FAIT DU JOUR Alès : 30 ans de feria, 30 ans de fiesta !
1989-2019. Comme si elle avait toujours existé, la feria d’Alès est un rendez-vous incontournable en Cévennes. Organisée sur le week-end prolongé de l’Ascension, elle attire des milliers de « festaïres », que ce soit dans les rues de la ville ou dans les arènes du Tempéras. On replonge dans l’épopée d’une feria familiale dont le succès n’est plus à prouver.
Dans le Midi de la France, on ne peut pas dire que la feria d’Alès soit la plus connue. Pourtant, avant même la « première feria du toro », telle qu’elle a été baptisée en mai 1989, les traditions taurines existaient déjà en Cévennes et dans le bassin d’Alès. « Dans tous les patelins du coin, il y a toujours eu des fêtes avec des taureaux. Et ça dure depuis bien longtemps ! », assure Jean-Paul Sabatier, président de « La Banderilla », un club taurin fondé à Alès en 1909 – ce qui en fait aujourd’hui l’un des plus anciens de France – avec, à l’époque, près de 500 adhérents.
Alors oui, la capitale des Cévennes compte depuis des lustres bon nombre d’aficionados, les mêmes qui ont bouclé un budget pour construire les arènes du Tempéras à la fin du XIXe siècle. Les mêmes qui ont vu la tradition perdre de sa superbe lorsque le préfet du Gard a interdit la corrida dans le département, en vertu de la loi Grammont. Il faudra alors attendre la fin des années 1980 pour que les spectacles tauromachiques signent leur grand retour dans l’amphithéâtre alésien rénové. Depuis, la tradition ne s’est plus jamais essoufflée.
Mai 89, une ambiance de « mini-feria »
En ce début du mois de mai 1989, à peine deux mois après les élections municipales qui ont vu le socialiste Alain Fabre succéder au communiste Gilbert Millet à la tête de la mairie d’Alès, personne ne sait encore que la « feria du toro » sera la première d’une longue série. Organisé sur deux jours, l’événement n’a pas grand-chose à voir avec celui d’aujourd’hui. Si les dizaines de milliers de visiteurs n’envahissent pas encore les boulevards, l’ambiance est déjà à la fête le samedi soir, en particulier dans le secteur des arènes qui sont le théâtre, le lendemain, d’une novillada sans picador suivie d’une corrida de toros. Le soir, tout ce beau monde fait durer le plaisir sur la place de la Libération où se tient une « mini-feria » avec vachettes, bodega et paëlla. Tous les ingrédients d’une bonne feria sont réunis, les fêtards aussi. La feria d’Alès, qui deviendra en 1990 la « feria des mangetripes », a déjà trouvé son public.
Des dizaines de milliers de personnes
En 1991, les arènes du Tempéras fêtent cent ans d’existence lors de la feria dite « du centenaire ». Les bodegas se multiplient et s’étendent, dès le cru 1993, sur toute la longueur du boulevard Louis-Blanc. La feria prend sa vitesse de croisière avec ses quatre jours de fête autour du toro et de l’Ascension. « C’était populaire et surtout gratuit ! Alors tout le monde descendait dans la rue pour se retrouver. Le côté convivial et familial est arrivé très vite », se souvient Bernard Hillaire, qui travaillait alors au service communication de la ville.
En 1995, la feria apporte son lot de nouveautés en organisant une journée du cheval, avec l’inédite course « fangassière » dans le Gardon, ainsi que la première pégoulade qui déroulera son cortège du centre-ville jusqu’aux arènes. Cette édition – qui compte 27 bodegas – connaît un véritable succès d’affluence, faisant entrer Alès dans le cercle des villes taurines qui ont su trouver leur créneau.
Devenue très vite l’événement majeur de l’année, la feria de l’Ascension continue sous l’ère Roustan après son élection en juin 1995. Le nouveau patron de la ville, devenu lui-aussi incontournable dans la capitale des Cévennes, est intronisé par la confrérie des Mange-Tripes d'Alès lors de la feria de l’an 2000. La cérémonie a lieu à la bodega de la jeune chambre économique à l'espace Jan Castagno. Pour l'anecdote, la veille, le maire d'Alès qui n'était alors qu'à cinq années de mandat s'était vu refuser l'entrée d'une bodega parce qu'il n'avait pas son carton d'invitation. Le vigile ne l'avait pas reconnu…
À l’exception des journées pluvieuses, qui vont parfois obliger les organisateurs à annuler certains spectacles, les ferias suscitent un engouement grandissant d’année en année. Côté arènes, les aficionados sont toujours au rendez-vous. « Je dirai même qu’il y a de plus en plus de monde », estime Jean-Paul Sabatier, le président de « La Banderilla ». Dans les rues du centre-ville, des dizaines de milliers de personnes foulent le très fréquenté boulevard Louis-Blanc (village sévillan), la rue Albert-1er (village andalou) et la place de la mairie (village camarguais).
Une sémillante trentenaire
Si l’effervescence est toujours bel et bien présente, la quarantaine de bodegas de la fin des années 90 a vu son nombre diminuer de moitié lors de ces dernières éditions. Il faut dire que les normes imposées en matières d’hygiène et de sécurité sont de plus en plus strictes, que les bénévoles sont de moins en moins nombreux, dans une feria où les bodegas ont tendance à se professionnaliser. En trente ans, le monde a changé…
1989-2009. Depuis sa création, la feria d’Alès s’est taillée une place de choix et une belle réputation. Sur ce long week-end de l’Ascension, elle est une délicieuse mise en bouche de la très fréquentée et réputée feria de Nîmes. Avec la tranquillité et l’aspect familial en plus, la feria est aujourd’hui une jeune trentenaire hautement convoitée.
Élodie Boschet