FAIT DU JOUR Municipales dans le Gard : la justice arrive au bout des recours...
Annulation d’élections, confirmation d’autres… Plus de 40 recours ont été déposés, dans le Gard, par des candidats mécontents de leurs résultats aux Municipales des 15 mars et 28 juin. Aujourd’hui, il ne reste plus que les litiges de six communes à régler. Décryptage.
Sacré marathon pour les juges du tribunal administratif. Après chaque élection, la justice a trois mois pour instruire les recours déposés par des candidats mécontents. Cette fois, aux Municipales 2020, la contestation a été plus forte que d'habitude. Quarante-deux recours ont été déposés dans le Gard, contre 17 en 2014, soit quasiment le double. La crise sanitaire et son corollaire, l'abstention, ne sont pas étrangers à cette fièvre procédurière.
Covid-19 : l'invité inattendu des Municipales
Dans le Gard, moins de la moitié des électeurs est allée voter. Un triste record pour des Municipales, d'accoutumée très populaires. Du coup, quelques candidats - parfois mauvais perdants - attribuent leur défaite à l'abstention. Selon eux, leurs partisans effrayés par le covid-19 ne se sont pas déplacés. C'est le cas du maire de Meynes, Rudy Nazy, battu de 8 voix par son opposant Fabrice Fournier. Idem pour Marjorie Engelvin à Clarensac, même si l'écart avec son adversaire est plus important. Pour les juges, l'abstention liée à la crise sanitaire n'est pas une raison valable puisqu'elle a impacté tous les candidats. Pas de quoi donc annuler un scrutin...
En revanche, des motifs plus traditionnels ont nourri d'autres recours dont l'issue a été parfois favorable pour les demandeurs. Spécialisée dans le droit public, Aline Gonzalez explique que les candidats mécontents attaquent souvent sur « des éléments de propagande, diffusés tardivement pendant la campagne, ne permettant pas à la partie adverse de répondre. Il y a aussi le non-respect des opérations électorales : des bulletins de vote non-conformes ou un problème de procuration peuvent entraîner l'annulation d'une élection. » D'où, en politique, l'importance de choisir un bon directeur de campagne...
Donner le temps à l'adversaire de répondre
Me Gonzalez a récemment défendu l’opposant au maire de Manduel, David-Alexandre Roux. Le candidat défait a contesté l'élection de Jean-Jacques Granat. Il a plaidé sur son impossibilité à répondre à une attaque lancée par l'édile. Le vendredi soir, soit une petite heure avant la fin de la campagne, le maire expliquait avoir été informé, par sa police municipale, « qu’un couple de personnes âgées a été approché par des colistiers de mon adversaire pour établir des procurations qui me paraissent douteuses. » Devant les juges, David-Alexandre Roux soutenait qu'il n'avait pas eu les moyens de riposter. Ce qui aurait permis à son adversaire de convaincre les derniers électeurs indécis.
Les juges ont estimé, eux, que ces actions n'avaient pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin, l'écart entre les deux candidats étant assez important : 203 voix, soit un peu plus de 7%. Si à Manduel les élections ont été validées, à Sauve, c'est le contraire. Pourtant, le litige entre la maire sortante, Alexandra Masot, et le candidat élu, Olivier Gaillard, est de même nature. Quatre jours avant la clôture de la campagne, un tract comportant de nouveaux éléments sur la gestion financière d'Alexandra Masot est diffusé par son adversaire.
Devant le tribunal administratif, cette dernière assure, là-aussi, ne pas avoir eu les moyens de répondre. Cette fois, les juges lui ont donné raison, regardant le faible écart entre les deux candidats : 33 voix, soit 4%. Reste qu'Olivier Gaillard ne compte pas en rester là. Il soutient toujours qu'Alexandra Masot a eu le temps de répondre au travers d'une réunion publique et d'un tract abordant ce sujet. À charge à présent au Conseil d'État de trancher. Les Sauvains devront donc être patients pour savoir qui d'Alexandra Masot ou d'Olivier Gaillard sera définitivement leur maire.
De petites erreurs sur les bulletins de vote...
Troisième raison qui occasionne le dépôt d'un recours : une irrégularité dans les opérations électorales, comme ça a été le cas à Vallabrègues et Blauzac. Dans le village près d'Uzès, les juges ont finalement validé l'élection du maire sortant, Serge Bourdanove. Au soir du 15 mars, c'est pourtant son rival, Jean-Pierre Rossi, qui a été déclaré vainqueur. Bien qu'il soit arrivé en tête lors du dépouillement, Serge Bourdanove, fair-play, a déclaré ses bulletins nuls. En cause : le cafouillage entre le nom de jeune fille et le nom marital d’une de ses colistières, placée en 14e position sur les 15 noms de la liste. Suite à son recours, le tribunal a finalement rétabli Serge Bourdanove dans ses fonctions. Comme quoi faute avouée est souvent pardonnée.
À Vallabrègues, le litige est similaire mais les juges ont statué autrement. Constatant une irrégularité sur les bulletins de vote du maire réélu, son opposant et candidat Rassemblement national, Jean-Pierre Fuster a déposé un recours. Lui demandait l'annulation de l'élection de Jean-Marie Gilles et la proclamation de son élection. La raison : la non-mention de la nationalité belge d'une candidate. Une fois n'est pas coutume, la préfecture du Gard s'est joint à la procédure demandant, elle, l'annulation et l'organisation de nouvelles élections. La justice a suivi cet avis qui a été une satisfaction Jean-Marie Gilles, craignant que la victoire ne soit attribuée à son adversaire. La nouvelle élection devrait se tenir en janvier 2021.
Six recours restent à examiner
Ces recours concernent les communes de moins de 9 000 habitants. D’ici octobre, ces derniers devraient tous être tranchés puisqu'il ne reste que les contentieux de Saint-Clément et Souvignargues. Pour les communes de plus de 9 000 habitants, la situation est différente. Les candidats font d’abord l’objet d’une vérification de leurs comptes de campagne réalisé par la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.) À l’issue, les juges se pencheront sur les recours et pourront même juger des anomalies dans le cas où elles seraient relevées par la CNCCFP.
Quatre communes sont concernées : Alès, Saint-Gilles, Vauvert et Pont-Saint-Esprit. Dans la capitale cévenole, le maire, Max Roustan, a été réélu dès le premier tour. Seulement, son opposant du Printemps alésien, Paul Planque, assure que « les nombreuses inaugurations pendant la campagne comme la cathédrale ou la médiathèque doivent être imputées aux comptes de campagne. » Même argument à Pont-Saint-Esprit, pour la candidate malheureuse, Catherine Chantry, qui estime que sa rivale, Claire Lapeyronie, « a utilisé sa casquette de maire à des fins électoralistes. »
La majorité de ces recours seront tranchés d’ici janvier sauf en cas d'appel. Les décisions permettront aux élus de poursuivre leur action sur leur commune ou, le cas échéance, d’organiser de nouvelles élections.
Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com