FAIT DU JOUR La présidente des maires du Gard à l'offensive
Alors que les communes sont menacées par la montée en puissance des intercommunalités, le premier magistrat d'Aubais et présidente de l'association des maires du Gard incite ses collègues à récupérer les missions que l’État ne souhaite plus assumer.
Objectif Gard : Parlons d'abord de vous... Vous n’avez jamais été adhérente d’un parti politique. Pourquoi ?
Pilar Chaleyssin : Je me suis présentée aux municipales d’Aubais en 2001 sans étiquette. Au sein d’une commune, la politique politicienne n’a pas sa place. Bien sûr, certains responsables politiques m’ont déjà approché… Mais j’ai toujours refusé. Ça a été un sacrifice pour moi. Je n’ai pas pu me présenter aux législatives, ni aux sénatoriales. Maintenant ça me tenterait peut-être… Mais pour l’instant, ce n’est pas ma priorité.
Êtes-vous plutôt une femme de Gauche ou de Droite ?
(Elle sourit) Je suis pour travailler avec tout le monde ! Les bonnes idées viennent d’un côté, comme de l’autre. Je tiens ça du maire auquel j’ai succédé qui disait : « si s’occuper de madame Tartempion qui est dans la dèche c’est être de Gauche, je suis de Gauche. Si s’occuper des entreprises et favoriser le développement économique c’est être de droite, alors je suis de Droite ! »
C’est un peu la philosophie macroniste ça, non ?
La seule chose que je peux vous dire, c’est que j’ai voté Macron à la présidentielle parce que je ne voulais pas voter Le Pen ! On a fait avec ce que l'on avait... Après, je me sens proche des gens qui font tomber tous les clivages pour aller de l’avant.
Que pensez-vous de la politique du gouvernement envers les collectivités ?
C’est encore tôt pour la juger. Alors oui, je me soulève contre la perte de compétences des maires avec en parallèle, l’attribution de nouvelles missions non compensées financièrement (...) Mais les discours du Premier ministre Edouard Philippe, je les bois. L’État a mené grand train de vie depuis 40 ans... Le problème c’est qu'aujourd'hui il n’y a pas d’argent. Il faut impérativement faire des économies.
Concernant la suppression de la taxe d’habitation ?
Si l’État veut faire cadeau de la taxe d’habitation aux administrés qui paient des impôts, ça ne me gêne pas. Mais qu’il compense ! Cette ressource représente 500 000€ pour ma commune (sur 2M€ de budget). Moi, ça fait 10 ans que je n’ai pas augmenté mes impôts. Si l’État me compense, je me tais. Mais très franchement, il y a d’autres endroits où il peut faire des économies, sans venir toucher aux ressources des communes.
Que vous inspire la diminution des contrats aidés ?
Ça a été une très mauvaise manœuvre d’annoncer d’emblée leur suppression en juillet. Les maires se sont beaucoup investis et mobilisés. Moi, je défends le contrat aidé comme un outil de réinsertion. Il faut bien s’organiser pour donner de vrais perspectives aux bénéficiaires de ces contrats. J’ai 30 employés à Aubais, neuf ont commencé en contrat aidé et sont aujourd’hui fonctionnaires. C’est le cas de mon secrétaire qui a fait deux ans à l’association des maires avant d’être titularisé à la mairie. Bien sûr, c’est tentant de prendre un contrat aidé pour faire taire certaines contestations, mais ce n'est pas le but de ce contrat.
Les 20 et 23 novembre se tient le 100ème Congrès des maires à Paris avec la réélection du président. Quel bilan tirez-vous de l’action du sortant, François Baroin ?
L’activité de l’AMF (Association des Maires de France) est positive. À chaque fois qu’il y a eu de grandes décisions prises par l'État, l’association y a participé. C’est le cas du PLUi (Plans Locaux d'Urbanisme Intercommunaux) : à l’origine, les PLU devaient être transférés automatiquement aux agglomérations. L’association a obtenu à ce que ce soit basé sur le volontariat !
En quoi est-ce une victoire ?
Il faut laisser aux maires la gestion de leur territoire ! Imaginez que le président de ma communauté de communes veuillent mettre des logements sociaux sur mon territoire pour répondre aux obligations légales. S’il a envie de vous mettre un immeuble de quatre étages à tel endroit, comment allez-vous vous y opposer ? À Nîmes, quand vous voyez l’ATRIA à côté de l’église Sainte-Perpétue, ça ne vous fait pas bondir ? Moi si !
Revenons sur le bilan de François Baroin. Est-il totalement positif ?
Il reste encore beaucoup de choses à faire, notamment sur la reconnaissance du statut de l’élu. L’État se dégage de nombreux devoirs comme les PACS, les documents liés à l’urbanisme avec la disparition de la DDTM. On nous impose l’accessibilité de tous nos bâtiments publics. Seulement, on ne nous donne aucune dotation supplémentaire. La tâche de maire et celle de ses adjoints est belle mais ingrate. De plus aujourd’hui, les administrés sont beaucoup plus exigeants : il ne vous voient plus comme un bénévole qui donne un coup de main, mais davantage comme un employé.
Enfin, depuis des années les maires sont privés de leurs pouvoirs au profit des communautés de communes. Quel est l’avenir des mairies, selon vous ?
Ce mouvement n’a pas commencé sous Macron, ni sous Hollande. Moi j’incite les maires à reprendre les services de l'État et des préfectures pour garder nos communes ouvertes. Les missions des maires se transforment… Mais il faut que l’on se saisisse de ces moyens pour conserver le lien avec nos administrés. Le maire est le seul élu qui arrive à pénétrer dans les foyers, parce que les gens viennent vous voir et vous font part de leurs soucis. Aucune communauté de communes ne pourra remplacer ce contact.
Propos recueillis par Coralie Mollaret