FAIT DU JOUR Ces femmes qui dénoncent l’infâme
Les temps changent. Mais l’état d’esprit pas toujours. Si les femmes n’en sont plus réduites à jouer le rôle de la parfaite ménagère d’intérieur, les inégalités demeurent entre elles et la gent masculine, en particulier dans le monde de entrepreneuriat.
« Il y a des femmes chefs d’entreprise, il ne faut pas qu’on les oublie. » Ce message, Aïcha Benali, à l’origine de la création du réseau féminin Start Women à Alès, le répète autant que possible. C’est justement pour valoriser ces personnalités qui font vivre l’économie du territoire que Start Women a lancé, en septembre dernier, ses premières réunions bimensuelles.
On y retrouve des femmes de tous les âges, qui travaillent dans différents secteurs d’activités comme l’assurance, la finance, le transport, le bâtiment, la communication, les cosmétiques, le droit, l’hôtellerie… Ensemble, elles partagent leurs expériences, leurs conseils et se soutiennent. Une aide précieuse pour certaines d’entre elles, comme l’explique Stéphanie Cuisinier, directrice du Campanile d’Alès et co-fondatrice de Start Women : « Toutes les femmes n’osent pas rentrer dans des réseaux mixtes car ce n’est pas toujours simple de s’imposer dans des milieux d’hommes. »
« On nous appelle "ma belle" ou "la miss" »
« Pas toujours simple » est un euphémisme. La réalité est parfois compliquée : « Lorsqu’on est une femme chef d’entreprise et que l’on arrive seule dans un réseau mixte, on nous regarde comme un morceau de viande. On remarque notre tenue, pas nos compétences », raconte l’une des membres de Start Women qui ne souhaite pas que son nom apparaisse. Un anonymat réclamé qui en dit long sur le climat ambiant. Sans compter les petits surnoms qui vont avec : « Certains nous appellent "ma belle" ou "la miss" plutôt que par nos noms et prénoms. Aucune femme n’irait appeler un homme chef d’entreprise ‘"beau gosse" ! » Alors oui, pour certaines, il est bien plus facile de se faire connaître et d’échanger avec des personnes du même sexe.
L’arrivée de ce réseau féminin dans le paysage économique alésien n’a d’ailleurs pas fait que des heureux. « En restant éparpillées dans la nature, nous étions invisibles, témoigne Aïcha Benali. Le fait de se regrouper nous a permis de sortir de l’ombre… Mais pour certains hommes entrepreneurs, c’est dur d’accepter que nous soyons leurs égales. »
Un constat qu’Aïcha Benali, qui exerce dans le bâtiment, a déjà eu l’occasion d’expérimenter : « Tant que je suis au téléphone et que je fais de l’administratif, ça va… Mais dès que je vais sur un chantier, ce n’est plus la même chose. Certains hommes disent à mon mari, avec qui je travaille, qu’ils ne veulent pas me parler. » Une entrepreneuse renchérit : « On doit toujours faire beaucoup plus pour être reconnues par nos pairs. Il faudrait que cet état d’esprit change car beaucoup de femmes ont aujourd’hui des postes à responsabilité. »
« On veut coller une étiquette sexiste à Start Women »
Enfin, comme pour décrédibiliser un peu plus ce réseau, certains l’attaquent sournoisement en faisant un grossier amalgame entre féminin et féministe. « On veut nous coller une étiquette sexiste alors que nous sommes très ouvertes et avant-gardistes. Chaque membre a la possibilité d’inviter un homme à nos réunions du vendredi matin », indique Aïcha Benali.
Des personnalités masculines interviennent d'ailleurs régulièrement lors des réunions matinales du réseau, comme Jalil Benabdillah, vice-président d’Alès Agglomération : « Il n’est pas du tout cloisonné et nous propose de tisser des liens avec le réseau qu’il préside, Leader Occitanie. » Ce vendredi matin, à l’occasion de la journée de lutte pour les droits des femmes, c’est le député Olivier Gaillard qui doit venir à leur rencontre.
Plus que jamais motivé à poursuivre sur sa lancée, le réseau féminin alésien – qui vient de signer la charte du réseau égalité hommes-femmes du Gard – a décidé de faire des petits : un Start Women va prochainement voir le jour à Nîmes. Avant, peut-être, de s’étendre à d’autres départements de la région. C’est en tout cas l’ambition des fondatrices du réseau, qui se décrivent comme des femmes de caractère à la volonté de fer. Personne n’en doutait pas. À part certains hommes, peut-être…
Élodie Boschet