FAIT DU SOIR Apiculture : des récoltes de miel diminuées de moitié cette année
2021 est une année noire pour le miel. Les récoltes se situent entre 7 000 et 9 000 tonnes en France. Une baisse de plus de la moitié par rapport à 2020 lorsque les apiculteurs avaient recueilli 20 000 tonnes du précieux nectar. Comment expliquer ces chiffres en berne ? La chute est-elle aussi marquée dans le Gard ? Des apiculteurs du département répondent.
En avril 2021, vergers et vignobles ont subi de plein fouet un coup de gel aussi fort qu'inattendu après des semaines très clémentes pour la saison. On n'a beaucoup moins parlé des victimes collatérales de ce froid soudain : les abeilles. "Quand on voit les conséquences que cet épisode de gel a eu sur les cultures, on peut sans mal imaginer le mal sur les fleurs et plantes sauvages et donc sur les abeilles", avance Sandrine Jouve, apicultrice depuis une vingtaine d'années à Aramon.
Le froid réduit les capacités de floraison des arbres, plantes et fleurs et les abeilles ne peuvent plus se nourrir et donc produire du miel. Il faut savoir que cette année, les arboriculteurs ont commencé à appeler les apiculteurs dès la deuxième quinzaine de février pour que ces derniers installent leurs ruchers à proximité des abricotiers pour polliniser. Le coup de froid n'en a été que plus fatal.
"C'est la première fois que je vois une météo autant en dents de scie", constate Sandrine Jouve. Dès que le froid revient, les abeilles puisent dans les réserves de nectar, ce qui diminue le potentiel de récolte pour l'apiculteur. Sandrine Jouve estime que sa production de miel a diminué entre 40 et 50% cette année. Certaines miellées comme le romarin ou l'acacia n'ont même pas donné de quoi remplir un pot. Elle a été contrainte d'augmenter de 50 centimes en moyenne le prix de ses bocaux de miel.
Des espèces mellifères qui disparaissent...
Mais pour l'apicultrice, le froid n'est pas la seule explication à cette production en baisse. À la base du nectar, il y a 80% d'eau et 20% de sucre. Alors quand la pluie n'est pas suffisamment abondante, les abeilles en pâtissent. Cela a été le cas en juin pour quelques ouvrières de Sandrine Jouve, installées pour la belle saison dans la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence).
Elle remarque aussi, surtout du côté d'Aramon, que les arbres fruitiers sont petit à petit grignotés par des vignes : "Je n'ai rien contre cela, les collègues doivent sûrement y trouver leur compte. Mais il y a un impact sur les ressources disponibles." Il n'y a rien à butiner sur les cépages pour les abeilles. Et c'est sans compter l'utilisation de certains traitements qui peuvent affecter ces insectes.
"On voit aussi de moins en moins d'éleveurs itinérants qui viennent avec leurs bêtes dans le coin. C'est dommage car les chèvres, les moutons font un gros travail de débroussaillage dans les garrigues et évite que les milieux se referment", poursuit l'apicultrice. C'est-à-dire que certaines essences mellifères disparaissent, envahies par d'autres espèces végétales invasives.
"On n'est pas loin de la catastrophe cette année"
Du côté de Tresques, Catherine Amielh est installée en tant qu'apicultrice depuis 2010. Elle a été rejointe depuis quelques temps par Olivier Collard qui l'aide à s'occuper de son cheptel de 150 ruches. "On n'est pas loin de la catastrophe cette année. Sans nos réserves, on serait actuellement en grande difficulté", lâche-t-il. Les deux associés limitent les pots d'un kilo et privilégient ceux de 500 ou 250 grammes. "Comme ça, on essaie de satisfaire le plus de clients possible sans écouler trop rapidement dans les stocks", atteste Catherine Amielh.
Elle aussi situe la perte de récolte autour de 50% par rapport à l'année dernière. Les miellées tardives de septembre n'ont pas compensé le printemps et l'été compliqués. L'apicultrice tresquoise a trouvé d'autres activités parallèles qui comblent un peu les pertes liées à la récolte diminuée : "On a bien développé la partie commerciale. On a fait les Journées méditerranéennes des saveurs cet été, on va dans les écoles et les centres aérés avec notre ruche vitrée faire de la pédagogie..."
Et encore, cette année, les abeilles ont été moins embêtées par les frelons européens et asiatiques. "Fin août 2020, c'était un enfer. On en voyait des centaines chaque jour. Les frelons volent de manière stationnaire devant l'entrée des ruches. Les abeilles n'osent plus sortir de peur de se faire attraper et restent toutes à l'intérieur. En période de floraison, il n'y a pas plus de 40% d'abeilles dans la ruche. Donc la température augmente dedans", décrit Olivier Collard. Qui dit moins d'allers-retours avec la ruche, dit moins d'apport de pollen et de nectar... Et lorsque les colonies sont faibles, les frelons n'hésitent pas à s'introduire dans la ruche et à causer de gros dégâts.
"Tout le monde espère que la saison prochaine sera meilleure, sinon, ce sera vraiment compliqué. On dit souvent que c'est un métier de passion, mais le banquier, il s'en fiche. Il regarde les chiffres", ironise Catherine Amielh. D'ailleurs, l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) a demandé à ce que les récoltes en berne soit reconnue en calamité agricole, au même titre que pour l'arboriculture et la viticulture.
Marie Meunier