Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 10.03.2020 - anthony-maurin - 6 min  - vu 1307 fois

FAIT DU JOUR Palotchka : un trait pour une école démocratique

À Nîmes, l'école Palotchka n'est pas comme les autres. Bienvenue dans un autre monde !
Une partie des élèves de cette école démocratique (Photo Anthony Maurin).

L'entrée de l'école démocratique nîmoise (Photo Anthony Maurin).

Nous vous en parlions il y a un peu plus d'un an, la Palotchka est encore en vie et compte bien le faire savoir ! Cette école démocratique d'un nouveau (mais ancien) genre apporte peut-être une solution à bon nombre de problèmes éducatifs actuels.

La Palotchka ? Quèsaco ? C'est avant tout un symbole typographique cyrillique mais pour l'heure, c'est une école nîmoise un peu à part. Dans une petite rue non loin du Jean-Jaurès, une charmante maisonnette. Dès l'entrée, l'accueil et le registre. " On a le droit de sortir mais il faut l'accord des parents et noter ce que l'on doit faire dans le cahier. On doit aussi avoir un téléphone portable ", lance Estelle, une encadrante.

L'accueil (Photo Anthony Maurin).

Élèves et professeurs sont des mots dépassés pour la Palotchka qui leur préfère les termes de "facilitateurs" et de "jeunes membres". Ceux qui sont présents au coeur de cette vraie expérimentation sensée, sont souvent ceux qui ont connu de sales heures à l'école.

Une école monotypée, moulée dans une norme dans laquelle il n'est pas toujours souhaitable de s'inscrire. Eux, n'y avaient pas leur place. Ici, ils ont trouvé une bouffée d'air frais, de l'écoute et du contenu pédagogique à la hauteur de leurs espérances. Des petits bouts qui ont échappé au pire et dont les parents ont adopté le réflexe parfait. Nul n'est mis de côté, laissé sur le chemin cahoteux de l'apprentissage du savoir. À côté de l'entrée, la salle des casiers. Les effets personnels y sont déposés tout comme les chaussures que l'on quitte rapidement si l'on veut avancer plus loin dans l'école.

La salle des casiers (Photo Anthony Maurin).

" Cette salle abrite aussi les classeurs et les tableaux de bord des jeunes. Nous notons le suivi de l'assimilation des compétences. C'est rempli tous les soirs et nous faisons un bilan par semaine et un bilan plus général par trimestre ", poursuit Estelle que l'on a déjà croisé dans le cadre d'un autre reportage.

De 8h30 à 17h30 pour une semaine de quatre jours à l'école. À l'intérieur, tout le monde touche aux joies de la vie collective mais les jeunes membres doivent être présents 26 heures par semaine. De son ouverture en septembre 2018 avec neuf jeunes, près de 18 mois plus tard, l'école compte 18 têtes plus ou moins blondes et deux services civiques. Le plus jeune des " élèves " a trois ans, le plus âgé 19. Les plus grand sont bienveillants envers les plus jeunes, c'est un des buts de l'école.

La salle de musique (Photo Anthony Maurin).

Solal arrive tout seul sur une trottinette qu'il laisse à l'entrée. " Bonjour !  Que c'est beau ce canapé ! ", scande-t-il à la vue de la nouveauté du jour, offerte par des amies de l'école. C'est au tour d'Arthur de pénétrer. " Salut ! Bonjour Timo ! ", dit-il au pitchounet qui rampe au sol pour le saluer. Dans une autre pièce, la cuisine, certains préparent leur en-cas matinal. Une se fait du café, l'autre mange des petits biscuits. Les jeunes peuvent se faire leur repas et mangent à leur guise quand la faim les tenaille. Les minots prennent leur tambouille mais ne mangent pas en cuisine.

Avant le début de la journée de travail, entre 8h30 et 10h, on se met en chauffe en parlant de tout et de rien (Photo Anthony Maurin).

De l'autre côté du couloir, la pièce dédiée à la musique et au cinéma. Bien insonorisée, avant cette salle était le défouloir ou encore la salle des tout-petits que l'on a préféré avoir sous les yeux dans le grand salon. Le voilà ce fameux grand salon. On se croirait à la maison et nous sommes pourtant à l'école.

Seth fait un transfert sur un tee-shirt très rock ! (Photo Anthony Maurin).

Des canapés, des tables, des établis, des tableaux... " Dans cette salle commune nous organisons tous les jours une réunion à 10h, le Quoi de neuf ? C'est obligatoire d'y assister. Mais nous y faisons aussi les arts plastiques, les sciences, le bricolage ", ajoute Estelle qui affirme que le conseil d'école hebdomadaire doit quant à lui servir à améliorer ce qui doit l'être. Le ressenti de chacun est primordial dans la démarche. " On prend les décisions ensemble ! ", lâche un jeune qui passe par là.

La bibliothèque sur la mezzanine (Photo Anthony Maurin).

