FAIT DU JOUR Le second tour des municipales en juin ne fait pas l’unanimité
Le Premier ministre, Édouard Philippe, l’a annoncé hier à la mi-journée : le second tour des élections municipales se tiendra, sauf contre-ordre sanitaire, le 28 juin prochain. Dans le Gard, 47 communes sont concernées, dont la première d’entre elles, Nîmes.
D’autres communes parmi les plus importantes en taille de notre département, comme Bagnols/Cèze, Vauvert ou Pont-Saint-Esprit, vont également appeler leurs habitants-électeurs aux urnes. Ça fait du monde, mais pas l’unanimité au sein de la classe politique.
Il faut dire que les intérêts des uns et des autres peuvent diverger. C’était le cas avant la crise sanitaire du covid-19, et il n’y a aucune raison que ça change après. Les maires sortants candidats, souvent sortis en tête au premier tour et donc en ballottage favorable, veulent rester, un minimum, sur leur élan du premier tour. Leurs challengers, et surtout ceux qui ont signé un score décevant, verraient d’un bon oeil de rejouer tout le match et pas seulement la deuxième mi-temps.
Dans le Gard, on a un peu de tout ça : il y a les pour, les sortants, et les autres. Les circonspects ou ceux dont on résumera la position par un « oui, mais », mais aussi ceux qui sont contre, parfois même farouchement opposés. Là, on retrouve une écrasante majorité de challengers. Objectif Gard vous propose un petit tour d’horizon.
Les pour
Dans le camp des « pour », on trouve quelques poids-lourds : les maires de Nîmes (Jean-Paul Fournier), de Bagnols (Jean-Yves Chapelet), de Vauvert (Jean Denat) et du Grau-du-Roi (Robert Crauste). Autant de maires qui ont un point commun : ils sont tous en ballottage favorable à l’issue du premier tour.
Pour autant, il y a des nuances : certains, comme Jean-Yves Chapelet (divers gauche, soutenu par La République en marche), veulent en finir avec cette séquence électorale. « Allez, qu’on en sorte de cet épisode, que ce soit fini, qu’on passe à autre chose, lance le maire de Bagnols. La vie démocratique doit se tenir. Je rappelle qu’il y a eu des élections pendant la guerre de 14/18. Le coronavirus va être sans doute encore présent pour quelques mois. Aujourd’hui il faut y aller. » Le tout avec « des règles sanitaires drastiques », ajoute-t-il.
D’autres, comme Franck Proust, colistier Les Républicains de Jean-Paul Fournier à Nîmes, parlent de cohérence : « Je suis bien entendu pour et depuis le début, dans un souci de cohérence d’abord. On déconfine l’économie. On peut faire la queue dans les magasins ou retourner dans les lieux de culte. Qu’est-ce qui empêche d’aller voter ? » La cohérence est aussi mise en avant par le maire du Grau-du-Roi, Robert Crauste, (divers centre) pour qui la décision de voter fin juin permet de « garder une certaine cohérence. C’est toujours important qu’un conseil soit installé. On a des dossiers en attente qui ne pourront avancer qu’après les élections. »
Le maire sortant de Vauvert Jean Denat (Parti socialiste) ne dit pas autre chose : « Je crois qu’il ne fallait pas faire ce premier tour. Mais aujourd’hui, il ne faudrait pas pour autant oublier le second. Dès lors que tout repart un peu, que l’on pourra bientôt retourner dans les bars, les restaurants et les cinémas, il n’y a pas de raison de ne pas voter. » Jean Denat y rajoute une dimension, estimant que le second tour est « la meilleure façon de choisir les équipes pour relancer l’économie. »
Une dimension soulignée par Franck Proust : « Il y a aussi un aspect économique. Aujourd’hui, la relance reviendra par les collectivités territoriales, qui représentent 70 % des investissements publics. En attendant le second tour, nous pouvons engager des dépenses de proximité mais les équipements structurants sont bloqués. » Dans ce cadre, pas de temps à perdre, estime l’ancien député européen. « Il y a là un enjeu économique et social », affirme pour sa part le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier, dans un communiqué.
