ALÈS Conseil municipal : le festival de mots doux entre majorité et opposition
Hier soir, une fois n'est pas coutume, les élus du conseil municipal d'Alès étaient plus en forme que jamais. De l'ironie au pic de circonstance, chacun a bien tenu son rôle dans une drôle de pièce de Boulevard qui frôle le pathétique.
Le spectacle du conseil municipal alésien est un ovni théâtral. Les comédiens jouent leur rôle et le public rit, applaudit, et hue les méchants. Comme une représentation bien rodée, on peut même s'amuser à deviner la réaction de chacun. Les surprises sont rares, même si les bons mots font parfois la différence. Comme dans toute pièce bien travaillée, l'auditoire se laisse surprendre par quelques improvisations soigneusement choisies, et la réaction est immédiate. Les exemples sont légions à chaque séance, à condition bien entendu que tous les personnages principaux soient présents : Max Roustan (maire UMP), Jean-Michel Suau (Front de gauche), Benjamin Mathéaud (PS) et le public. Hier soir, quelques rôles secondaires ont également participé au bal des artistes.
Les mêmes arguments...
Comme attendu, une délégation de service public est accordée pour trois années supplémentaires à l'association Toro Alès Cévennes, pour l'organisation de la feria d'Alès, avec deux corridas et une novillada. Fabien Gabillon, ex-PS élu dans les rangs du Front de gauche, ne manque pas le coche et en profite pour ironiser, non sans pertinence. "Je vote oui car, comme vous l'avez promis, ce n'est pas du financement public officiel...", lance-t-il au maire qui commence à protester. "Non, pardon, monsieur le maire, je retire "officiel"", corrige-t-il, faisant probablement référence aux 15 000€ versés à l'association en mars dernier, pour compenser le manque à gagner suite à la manifestation des anti-corridas en 2014. Et à Benjamin Mathéaud de maugréer sans relâche : "il aurait été intéressant de faire le pari de la course camarguaise". Max Roustan, las d'entendre le même argument depuis les dernières élections municipales, préfère - comme à son habitude - hocher la tête et passer à la délibération suivante. Dans l'opposition, seuls Suau et Gabillon votent pour.
... les mêmes réactions
Vient l'épineuse question des inondations. Max Roustan annonce que le préfet a donné son accord pour une étude globale sur le bassin versant du Grabieux, régulièrement touché. Elle sera approuvée au prochain conseil communautaire du 8 octobre, en lien avec les communes de St-Julien-les-Rosiers et St-Martin-de-Valgalgues. "Dans l'état actuel des choses, les maisons concernées ne rentrent pas dans la loi Bachelot qui permet un relogement. On devra trouver une solution durable", précise-t-il. Ghislaine Soulet (Front de gauche) renchérit : "une autorisation de travaux a déjà été délivrée en novembre 2014. Pourquoi rien n'a-t-il été fait ?", interroge-t-elle. Le maire, coincé, tente de jouer les ingénus. De bonne foi, ou non. "De quoi parlez-vous? Apportez-moi là! Si j'avais les mains libres, j'irai plus vite, je l'ai déjà prouvé!", s'emporte-t-il tandis que l'opposante débusque de son sac la dite lettre et la lit devant l'assemblée. "Je ne veux pas que vous me fassiez passer pour une menteuse !", se satisfait-elle. Le mécanisme bien huilé du duo Christophe Rivenq*- Max Roustan dévoile alors son plus bel atout : le premier dodeline et feint la lassitude, tandis que le second lance son dernier argument choc : "L'alignement du mur de M. Martinez a été fait !".
... et les répliques cultes
Autre sujet qui divise : le travail dominical. Conformément à la loi Macron votée en août dernier, le commerce de détail doit être autorisé à recevoir une dérogation d'ouverture le dimanche, d'un à douze jours par an, selon la décision du conseil municipal. Jean-Michel Suau, jusqu'ici plutôt calme, sort le grand jeu. "Le ministre de l'économie est comme vous, il est pénétré de libéralisme !". Le public rit aux éclats, l'opposant historique au maire n'a pas manqué sa réplique et ne cache pas sa fierté. Le fidèle socialiste Benjamin Mathéaud embraye : "Le libéralisme n'est pas un gros mot. Quitte à être perdu dans le stalinisme, je préfère être pénétré de libéralisme !", puis déroge à la règle théâtrale et s'offre quelques minutes de propositions constructives. "Comme l'a proposé la CCI, faisons un test sur 12 jours. Je suggère qu'Alès accompagne cette expérimentation en laissant tous les parkings gratuits et en piétonnisant quelques rues du centre les dimanches concernés. Ainsi, les gens auront un intérêt à venir". Fort de cette idée, Max Roustan reste tout de même prudent et botte en touche. "Ce n'est pas moi qui refuse la piétonnisation, ce sont les commerçants". 12 jours ont ainsi été votés
Dernière délibération, en apparence anodine : la dénomination de plusieurs rues, dans de nouveaux lotissements en projet (58 logements à Croupillac...). Jean-Michel Suau, remonté à bloc, poursuit sur sa lancée. "On pourrait aussi renommer l'espace Cazot en Nelson Mandela, un homme important qui a lutté contre l’Apartheid". Roustan, en bon opposant qui se respecte, ne l'entend pas de cette oreille. "On a suffisamment d'Alésiens, on ne va pas aller chercher ailleurs". Suau saisit la perche tendue : "Alors pourquoi pas Roucaute** ?". Le maire bondit. L'élu extrême gauche exulte et en lance une dernière pour la route : "Qui sait, peut-être qu'un jour, il y aura une impasse Max Roustan !". L'auditoire explose. Une représentation pas si drôle que ça.
*Christophe Rivenq, directeur général des services et chef de cabinet à la mairie d'Alès
**Roger Roucaute, maire PCF d'Alès de 1965 à 1985