FAIT DU JOUR Syndrome de Diogène : Loha, 30 ans, vit dans ses détritus
Depuis six ans, la jeune gardoise est atteinte d’un trouble du comportement : elle conserve de façon compulsive des affaires et autres détritus à son domicile.
On ne sait jamais ce que cache un visage. Chaque jour, nous en croisons des dizaines sans pour autant connaître leur histoire. Leurs souffrances et leurs excès. L’histoire que nous racontons aujourd’hui concerne celle d’un visage bien connu du monde politique gardois. Sous couvert d’anonymat, pour préserver la vie des protagonistes, Sarah a souhaité nous faire rencontrer sa fille, Loha, 30 ans. Elle est atteinte depuis six ans du syndrome de Diogène.
Il s’agit d’un trouble du comportement, consistant à conserver de manière compulsive des objets et autres détritus. Une négligence domestique qui « toucherait 50 personnes dans le Gard », indique Sarah qui a monté un dossier d’incurie pour sa fille auprès de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer). Assises sur la terrasse l’une à côté de l’autre, séparées par le pilier de la maison, nous rencontrons Sarah et Loha à Clarensac.
Impossible pour elle de jeter ses ordures
Sarah héberge sa fille dans sa maison, suite à l'expulsion de Loha de son appartement nîmois. La maman ne vit pas ici, elle habite avec son compagnon dans le bassin alésien. Les deux femmes ont en commun des yeux verts perçants, comme si la génétique les avait naturellement maquillées au khôl. Elles partagent aussi une histoire complexe, entre conflits, amour et rancune. « Au départ, je ne comprenais pas. Le médecin m’avait dit que c’était l’adolescence, une période rebelle au cours de laquelle les jeunes sont bordéliques », confie Sarah.
Seulement, « le bordel » est un peu trop envahissant : Loha conserve toutes ses affaires, même ses ordures ménagères. Impossible pour elle de jeter. Une vie insalubre qui s’intensifie au fil des années. Loha déménage dans son premier appartement : « Un jour je suis allée chez Loha, dans son premier appartement. J’ai vu ma fille en train de pleurer au milieu de ses affaires, me demandant de ne pas l’engueuler, qu’elle s’était faite dépasser », se souvient Sarah.
Une relation mère-fille pas toujours facile
Hyperactive, Loha tient difficilement en place. Un oeil sur son chat, l’autre sur son sirop à la menthe et ses mains qui frottent continuellement ses jambes, la jeune femme est nerveuse : « Je commence à prendre conscience du problème, des psychologues qui me suivent et des amis m’en ont parlé. » Loha a également des troubles du sommeil : « je prends beaucoup de médicaments, comme du Tramadol ». Une pilule qui a pour effet habituel d’ensuquer ses patients. Sauf Loha.
Quand sa mère et son beau-père, excédés, se décident à ranger sa maison, l’initiative tourne vite à l’engueulade : « je perds mes repères, ça me stresse. J’ai du mal aussi lorsque l’on m’impose des choses, comme par exemple l’endroit où je dois ranger la friteuse », raconte Loha. Et à sa mère de réagir : « Je n’avais pas compris que ce rangement forcé s’apparente, pour les personnes atteintes par ce syndrome, à une forme de violence ».
Un autre événement a boulversé la relation mère-fille : la demande de curatelle de Sarah pour sa fille. « C’était pour la protéger. En utilisant son argent, elle achète des affaires et elle continue de remplir la maison », justifie Sarah. Une mesure vécue par sa fille comme une trahison : « on est allé en justice, j’ai pris un avocat pour me défendre mais la justice a donné raison à ma mère ». Aujourd'hui, Loha s’est faite à ce nouveau mode de vie : « quand j’ai besoin d’argent, je téléphone à ma tutrice. »
De l’espoir pour Loha
Le syndrome de Diogène touche la plupart du temps les personnes qui ont vécu des traumatismes. Ces tas d’immondices représentent une sorte de cocon pour les protéger de ce choc psychologique. En écoutant l’histoire de Loha, on apprend que le jeune femme n'a pas eu un début de vie facile. Victime d’une malformation près de la moelle épinière à sa naissance, elle souffre d'incontinence jusqu’à son adolescence. « J’ai aussi été agressée lorsque j’étais au collège », indique-t-elle, en glissant que les relations avec ses parents n’ont pas toujours été très épanouissantes.
Dans quelques mois, sa mère aura terminé les travaux d’extension de la maison : « nous allons lui faire un petit appartement. Une aide ménagère viendra régulièrement pour l’aider à ranger ». Loha promet que les choses seront différentes. Pour essayer de s’apaiser, la jeune femme cultive sa passion pour ses chats, la musique et s’est même lancée dans un recueil de nouvelles « Hors du commun » : « écrire est l’une des seules choses qui me calme », remarque-t-elle. En espérant que Loha parvienne à écrire, ces prochains mois, une nouvelle page de sa propre histoire.
Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com