FAIT DU JOUR François Séguy : « Jean-Luc Mélenchon n’est pas mon chef ! »
Dans l'opposition, François Séguy combat la politique de la Droite et du Centre, quitte à s’en remettre à la justice. Rencontre.
Objectif Gard : Tout le monde ne vous connaît pas…
Français Séguy : ...Ben tant mieux ! Je n’ai pas besoin de me mettre en avant. Certains le font beaucoup mieux que moi. Ma personne, on s’en fiche. Aucun intérêt.
L’intérêt c’est peut-être de savoir qui se cache derrière les interventions et propositions de l’opposant du Parti de gauche que vous êtes !
D'accord, mais rien sur ma vie perso. Ça va faire 20 ans que je suis à ATTAC, l’association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne. Je connais les méfaits du libéralisme avec des entreprises qui font de gros bénéfices à court terme, sans le souci de les réinvestir.
Je suis depuis une dizaine d’années conducteur de bus à la société STDG (Société des transports départementaux du Gard), sous-traitant de Kéolis. Et il y a six ans, j’ai pris ma carte au Parti de gauche (parti créé en 2009 par Jean-Luc Mélenchon, ex-candidat France Insoumise à la Présidentielle de 2017, NDLR).
« Mélenchon est un homme calme »
Parlons de votre leader, au cœur d'une polémique ces derniers jours. Jean-Luc Mélenchon est-il allé trop loin en invectivant la justice et la presse ?
À chaque fois, on le filme, on le tarabuste. Si vous me filmez en train de traiter de guignol Yoann Gillet (président du groupe Rassemblement national, ex-FN à Nîmes, NDLR), je passerai aussi pour une personne colérique. Quand on le connaît, Jean-Luc Mélenchon est un homme calme, réfléchi. Avec une vraie vision. On se demanderait presque si cette histoire n’est pas faite exprès ! Mettre la banane sous le pied de Mélenchon alors que les sondages des Européennes 2019 sont mauvais pour La République en Marche !
Il a quand même demandé à ses troupes de « pourrir les journalistes » de Franceinfo (*). Allez-vous suivre sa consigne ?
Non, nous ne sommes pas des moutons. D’ailleurs, si France Bleu Gard Lozère m’invite, j’irai avec grand plaisir ! Mais ils ne le font pas souvent (rire). Vous savez, Jean-Luc Mélenchon, ce n’est pas mon chef ! Mon chef, c’est le programme de la France Insoumise. Après ce qu’il se passe à Paris, très franchement je n’en sais rien.
Votre mouvement tourne beaucoup autour de Jean-Luc Mélenchon. D'ailleurs, localement la France Insoumise n’est toujours pas structurée.
Jean-Luc Mélenchon représente le mouvement, nos idées et surtout le programme. Il est connu et peut le diffuser au niveau national. Quant à notre structure, nous n’avons pas encore eu d’élection…
Ne vaut-il pas mieux se structurer en amont des élections pour espérer réaliser un bon score ?
Moi, je ne suis pas contre. Seulement, les militants de la France Insoumise ne veulent pas d’un parti politique traditionnel. Alors oui, ça pose un problème de structuration, de représentation. Nous avons quand même des groupes d’appui, comme celui de Nîmes centre qui loue un local rue Porte de France. Je n’ai pas souvent le temps d’y aller : ils se réunissent tous les mercredis à 19 heures pour parler de leurs actions et de l’actualité.
« Le nez dans les dossiers ! »
Vous êtes élu d'opposition depuis 2014 à Nîmes et Nîmes métropole. Qu’apportez-vous aux Nîmois ?
Il y a des choses qui bougent. On a le nez dans les dossiers, c’est déjà pas mal. Par exemple, si je n’avais pas mis mon grain de sel dans l’emprunt toxique (indexée sur le franc suisse) de l’Agglo, la délibération sur le remboursement anticipé de cette créance de 10 M€ serait passée comme une lettre à la poste. Ce n’est pas le cas. D’ailleurs en mai, j’ai déposé un nouveau recours au tribunal administratif de Nîmes.
Sur quoi porte ce nouveau recours ?
