FAIT DU JOUR Les santons "crèchent" toujours dans la mairie de Beaucaire
Malgré les quatre condamnations précédentes, le maire de Beaucaire a de nouveau fait installer une crèche provençale dans l'enceinte de l'hôtel de ville. L'installation a été inaugurée ce lundi 6 décembre 2021 ce qui ne va pas manquer de réactiver le débat entre partisans de la laïcité et partisans du maire de Beaucaire, Julien Sanchez.
Pas une, ni deux mais quatre condamnations. Et toutes les décisions rendues dans cette affaire de crèche en mairie de Beaucaire, sont identiques et affirment le principe que le religieux ne doit pas figurer sur ou dans un bâtiment public. La dernière en date remonte au 18 janvier 2021. Attaquée par le préfet du Gard de l'époque, Didier Lauga, la municipalité beaucairoise a été condamnée par la cour administrative d'appel de Marseille à 5 000 euros d'astreinte par jour, jusqu'au démontage de la crèche provençale installée dans la cour de la mairie. Soit un total de 40 000€ de deniers publics puisque Julien Sanchez, le maire Rassemblement national de la commune n'a pas cédé malgré la sanction et maintenu le calendrier de l'exposition.
Dans une vidéo publiée sur le site de la Ville, le premier édile beaucairois annonçait même sa décision de saisir le Conseil d'État pour faire annuler l'ordonnance de la cour administrative d'appel de Marseille. "Et nous allons aussi en plus poursuivre en justice l'État français pour discrimination politique", ajoutait-il. Ultime provocation assumée, il lançait un appel aux dons pour aider la municipalité à financer la crèche 2021. Bilan de l'opération, quelque 20 000 euros récoltés.
Sans surprise donc, la désormais très célèbre crèche provençale fait son grand retour dans l'enceinte de l'hôtel de ville. L'exposition, selon le vocable soigneusement choisi, a été inaugurée ce lundi soir et elle s'accompagne d'une sculpture ornée de bois et de fer grimpant le long de quatre colonnes en pierre, formant comme un cadre. L'oeuvre qui évoluera au fil des jours est signée de l'artiste beaucairois Michael Camacho. L'investissement pour le montage de la crèche et de l'oeuvre est estimé à environ 5 000€.
"Une telle manifestation n’a rien à faire dans le hall de la mairie"
Et cette année, Julien Sanchez a mis les petits plats dans les grands en proposant un programme d'animations bien plus étoffé autour des fêtes de Noël. Aux Santonales s'ajoutent des ateliers dédiés aux enfants sur les secrets de fabrication des santons, une exposition de livres sur le travail des santonniers à la bibliothèque municipale, un concours de Noël pour juger des plus belles décorations, illuminations et des plus belles crèches réalisées par les Beaucairois, une exposition-vente là encore en présence des santonniers, durant le marché de Noël et toujours dans l'hôtel de ville. Une jolie manœuvre pour donner du poids à son argument phare mettant en avant le caractère festif, artistique et culturel de l'oeuvre.
Pour Charles Menard, conseiller municipal d'opposition du groupe Beaucaire en commun, il s'agit d'une nouvelle tentative de la part du maire qu'il qualifie "d'antirépublicain", de "faire passer quelque chose d’éminemment cultuel pour une manifestation culturelle et de contourner ainsi la légalité républicaine. Je rappelle la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l’État qui est un pilier de nos institutions républicaines définissant la laïcité de nos institutions. S’il s’agit d’une manifestation culturelle, d’une exposition de santons, nous avons effectivement, sur le quai, une salle parfaitement adaptée."
"Une tradition plus récente et profane : l'esprit de Noël"
Lors de son discours ce lundi soir, Julien Sanchez a notamment répondu à ceux qui s'opposent à cette crèche, "ceux qui confondent tout, qui veulent interdire la crèche. [...] Quand on vit sur le sol français on doit s'adapter à la culture française, s'y fondre et on ne doit pas céder au multiculturalisme néfaste et dangereux."
À la tradition chrétienne et catholique que symbolise la crèche, il y ajoute "une tradition plus récente et profane : l'esprit de Noël. [...] Je me souviens de l'audience du 2 décembre au tribunal administratif de Nîmes d'une avocate qui avait employé le terme de "trouble à l'ordre public". À ceux qui nous jugent, je les invite à venir s'asseoir pendant deux heures autour de cette crèche, et ils verront que beaucoup de monde vient la voir, de toutes confessions religieuses et de toutes opinions politiques".
Les élus d'opposition, Luc Perrin du groupe Unis pour Beaucaire, Lionel Depetri (En avant pour Beaucaire) étaient présents lors de la cérémonie d'inauguration de la crèche provençale. Le premier n'a pas retrouvé l'esprit de Noël dans le discours du maire. "Il donne l'impression qu'on en veut aux traditions, ce qui est faux. Une crèche oui, quand il veut, où il veut, mais pas dans la mairie." Encore une fois Luc Perrin demande à ce que Julien Sanchez pioche dans ses fonds propres, si nouvelle attaque judiciaire il devait y avoir concernant ce que d'aucuns considèrent comme un respect des traditions et d'autres comme une énième provocation de la part du maire. Contactée par la rédaction, la préfète du Gard, Marie-Françoise Lecaillon, n'a pas souhaité réagir.
Stéphanie Marin