Les « oui, mais... »
« Ce point de vue économique, je le partage totalement », affirme le candidat Rassemblement national à Nîmes, Yoann Gillet, pour une fois d’accord avec messieurs Proust et Fournier. Pour autant, le candidat du parti d’extrême-droite estime « qu’il faut que le Gouvernement s’en remette totalement aux scientifiques et aux infectiologues quinze jours avant la date pour savoir si ces élections pourront avoir lieu. »
Une consultation qu’il demande « plus large que le conseil scientifique, composé à 99 % de macronistes. » Sur la ligne de son parti, Yoann Gillet affirme que « le second tour doit avoir lieu uniquement si l’État met à disposition de tous les électeurs à l’entrée des bureaux de vote des masques et pour 100 % des personnes qui tiennent les bureaux des masques FFP2. Si ces conditions sont remplies, les électeurs pourront voter en confiance. »
Du côté du RN toujours, avec le candidat à Vauvert, Jean-Louis Meizonnet. Lui se dit « partagé. Sur le plan médical, même si je suis médecin, on est dans l’incertitude car situation inédite. Visiblement, il y a une décroissance de l’épidémie mais on ne peut pas affirmer ce que cela va donner dans quelques semaines. »
De l’autre côté de l’échiquier politique, la tête de la liste Nîmes citoyenne à Gauche, Vincent Bouget (PCF) ne se prononce pas pour la tenue du scrutin le 28 mai, mais estime que « c’est compliqué de dire qu’on peut tout rouvrir, demander aux gens d’aller travailler, de prendre les transports en commun, et de dire aux gens qu’ils ne peuvent pas aller voter. Ce serait donner l’impression que la démocratie passe en dernier. »
Idem pour Charly Crespe (divers), challenger de Robert Crauste au Grau-du-Roi : « On devrait être mieux organisés qu’en mars dernier. Et rien ne garantit que les conditions seront meilleures en septembre qu’elles ne le seront en juin. Je pense que le mieux est de se préparer à ce second tour le 28 juin, quitte à le reporter si l’épidémie repart. »
Une question émerge toutefois : le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a parlé de « faire campagne différemment. » Oui, mais comment ? « Ce qui m’inquiète le plus c’est la capacité de faire campagne, de rencontrer la population, souffle Vincent Bouget. Il y a la question du porte-à-porte, des tracts. Les conditions de la campagne m’inquiètent plus que celles dans les bureaux de vote. » Du côté de Yoann Gillet, « tout est prêt. Il n’y aura aucune distribution de tracts de la main à la main. On ira à la rencontre des électeurs de manière différente. »
Les contre
D’autres, comme Christian Roux, qualifié au second tour à Bagnols avec la liste soutenue notamment par le PS Convergences citoyennes, ne sont pas sûrs de repartir en campagne dans ces conditions. « Est-ce qu’on doit y aller au risque de se prendre une casquette ?, lance-t-il. Il est difficile de remotiver tout le monde. On part avec un handicap du score, s’y rajoute la crise et le fait que Jean-Yves Chapelet n’a jamais arrêté sa campagne. » Lui était partisan de « rejouer la partie entière. »
Son homologue de la liste soutenue par le Parti communiste français et la France insoumise, Alliance Citoyenne, Thierry Vincent, lui aussi qualifié pour le second tour à Bagnols, ne décolère pas. « Je pense le plus grand mal » de cette décision, tonne-t-il. Une décision qu’il qualifie « d’opportunisme cynique » de la part du Gouvernement et de « coup de poker. Une incohérence sanitaire majeure. L’épidémie n’est pas finie. C’est insensé, c’est une parodie. »
Parmi les contre, une voix sort du lot : elle vient d’un maire, qui plus est en ballottage favorable. Celui de Saint-Hilaire-de-Brethmas, Jean-Michel Perret (divers gauche) : « Rien n’a changé depuis le mois de mars. Les risques sanitaires sont les mêmes et il faudra revenir voter avec un masque. Tout cela risque de fausser la participation et le résultat », estime l’édile. Un élu qui tire à boulets rouges sur « les politiques » : « Ils ne voient que les intérêts de leur parti, des histoires de rapport de force. Ils n’en ont rien à cirer de la crise sanitaire. Ils sont prêts à remettre le couvert juste pour être élus ! »
La prime au sortant ?
On le voit, chez les pour on retrouve des maires sortants en ballottage favorable, et chez les autres des challengers pas toujours en bonne posture. De là à imaginer une prime au sortant qui aura géré la crise et dont certains seraient tentés de profiter en battant le fer tant qu’il est chaud, il n’y a qu'un pas.
Un pas que certains franchissent, comme Christian Roux à Bagnols, qui accuse le maire sortant de « surfer sur la vague. » Yoann Gillet estime qu’une telle prime « est possible dans les villes où la crise a été bien gérée, et pour Nîmes je suis un peu mitigé. » Quant à Franck Proust, il n’y croit pas : « Ça ne tient pas la route », balaie-t-il.
Directement concerné, Jean-Michel Perret confirme l’existence de cette prime au sortant : « Tous les maires qui, comme moi, sont assurés de passer au second tour sont plutôt pour que ça se tienne en juin. » Lui préférerait juillet, après la levée de l’état d’urgence sanitaire.
Reste à voir si, pour ce second tour, les électeurs seront au rendez-vous. « L’abstention, ce sera un des enjeux. Il faudra rassurer et expliquer qu’il n’y a pas plus de risques à aller voter que d’aller chercher son pain », avance Franck Proust, rejoint sur ce point par Yoann Gillet, qui estime que « la balle est dans le camp du Gouvernement. » Thierry Vincent est plus circonspect : « Nous ne sommes plus dans une dynamique électorale. Comment la relance-t-on ? » Ce sera toute la question des prochaines semaines.
Thierry Allard (avec Tony Duret et Boris Boutet)
Contacté, Yvan Lachaud, candidat à Nîmes, n'a pas retourné notre appel. Daniel Richard, lui aussi candidat dans la ville-préfecture, nous a quant à lui affirmé que "pour l'instant (il) n'a(vait) rien à communiquer". Dont acte.