Mais revenons au Quoi de neuf ? " Nous sommes 20 autour de la table. Nous lisons une citation. Nous donnons les nouvelles de l'école. Nous regardons ce que nous allons faire dans la journée... ", débute Stéphane, à la baguette de l'école depuis sa création. Autre typicité de cet instant en commun, les " Problèmes et solutions. " Avec ces questions, c'est toute la machine qui s'éveille. Une personne a un souci ? On le résout en sa compagnie, en l'aidant et non en le mettant de côté. On pousse le bouchon à l'excès jusqu'à englober l'avis des bambins quant à l'emploi du budget de l'école pour telle ou telle proposition.

Le ciné-club (Photo Anthony Maurin).

Une fois la réunion achevée, place au travail. Sur la mezzanine, les jeunes bossent les cours formels qui nécessitent calme et concentration. On y trouve aussi la bibliothèque avec des références plaisantes comme des livres d'art et une immense frise datant les inventions humaines. Tout cela est propre à l'éveil et à la curiosité de chacun.

On trouve aussi un ciné-club et un jeu d'échecs. Il faut dire que Steph, dont c'est l'anniversaire, Alex et Estelle se sont rencontrés aux Beaux-Arts de Nîmes. Serge, bénévole et pédopsychiatre à la retraite, est quant à lui président et poursuit le mélange générationnel quand il vient (deux fois par semaine).

Vue d'en haut (Photo Anthony Maurin).

Evan sort d'un stage chez un graphiste, Rémi d'un petit séjour dans trois autres écoles démocratiques en France et en Suisse. Un autre était chez un maréchal-ferrant et un dernier a tenté le concours de l'Atelier 42. Après une année pleine de fonctionnement, chacun a trouvé sa place dans ce fouillis bien organisé.

" Nous sommes plus à l'aise sur le fonctionnement. Nous sommes plus organisés et je note plus d'investissement de la part des jeunes, reprend Steph, qui n'a pas peur du tutoiement. C'est constructif et notre stabilité c'est aussi leur stabilité. C'est un peu comme une grande fratrie. Nous dialoguons beaucoup car le collectif est très important. Nous faisons également de nombreuses sorties, toutes décidées en commun. "

Dans les canapés avant la première réunion du jour, on se détend (Photo Anthony Maurin).

Une chose lui fait peur... Les inspections. Une fois par an, l'école est inspectée. La première fois a été marquante. " Les inspecteurs sont venus à cinq ! Nous avons essayé d'être clairs, agréables mais je pense qu'on ne se comprend pas. Ils veulent des preuves que nous ne pouvons pas toujours leur donner quant à l'apprentissage et à la validation des acquis. C'est un peu stressant et ils ont mis l'école en demeure (comme presque partout en France dans ce genre d'école en-dehors de la norme estampillée Éducation nationale, NDLR ) mais les parents nous soutiennent et croient en notre projet. Ils voient que les enfants sont bien plus épanouis et qu'ils apprennent des choses ! "

Un vaste tableau pour une stricte organisation (Photo Anthony Maurin).

Ici, on travaille, bien sûr, mais on conserve ses affinités avec certaines matières que l'on peut approfondir quand on le souhaite. Il en va de même pour les activités annexes. On ne note pas les jeunes, on coche leurs compétences acquises. À l'extérieur, une cour, petite mais qui possède un coin potager et un autre plus axé sur les jeux.

10h, le gong sonne. Tout le monde se réunit sur les canapés de la grande salle commune. Le silence se fait, Seth prend la parole et se met à lire la citation du jour. Une de Nekfeu. Arthur et Gaby arrivent à la bourre mais se mettent vie en place. Arthur, à l'écoute du mot du rappeur, murmure le sourire aux lèvres, " Nekfeu... On a tous fait des erreurs à ce tableau ! "

Dehors, les plus jeunes jouent pendant que d'autres se réunissent (Photo Anthony Maurin).

Clara reprend la parole et fait défiler l'ordre du jour. Les plus petits " élèves " n'entrent pas dans la danse préférant la cour humide et les jeux qui vont avec. Les élections au conseil d'école sont faites à la va-vite et une dernière proposition est soumise à l'auditoire. " Demain, Jason, dix ans, va venir faire un essai. Qui ne veut pas qu'il vienne ? ", interroge Stéph. Nul bras levé, acceptation totale preuve de l'accueil qui lui sera réservé.

La réunion matinale (Photo Anthony Maurin).

Ici, on essaie de comprendre l'autre avant d'émettre tout jugement mais cela ne rend pas pour autant la vie tendre dans ces locaux. Rémi a son avis sur tout. Lily joue de la musique comme Seth qui l'écoute et qui réalise son propre tee-shirts ACDC pendant que Clara papote et que George tente de se lever alors que ses jambes sont encore croisées... C'est la vie d'une école, une école pas comme les autres mais une école qui mérite bien plus que d'autres son statut d'école, là où le travail s'arrête et là où l'apprentissage doit rester un loisir studieux.

École Palotchka, 15 rue Alexandre-Pieyre. 30 900 Nîmes. Email : palotchka@gmail.com, téléphone au 09 86 79 22 34. Journée portes ouvertes prévue le 14 mars prochain à partir de 14h. L'école coûte 3 500 euros par an par élève pour une capacité de 25 jeunes membres en tout et pour tout. Les enfants de 3 à 18 ans sont les bienvenus.

Anthony Maurin

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