FAIT DU JOUR Des chiens médiateurs pour apaiser les collégiens vauverdois
Depuis la rentrée de septembre, trois labradors retrievers ont fait leur apparition au collège de la Vallée verte de Vauvert. Cette expérience de médiation canine est unique en France.
Des chiens qui circulent dans les couloirs d'un collège, de la vie scolaire à la salle d'étude. L'image a de quoi surprendre. À l'origine de cette expérience de médiation canine, inédite en France à pareille échelle, un projet Erasmus. "Nous menons des échanges avec des établissements portugais et allemands depuis plusieurs années, explique Robert Jeandenans, principal à la Vallée verte. Il manquait un peu de synergie pédagogique entre nous tous."
"Une collègue allemande m'a indiquée que le procédé était récurent outre-Rhin et qu'elle prenait ses chiens avec elle en cours, poursuit Isabelle Fougairolles, professeur de Sciences et vie de la Terre (SVT) à l'initiative du projet à Vauvert. Les premiers résultats étaient intéressants d'après elle. Comme mon labrador venait d'avoir une portée, je me suis renseignée pour tenter le coup ici." Sur les deux chiots aujourd'hui âgés de 16 mois, l'enseignante garde dans sa salle de classe Pepsi, la femelle et Iris, sa mère ; tandis Elsa Dutheuil-Lannoy, la conseillère principale d'éducation (CPE), hérite de Platon, le mâle, qui se balade autour de la vie scolaire.
"Quand Isabelle m'a parlée de faire venir nos labradors au collège, j'ai tout de suite été emballée, confie cette dernière. J'ai un ami qui a travaillé dans un lycée français à Londres où un chien était utilisé pour remonter le moral des élèves du primaire en cas de coup de cafard. Alors, la médiation canine ça me parlait. On regardé ce qu'il se faisait en France et on a vu qu'elle était utilisée dans un établissement des Bouches-du-Rhône, dans le cadre d'une Unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis)."
Mais à Vauvert, l'idée est de pousser l'expérimentation plus loin et d'inclure Iris, Pepsi et Platon à l'ensemble de la vie du collège. "Il s'agit d'animaux très calmes, qui ne grognent pas et n'aboient jamais, précise Elsa Dutheuil-Lannoy. Avant toute chose, nous avons fait venir un éducateur canin comportementaliste. Parmi les critères à remplir pour que les chiens puissent vivre à la Vallée verte, il fallait qu'ils puissent gérer la foule, qu'ils sachent se mettre sur le ventre et se laissent caresser, y compris la tête."
Les chiens déclarés aptes à rester au collège, Robert Jeandenans fait voter le projet par le conseil d'administration. "Les parents d'élèves nous ont tout de suite suivis, se réjouit-il. On a lancé quelques tests au déconfinement et nous généralisons cela depuis la rentrée. Désormais la Cardie, cellule pédagogique du rectorat, doit évaluer l'intérêt de cette médiation canine pour l'apprentissage des enfants."
Mais sur le terrain les avis sont unanimes. "On est beaucoup plus concentrés depuis qu'il y a le chien en classe", reconnaît un élève de 3e Segpa. "C'est avec cette classe que le changement est le plus fulgurant, confirme Isabelle Fougairolles. On montait à plus de 80 décibels et désormais on reste toujours entre 30 et 50. Ça me permet d'avancer plus vite sur le programme car j'ai moins de discipline à faire. Les chiens font leur vie pendant que je dispense mon cours. Et quand les élèves sont trop excités, on fait un peu de médiation. Pepsi n'a que 16 mois, il faut donc lui apprendre beaucoup de choses en terme de dressage. Les élèves se prêtent au jeu et se rendent compte que lorsqu'ils sont calmes, l'animal les écoute beaucoup plus que quand ils sont excités."
"L'idée est qu'ils comprennent le parallèle entre le comportement du chien et le leur, complète Elsa Dutheuil-Lannoy. En vie scolaire, Platon participe à l'apaisement des conflits. Quand un élève ou un parent arrive énervé, son regard permet de faire retomber le soufflet et de régler les choses plus calmement."
Dans un collège où se côtoient des élèves de classes ordinaires, Ulis et Segpa, la mesure semble salutaire. "Au début de l'année, il y a eu un déclenchement intempestif de l'alarme en pleine récréation, raconte Robert Jeandenans. J'ai craint des débordements car il n'est pas facile d'évacuer tout le monde dans ces cas-là. Mais la présence du chien dans les escaliers a permis de ralentir le flot et de sécuriser le passage des élèves qui faisaient attention à ne pas le bousculer. Le chien est resté calme, les élèves ont suivi son exemple."
"On en est qu'aux prémices, prévient Elsa Dutheuil-Lannoy. On apprend tous les jours avec une médiatrice canine qui nous épaule pour aller plus loin. Les choses se mettent en place petit à petit. Je pense que la présence des chiens participe à l'épanouissement des élèves." Si la Cardie confirme ces ressentis de terrain, l'expérimentation vauverdoise pourrait bien faire des émules.
Boris Boutet