FAIT DU JOUR Crimes sexuels sur mineurs : une Nîmoise mène le combat pour lever le secret
Aurore, une Nîmoise de 42 ans, a lancé le lundi 11 janvier 2021 une pétition pour rendre les crimes sexuels sur mineurs imprescriptibles. Cette dernière compte à ce jour plus de 51 000 signatures.
Dans un contexte marqué par l'affaire Kouchner-Duhamel et l'apparition du hashtag #MeTooInceste sur le réseau social Twitter, le Sénat examinait hier une proposition de loi de la présidente de la délégation aux Droits des femmes, Annick Billon, visant à protéger les mineurs des crimes sexuels. À travers ce texte, abondé de mesures spécifiques liées à la lutte contre l'inceste, la sénatrice centriste de la Vendée souhaite proscrire tout acte sexuel entre une personne majeure et un mineur de moins de 13 ans.
Un mot est absent de cette proposition de loi : imprescriptibilité. Et pourtant, "le délai de prescription, qu'il soit de 10, 20 ou 30 ans, n'a pas lieu d'être, lance Aurore. Les victimes ont parfois besoin de beaucoup de temps pour parler. Certaines souffrent d'amnésie traumatique - 4 victimes sur 10 d'après une étude de l'association Mémoire traumatique et victimologie, Ndlr - et ne se rappellent plus ce qui leur est arrivé pendant des dizaines d'années."
La Nîmoise en a elle-même souffert. Victime d'inceste de ses 5 ans jusqu'à ses 10 ans et alors qu'elle entrait tout juste dans l'âge adulte, la jeune femme a vu rejaillir des scènes horribles de sa mémoire. Aujourd'hui encore, des flashes lui reviennent et elle vit avec sachant désormais ce qui lui est arrivé.
Mais à 18 ans, il lui a été difficile de mettre des mots sur ces images, il lui a fallu le temps de comprendre. S'ajoute ce sentiment de culpabilité envers soi d'abord avec cette question qui revient à chaque fois : pourquoi est-ce que je n'ai pas dit non ? Mais aussi envers son entourage et de l'impact que cette révélation peut avoir au sein du cercle familial. Un carcan qui a muselé Aurore.
Et au moment où elle ressent le besoin, la force d'en parler, le délai de prescription est atteint. "D'où cette pétition. Ce n'est pas forcément pour moi, mais pour toutes les autres victimes, explique Aurore. Pour libérer la parole, pour qu'elles n'aient pas à vivre dans la culpabilité ou avec ce sentiment d'injustice qui aujourd'hui me hérisse le poil. Ce n'est pas quelque chose qui m'est venu suite à l'affaire Duhamel. C'est un travail auquel je m'attèle depuis un certain temps. Mais comme je ne suis pas juriste, je voulais bien me renseigner sur le sujet. Et voir aussi si j'avais le poids d'assumer ce combat."
La prévention en milieu scolaire
En même temps qu'elle a lancé sa pétition, la jeune femme a créé son association Pas de secret pour apporter sa pierre à l'édifice dans la lutte contre les crimes sexuels sur les mineurs qu'elle décline en deux axes. Le premier, nous l'avons évoqué, s'attaque à la législation. Le second porte sur la prévention en milieu scolaire. "Parler de mon vécu et apporter des solutions dans les écoles, c'est quelque chose dont je me sens capable. Toute une pédagogie peut se mettre en place sans aller dans des terminologies vulgaires ou choquantes, pour éduquer l'enfant et son entourage", ajoute la Nîmoise.
Sa motivation, comme lorsqu'elle a lancé sa pétition, est de faire prendre conscience, d'ouvrir le dialogue. "Il y a encore une forme d'impunité chez les agresseurs. Il ne faut pas en parler. C'est pour cela que j'ai appelé mon association Pas de secret. Cette notion de secret est pesante, un poids insupportable." Aurore lance un appel : "si un élu local souhaite faire quelque chose, initier une version test dans les écoles, je suis à sa disposition."
Stéphanie Marin
Pour en savoir plus sur l'association Pas de secret cliquez ici, pour signer la pétition : Pour rendre les crimes sexuels sur mineurs imprescriptibles, cliquez là.