BAGNOLS/CÈZE Relogement : les locataires des Escanaux s'unissent et veulent être respectés
"Mobilisation générale", tonitrue dans son mégaphone Madani Marzuk au bas des tours du quartiers des Escanaux. Il a donné rendez-vous aux habitants au pied de la tour G2 pour parler des projets ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) et de "tout ce qui ne va pas". La date de la réunion n'a pas été choisie au hasard puisque le même jour, la ministre chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, était en visite à Bagnols-sur-Cèze (article à retrouver ce jeudi matin sur Objectif Gard).
Dans le cadre du projet de revitalisation de Bagnols-sur-Cèze, trois bâtiments vont être détruits : la barre de Carcaixent (démolition partielle), la tour G2 et la barre Mayre Nord. Au total, 143 logements vont être démolis et 77 foyers sont en train d'être relogés. Toute la démarche est assurée par le bailleur Habitat du Gard, avec le concours de la mairie. Mais pour les riverains, quitter un logement où ils ont écrit tout un pan de leur vie n'est pas chose facile. Quitter un immeuble où ils ont tissé toutes leurs amitiés et leurs relations peut être mal vécu. D'autant que les propositions de relogement ne leur conviennent pas entièrement.
C'est le cas de Catherine, bientôt 70 ans dont 29 années passées dans son appartement F5 au 7e étage de la tour G2. Depuis elle a rénové pas mal de choses dans son intérieur. Ce qui pose problème aujourd'hui c'est "qu'il faut que je remette tout en état à mes frais", déplore-t-elle. Pour le moment, elle a eu une proposition de relogement qu'elle a refusé : "Je veux un appartement plus petit mais pas un taudis. L'appartement qu'ils m'ont trouvé avait une fenêtre qui donnait sur un mur. Ils ont essayé de le refiler à toutes les personnes de la tour. Personne n'en a voulu."
Des relogements avec des loyers plus chers, les habitants n'en veulent pas
Elle regrette de quitter son immeuble, qui pourtant a bénéficié de plusieurs rénovations depuis quelques années : électricité, chaudière, ascenseur, peinture... Pourquoi ne pas rénover plutôt que de démolir, interrogent d'ailleurs plusieurs habitants. Catherine se demande aussi pourquoi des logements neufs n'ont pas été prévus pour reloger tout ce petit monde.
Comme elle, Jean-Bernard vit depuis vingt ans dans la tour G2. Lui aussi a refusé sa première proposition de relogement : "C'est dans le centre-ville et il n'y a pas de stationnement à proximité", justifie-t-il. Il est triste de laisser derrière lui son appartement. D'autres locataires reprochent des solutions de relogement avec un loyer plus cher que ce qu'ils payent actuellement. "Ce sont des gens qui n'ont rien demandé, qui ont toujours payé leur loyer. Il faut les respecter", tonne Moustamila Akouh. La jeune femme a grandi dans le quartier bagnolais et n'a pas hésité à défendre jusqu'à l'Assemblée nationale l'intérêt de ses résidents après l'incendie dramatique de 2018 au douzième étage de la tour G2. Elle est encore disposée à prêter main forte et mettre à profit toutes les connaissances qu'elle a acquis en matière de règlementation pour que cette opération de relogement se passe le mieux possible.
"Chez moi, il y a des rats, des cafards, de l'humidité"
C'est Madani Marzuk, référent DAL (Droit au logement) HLM Nîmes et alentours, qui a mobilisé les riverains ce mercredi. Il a fait le déplacement à Bagnols-sur-Cèze avec l'objectif de les fédérer et qu'ils montent un collectif ou une association pour mieux défendre leurs droits. Derrière lui est étalée l'affiche invitant à "S'unir pour ne pas subir". Il relate les doléances qu'expriment les locataires à l'endroit du bailleur : "Habitat du Gard augmente les charges sans améliorer ses services. L'État baisse les APL. Il y a des situations qui deviennent inacceptables. [...] On veut que le quartier s'unisse pour que chacun revendique ses droits au logement et ne se retrouve plus seul face au bailleur. C'est comme cela qu'on arrive à faire bouger les choses."
Une dame malvoyante et malentendante arrive au milieu du rassemblement et demande ce qu'il se passe. Elle s'appelle Andrée et habite à 300 mètres de la crèche "À petits pas". Elle affirme : "C'est bien que vous soyez là. Chez moi, il y a des rats, des cafards, de l'humidité. Ils ne veulent pas nous reboucher un trou, mais ils s'en fichent qu'on surchauffe pour compenser. On le paye à la fin. S'il y a un collectif, je viens !" Il ne devrait pas tarder à se créer...
Marie Meunier