FAIT DU JOUR Le passage de Blaquart à Bordeaux, vu par Girard, Lacombe et Giresse
Au match aller, en septembre dernier, Bernard Blaquart avait évoqué ces années bordelaises. Pour cette rencontre retour (20h), ce sont trois de ses coéquipiers de l'époque, René Girard, Bernard Lacombe et Alain Giresse, qui dressent le portrait du coach nîmois. Un attaquant rapide... et déjà réservé !
C'est à 18 ans, en 1976, que le gamin de Roumazières (Charente) est repéré par les Girondins de Bordeaux. Sa formation de footballeur le mène à remporter, dès sa première année en Gironde, la Coupe Gambardella (Coupe de France des U19) face à Viry-Châtillon (3-0). Bernard Blaquart fait partie d'une génération de joueurs prometteurs avec notamment Jean-Marc Furlan, Jean-François Domergue ou encore Michel Le Blayo, qui tapent à la porte de l'équipe première. Lors de la saison 1976/1977, en fin de saison, Bernard dispute ses premiers matches en professionnel et marque son premier but face à Troyes (3-0).
Même si la saison suivante Blaquart dispute 17 rencontres, il ne parvient pas à s'imposer comme un titulaire en puissance. "Le malheur pour lui c'est que le président voulait s'appuyer sur des joueurs confirmés", constate René Girard, qui a connu le coach nîmois lors de la saison 1980/1981. Le président c'est évidemment le magnat de l'immobilier, Claude Bez, qui a injecté des millions de francs dans les caisses girondines. "Il avait impulsé une autre politique dans la perspective de devenir champion du France alors que les années précédentes on jouait pour se maintenir. Avec cette concurrence, ce n'était pas évident pour ces jeunes", se souvient Alain Giresse qui l'a côtoyé durant toute sa période à Bordeaux.
"Physiquement, c'était un monstre"
Ce changement de cap entraîne les arrivées d'Albert Gemmrich et de Bernard Lacombe qui forcent le petit Bernard a être prêté en D2 à l'US Toulouse où il ne marquera pas en 23 matches joués. Il revient à Bordeaux lors de la saison 1979/1980 et apparaît à 15 reprises en fin de saison pour quatre buts marqués, sous les ordres du grand Raymond Goethals. Des qualités qui éclatent enfin au grand jour. "C'était un athlète et un joueur très élégant", commente René Girard.
"Il avait une grosse qualité athlétique. Physiquement, c'était un monstre. Il était très puissant dans le jeu aérien", se rappelle Bernard Lacombe, qui a joué de 1979 à 1981 à ses côtés, aujourd'hui conseiller du président lyonnais, Jean-Michel Aulas.
Les trois hommes sont unanimes au moment de définir la qualité principale de Bernard Blaquart : "Il allait très vite !". Et techniquement ? "Il n'était pas mauvais. Un bon pied droit, un petit peu moins pour le gauche", ajoute Bernard Lacombe. Les deux Bernard se remplaçaient souvent en cours de match, Lacombe étant le titulaire. Mais que manquait-il pour bousculer la hiérarchie ? "En rigolant, il lui a manqué de bousculer les garçons qui étaient là en tapant du poing sur la table. De passer un cran au-dessus dans l'agressivité", analyse René Girard, dont on reconnaît bien les caractéristiques gardoises.
Quatre buts inscrits pour cette troisième saison sous le maillot au scapulaire avec notamment celui marqué face à Nancy, le 12 décembre 1979. Après un doublé de Giresse et un pion de Lacombe, l'entraîneur du Nîmes Olympique le remplace à la 68e et clos le succès 4-1, dix minutes plus tard. Un de ses plus beaux souvenirs avec ce doublé inscrit face à Bastia (2-1) après avoir remplacé Lacombe dès la 12e minute de jeu.
Les Bordelais terminent sixièmes du championnat. La saison suivante c'est Aimé Jacquet qui débarque au poste d'entraîneur. Blaquart doit se contenter d'un rôle de remplaçant et ne marque pas en quinze entrées en jeu. Les blessures s'en mêlent également pour mettre fin à son aventure bordelaise qu'il conclut avec 52 matches joués et 5 buts inscrits. À 23 ans, il poursuit sa carrière du côté de Toulon, en deuxième division, et gagne en temps de jeu.
En dehors du terrain
Au-delà de ses capacités footballistiques, nous avons demandé à nos trois témoins comment Bernard Blaquart se comportait en dehors du terrain. "Il était déjà dans la réserve, en retrait et attentif", rappelle le petit prince de Lescure. "Toujours un peu sur la réserve mais plein d'humour et il avait du respect vis-à-vis des anciens", note Bernard Lacombe, son aîné de cinq ans.
Un caractère que le technicien n'a pas perdu et que ses anciens coéquipiers louent comme une des clés de sa réussite. "Le fait d'être mesuré se transpose dans le rôle d'entraîneur pour avoir le recul nécessaire et la pédagogie pour diriger un groupe. Ça ne sert à rien d'être excité au bord du terrain. La preuve, son équipe ne s'en porte pas plus mal", concède Alain Giresse, l'actuel sélectionneur de la Tunisie. "Il n'a pas changé et ça lui a réussi. Cela montre qu'il y a de la place pour tout le monde", complète le natif de Vauvert, René Girard.
Les affrontements entre Nîmes et Bordeaux revêtent toujours un caractère particulier pour "Gigi" : "C'était mon premier match professionnel (le 12 octobre 1970, 11e journée). Nîmes devait être 2e ou 3e et Bordeaux jouait pour le maintien. On a fait 1-1, ce qui pour nous était quasiment synonyme de victoire en venant à Nîmes".
Ce premier match joué à seulement 18 ans a marqué Giresse qui en a disputé au total 587 dans le monde pro. Des souvenirs intacts quasiment 50 ans après : "Affronter Kabile, Sanlaville, Mézy, Bonnet, ça m'avait mis le pied à l'étrier. Et l'entraîneur Kader Firoud que l'on entendait crier à travers les vestiaires ! Je me souviens même de l'hôtel, l'Imperator en ville. Je n'avais pas dormi. J'étais habité par le stress."
Celui qui est à la tête des Aigles de Carthage a contacté Bernard Blaquart il y a près d'un mois. "J'avais besoin d'échanger avec lui sur un joueur qu'il avait connu et c'était avec beaucoup de plaisir." Un joueur qui se nomme certainement Larry Azouni, passé chez les Crocos de 2014 à 2017. Alain Giresse profite de notre sollicitation pour féliciter son confrère : "Quand je vois jouer Nîmes comme ça c'est plaisant et j'espère que les Nîmois en sont conscients. J'en suis très content pour lui". Un hommage probant pour celui que l'on pourrait surnommer le "Sage mage des Costières".
Corentin Corger