Pareil que la première fois : un défaut d’information des élus. Sur un emprunt toxique de 10 M€, la banque (Crédit Foncier) demande 60 M€ d’indemnité au titre du rebroussement anticipé. On ne sait toujours pas comment cette somme exorbitante a été calculée. D’ailleurs, j’aimerais que Nîmes métropole demande l’avis de la Banque de France dans cette affaire. À Angers, la Banque a estimé que l’indemnité était trop élevé, ce qui a permis à la collectivité de mettre la pression à ses créanciers !
Seulement sans cet accord avec le Crédit Foncier, le président centriste Yvan Lachaud soutient que l’Agglo se retrouvera avec des frais financiers de 2,5 M€ par an pendant 31 ans...
C’est surtout qu’Yvan Lachaud ne veut pas s’embêter et a peur de perdre en attaquant la banque en justice. Il veut aussi profiter du fonds de soutien de l’État de 36 M€, puisque l'Agglo ne paierait « que 24 M€ » ! Mais dans cette affaire, les Nîmois paient deux fois, puisque l’argent de l’État, c’est aussi le leur. Le problème, c'est qu'avec cette politique, la dette de Nîmes métropole se creuse...
Sur la dette, vous êtes sur la même longueur d’onde que la droite…
Les Républicains sont bien gentils, mais c’est moi qui ai sorti cette histoire ! Maintenant qu’Yvan Lachaud et Jean-Paul Fournier sont fâchés, ils le disent. La dette prend des proportions inquiétantes. À l’Agglo il n’y a pas de dette globale puisqu’il y a plusieurs budgets « annexes. » Pour rembourser la dette sur les transports, il faut aujourd’hui 25 ans de recettes. C’est énorme ! Et on n'a même pas encore financé la ligne T2 est-ouest et l’extension de la ligne 1 au sud de Caissargues…
Que faut-il faire selon vous ?
Attaquer la banque ! La commune de Sassenage en Isère l’a fait et a gagné en appel contre Dexia.
Concernant les transports, le nouveau contrat avec Transdev doit débuter en 2019. Il fait économiser plus de 10 M€ à Nîmes métropole. Bonne nouvelle ?
Pas du tout ! Je connais bien l’entreprise, je suis conducteur depuis 13 ans à la STDG (Société des transports départementaux du Gard), sous-traitant de Kéolis pour la gestion des transports de Nîmes métropole depuis 2013. D’ailleurs, je ne sais même pas où je serai au 1er janvier 2019 ! Que ce soit Kéolis ou Transdev, ce sont des grands groupes. Ils sont là pour faire du fric ! Moi, je suis pour une régie publique.
N’est-ce pas un peu utopiste ? Une régie peut entraîner d’autres problèmes : le coût pour l’Agglo, obligée de reprendre le personnel…
Quand vous prenez aujourd’hui le coût du contrat avec Transdev et celui des fonctionnaires de l’Agglo qui doivent contrôler la DSP, une régie revient moins chère. Mais les élus ont peur ! C’est sûr qu’il faut mettre les mains dans le cambouis ! Vous allez voir, la première année, Transdev sera en négatif. Aujourd’hui, Yvan Lachaud n’est ni plus ni moins en train de préparer les Municipales. Je suis certain qu’in fine Transdev va facturer de nouveaux services.
« Les Municipales ? Je n’ai pas que ça à faire ! »
Parlons un peu plus politique politicienne. À l’Agglo, vous n’êtes pas dans le groupe Front de gauche de Sylvette Fayet. Pourquoi ?
Non, je travaille tout seul. L’an dernier, avec l’intégration des communes de Leins Gardonnenque, le nombre d’élus pour créer un groupe a été abaissé. J’ai demandé au Parti de gauche si je pouvais entrer dans le groupe de Sylvette. Ils ont décidé que non. C’était après les Législatives… Les enjeux politiques électoraux ont fait que nous n’avons pas réussi à nous entendre.
Vous le dites, la Gauche est divisée. Comment aborder les Municipales 2020 à Nîmes dans de telles conditions ?
Je n’y pense pas. Je n’ai pas que ça à faire… Je suis au tribunal administratif et j’ai mon problème au boulot. Il y en a que ça intéresse bien plus que moi. Je n’ai pas d’ambition personnelle, contrairement à d’autres qui veulent l’union, mais toujours derrière eux. Tiens, il peut même y avoir un candidat parachuté. Si le mec est compétent et qu’il applique le programme, moi ça me va.
Propos recueillis par Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com
*Franceinfo est à l’origine d’une enquête sur de présumées surfacturations dans sa campagne présidentielle de 2017.