Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 18.12.2021 - corentin-corger - 5 min  - vu 4749 fois

FAIT DU JOUR Le Chemin Bas : un club chargé d’histoires, les anciens racontent

Les jeunes du Chemin Bas soulevant la Coupe Gard-Lozère en 1982 (Photo collection privée Renaud De Luca)

Debout, de gauche à droite : Maurice Pelatan (président), Mr Marco (entraîneur), Jean-Jacques Humbert (intendant), Serge Laupies, Billy Endaoui, Patrick Sanier, Lilian Puech, Hamadé Ouedraogo, Yves Manquenouille (entraineur adjoint), Renaud De Luca. Accroupi, de gauche à droite : Thierry Yepes, Domingo Cruz, José Cruz, Jean-Yves Garcia, Farid Alibi, Younes El Amrani et Saïd El Amrani (Photo collection privée Renaud De Luca)

Ce samedi 18 décembre fait déjà partie des grands moments de l'histoire de la Jeunesse Sportive du Chemin Bas d'Avignon (JSCBA) qui compte 250 licenciés et 25 bénévoles. L'équipe amateure nîmoise, pensionnaire de Régional 2, a réussi l'exploit de se hisser en 32e de finale de Coupe de France et affronte Clermont (Ligue 1), ce samedi à 16h au stade des Costières. Des anciens acteurs du club, Christophe Pastor, Abder Ramdane, Daniel Moine, Renaud De Luca racontent leur histoire avec le "Cheum". 

Tout licencié d’un club de foot nîmois ou de l’agglomération a un jour foulé le mythique stabilisé du stade Maurice-Pelatan du stade Jean-Bouin. La cuisse brûlée après un tacle reste en mémoire des défenseurs. Une enceinte située au cœur du quartier du Chemin-Bas d’Avignon avec son folklore les joueurs de match. Et si depuis dix ans, faute d’homologation, l’histoire de la JSCBA s’écrit essentiellement sur le stade synthétique de Jean-Bouin c’est bien sur cette gravette que l’histoire du club s’est forgée. En 1962, qui correspond à la fin de la Guerre d’Algérie, Maurice Pelatan fait partie des fondateurs du club au même titre que Claude Nebeker. Sous la houlette de Christophe Pastor, un pied-noir – terme désignant les européens venus s’installer en Algérie et repartis en 1962 à l’indépendance – le club trouve son nom en s'inspirant du SCBA (le Sporting Club de Bel Abbès).

Un club algérien principalement composé de joueurs européens, remportant plusieurs titres majeurs, disparu en 1962. Pour Christophe Pastor, le mot "jeunesse" est primordial alors ce sera la JSCBA (Jeunesse sportive du Chemin Bas d’Avignon). "Le club a été fondé pour permettre à cette jeunesse rapatriée de s’occuper sur son temps libre", explique l’homme de 86 ans. À cette époque, beaucoup de pieds-noirs se sont installés dans les quartiers du Mas de Mingue et du Chemin Bas. D’où une certaine mixité qui devient l’ADN du club, symbole du vivre ensemble. "Il y avait des Français, des Arabes, des Espagnols, des Portugais, des Italiens… On était tous des collègues. Et 40 ans après, on est une bande de dix à aller voir le match ensemble", souligne, heureux de ces amitiés Renaud De Luca, licencié dans les années 1980.

"On est monté pendant quatre années consécutives"

Un joueur que le jeune Abder Ramdane, à l’époque, venait voir s’entraîner les mercredis. "C’est fabuleux l’insouciance. On jouait au ballon pour s’amuser avec les copains des autres bâtiments. On passait notre temps sur le petit terrain de basket en attendant de voir les grands s'entraîner. Il n’y avait pas de cages, alors pour marquer on devait toucher le poteau. Un exercice de précision qui a été très important pour ma carrière", se souvient avec nostalgie celui qui porte les couleurs de la JSCBA de 6 à 14 ans avant d’intégrer le CO Lasallien puis Nîmes Olympique et de devenir professionnel. L'attaquant passé également par Fribourg se rappelle d’un club cosmopolite. "Une année sur deux les juniors de Braunschweig venaient au Chemin-Bas une semaine et ils étaient accueillis chez l’habitant. Cette ouverture vers l’extérieur et cet échange franco-allemand m’a vraiment marqué. Malheureusement, on ne l’a plus aujourd’hui."

