtra le National 1 ?
Si ça arrivait, ça serait incroyable ! Pour l'instant, à court terme, si on veut jouer les premiers rôles dans ce championnat, il ne faudra jamais penser aux clubs au dessus de nous mais penser avant tout à ceux qui sont en bas. C'est quand on a peur de ce qui est en bas qu'on est les meilleurs et c'est un peu ça qu'on avait oublié en début de championnat. La peur de perdre, c'est ce qui a fait notre force la saison dernière en deuxième partie de saison. Si au bout d'un moment on est tranquille pour le maintien, on pourra regarder au dessus. Aujourd'hui, je signe tout de suite pour un maintien !