La jeune génération peut davantage rentrer dans l'histoire du club en battant Clermont (Photo JSCBA)

Et le dimanche, jour des rencontres, c’était la fête ! "Tout le monde donnait un coup de main pour tracer le terrain. Il y avait une ambiance extraordinaire des petits jusqu’aux seniors. Après on se retrouvait tous à la baraque pour boire un coup", se remémore M. Pastor, qui s’est largement impliqué dans ce club. "On me payait les frais d’essence mais je remettais l’argent dans la caisse", assure-t-il. Un dirigeant qui prendra la tête de l’équipe première après un certain Daniel Moine. "Les Juniors qui passaient Seniors ne voulaient pas quitter le club mais il n’y avait plus d’équipe première. Ils sont allés voir M. Pelatan qui a dit oui. On est parti de la 3e division de District et on est monté pendant quatre années consécutives", raconte l’entraîneur de l’époque parti ensuite vers d’autres aventures. Daniel Moine côtoiera les frères Mansouri, Faouzi et Abla, qui seront les premiers joueurs passés par le Chemin Bas à devenir professionnels au Nîmes Olympique avant qu’Abder Ramdane et plus récemment Sofiane Alakouch, aujourd’hui au FC Metz, emboîtent le pas.

"Nous étions une bande de copains solidaire"

C’est en catégorie Juniors que le club du quartier nîmois remporte son titre le plus prestigieux en 1982. "On a gagné la Coupe Gard Lozère 5-1 contre Nîmes Olympique. À l’époque personne ne les battaient. Au niveau du ballon, ils étaient meilleurs que nous mais nous étions une bande de copains solidaire", réagit Renaud de Luca, présent dans cette équipe qui se souvient parfaitement de cette finale disputée à Aigues-Mortes. Un gamin du "Cheum" où il a vécu 25 ans et a joué jusqu’à ses 30 ans. "Les bons sont partis dans des plus gros clubs. Mais l’année d’après on a passé cinq, six tours en Coupe de France. À un tour près, on aurait joué contre le Matra Racing de Luis Fernandez et Pascal Olmeta." Quarante ans après, une nouvelle génération a franchi le pallier et atteint les 32es de finale pour la première fois dans l’histoire de la JSCBA. "On est allé les voir au tour d’avant, je ne m’attendais pas à voir une si bonne équipe. Il n’y a pas de tricotage, j’ai bien aimé le dernier match."

Une équipe Cadet du Chemin Bas au tout début des années 1980 (Photo collection privée Renaud De Luca)

Défendre les couleurs du Chemin Bas se transmet de père en fils. "À l’époque les frères El Amrani étaient des joueurs extraordinaires. C’est top de se dire que le fils de Younès joue cet après-midi", se réjouit Renaud. Comme lui, tous les anciens sont fiers de cette épopée formidable et déclarent tous de manière unanime : "On va enfin pouvoir parler autrement du Chemin Bas que pour les faits divers." Car c’est un tout quartier et même une ville qui est derrière ces amateurs, chauffeur-livreur, carrossier ou encore étudiant, qui vont affronter des professionnels. Une opportunité qui ne se représentera sans doute pas. "Même ma sœur qui est venue me voir jouer que deux fois dans ma carrière m’a appelé et m’a dit : "je vais voir le match". Elle est super motivée !", confie Abder Ramdane. "Qu’ils apprécient ce moment de jouer dans un grand stade et qu’ils prennent du plaisir en équipe. Après c’est la Coupe, je connais ça. Avec une grosse mentalité et de la solidarité, on peut déplacer des montagnes et Montpellier", partage le finaliste de l’édition 1996 avec les Crocos, aujourd’hui entraîneur des U18 au centre de formation de Charleroi, en Belgique.

Si l’ancien attaquant ne peut pas se rendre au stade, Christophe Pastor ne raterait ce moment pour rien au monde. "Ça n’a pas de prix, ça vaut tous les millions du monde ! Pour quelqu’un qui a joué avec l’emblème de la JSCBA, ça fait chaud au cœur."  L’émotion sera forte pour celui qui était présent lors de la victoire face à Agde, au stade Jean-Bouin : "Je vais en pleurer ! Ce que je demande c’est qu’ils soient fiers du nom qu’ils portent : JSCBA." Tous ont envie de croire à un exploit, "sur un match tout est possible. Si Clermont les prend de haut et que Nîmes a la baraka, alors pourquoi pas. Ce qu’ils ont fait est déjà beau !", conclut Renaud De Luca. Les hommes de Stéphane Dartayet veulent poursuivre cette formidable aventure mais quoi qu’il en soit, ils ont déjà marqué l’histoire de leur club.

Corentin Corger

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