FAIT DU SOIR Sortie de crise et bon millésime à venir pour les Costières de Nîmes
En réalité, il faut déjà se projeter dans la culture et la consommation des années 2030-2040. Quel produit pour quel marché ? Quel consommateur pour quelle consommation ? L'AOC Costières de Nîmes présente ses chiffres 2021 et évoque l'avenir du vin au sein de l'appellation la plus méridionale des Côtes du Rhône.
Avant toute chose, parlons chiffres pour contextualiser l'affaire. 3 430 hectares sur 24 communes, 45 % de caves coopératives et 54 % de particulières, des cépages typés à l'image de ceux de la Vallée du Rhône car fort logiquement tous les vignerons de l'AOC Costières de Nîmes se revendiquent du terroir rhodanien. Le vignoble des Costières est très sain, jeune, productif et qualitatif. N'oublions pas que 68 % de sa surface sont sous label environnemental. En 2020, les plus fortes hausses concernent la biodynamie et l'agriculture biologique.
Aurélie Pujol, nouvelle directrice de l'AOC Costières de Nîmes, est entrée dans le bain. "On a traversé un contexte particulier entre la covid, le Brexit, les taxes Trump et nos rapports avec la Chine... Ça a marqué de façon importante les deux dernières années. La production a un peu baissé pour tomber à 153 000 hectolitres mais les stocks ont pu être assainis. En effet, si nos vignerons s'arrêtent de produire, nous pouvons vendre encore du vin pendant huit mois. De plus, 65 000 hectolitres ont été distillés."
Dans le même temps, les marchés évoluent. Les Costières ont préféré perdre ceux qui étaient les moins valorisés afin de renforcer ceux qui avaient le plus de sens pour l'appellation. Heureusement, l'AOC propose toutes les couleurs de vins même si la moitié de sa production est représentée par le vin rouge (43 % pour le rosé, NDLR). Cette année, en sortie de chais toutes couleurs augmentent de 4 %, les rouge et rosé de 3 % et le blanc bondit de + 13%.
Entre janvier et août 2021, l'exportation a repris des couleurs et réconforte les viticulteurs. USA, Chine, Royaume-Uni, Canada et Allemagne sont les cinq grands marchés des vins de Nîmes et de sa région. Aux USA, une bouteille de Costières se vend en moyenne 15 dollars. "On choisit nos marchés. On investit dessus et quand on travaille bien ça paie", note Aurélie Pujol. Et la suite devrait elle aussi être relative satisfaisante.
La récolte passée et le millésime à suivre
Dans un contexte compliqué, cette année la récolte a commencé le 8 avril ! "Cet épisode de gel a été lourd et disparate sur le territoire, souligne Bernard Algelras, président de l'AOC Costières de Nîmes, viticulteur et président de l'institut français de la vigne et du vin et président de la commission environnement de l’INAO. Nous avons connu un été plus classique, sans sècheresse ni canicule mais le 14 septembre, en plein milieu des vendanges, il y a eu cet épisode méditerranéen où il est tombé environ 250 mm d'eau sur une grande partie de l'AOC alors qu'à Gallician seulement un petit millimètre est tombé ! C'est là que l'on voit les excès du climat. Heureusement que dans l'AOC, 98 % de la vendange est mécanique. On peut laisser mûrir et être plus réactif si besoin. Malgré tout ça, les raisins sont sains cette année."
Même s'il est encore tôt pour parler de la qualité du millésime, ne vous y trompez pas, il sera bon. Les acidités seront équilibrées, le millésime sera plus frais que solaire. C'est une grande année à vin blanc et les rouges seront plus élégants et fins avec moins de pourcentage d'alcool.
Porter un art de vivre via une politique dynamique
Pour la nouvelle venue Aurélie Pujol, le terrain est le meilleur des apprentissages mais elle en connaît un bout sur la question. "Je suis en poste depuis le 1er septembre. Je suis une passionnée de vin et je suis aguerrie aux organisations syndicales. J'ai un profil juridique mais j'ai été vigneronne dans mon Roussillon natal."
C'est alors qu'il faut commencer à définir les ambitions d'avenir pour cette nouvelle mandature. "J'étais à cette place il y a trois ans, rappelle Bernard Angelras. Je suis parti et on est venu me chercher à nouveau et je suis revenu car notre syndicat doit porter un projet collectif dans l'intérêt global de nos producteurs. Évitons l'individualisme ! C'est bien de partager et de porter collectivement un projet. La covid a accentué les dogmes corporatistes."
Un Gallician prestige (Photo Anthony Maurin).Les axes forts de la politique de l'AOC Costières de Nîmes seront les suivants : améliorer la connaissance des zones viticoles, agir sur les conditions des production, favoriser un matériel végétal adapté, agir sur les pratiques œnologiques, anticiper l'évolution des marchés et garantir la production, rechercher, développer et former mais aussi contribuer à l'atténuation du changement climatique sans oublier de protéger le terroir.
Un travail d'équipe
Après 16h de visioconférence, l'AOC a décidé de basculer le contrôle qualité vers une obligation de résultats plutôt qu'une obligation de moyens. Le projet de Dénomination géographique complémentaire devrait lui aussi voir le jour avec l'INAO. "Dans notre appellation, nous avons des locomotives que nous devons utiliser pour qu'elles tirent l'ensemble de l'appellation. Je veux comprendre l'évolution du marché du marché du vin, imaginer les solutions du futur et forcément convaincre pour les mettre en place" poursuit le président Angelras avant d'assure que "notre viticulture a un rôle de plus en plus important dans notre société. Assumons la transition écologique, protégeons nos terroirs en faisant leur promotion. Toute mon expérience sera mise à disposition de notre AOC. Je ne ferai pas tout tout seul. Chacun a sa place là où il est compétent."
Dans ces rôles plus diffus, Michel Gassier prend lui aussi toute sa place. Expertise et expérience sont la clé de la suite de l'histoire de l'AOC. Mais il ne faut pas oublier le présent et les enjeux qui vont avec. Les membres de l'équipe de l'AOC ne sont pas endormis. L'équipe est jeune, petite et très investie. La crise sanitaire lui a permis de réaliser de nombreuses actions, y compris en ligne avec la masterclass de dégustation. Les décalcomanies estampillés Costières ont connu un bien joli succès entre Paris et Nîmes, Minuit Toquée a vu 400 places vendues à 95 euros l'unité et les JeuDiVin ont eux aussi eu lieu malgré deux années consécutive d'une légère baisse de fréquentation. "Merci à Manon Missonge et à son équipe car sans eux nous n'aurions rien pu faire !"
Eau, foncier, environnement...
85 % de l'appellation est irriguée par BRL ce qui permet d'avoir de l'eau tout au long de l'année et d'éviter un stress hydrique peu propice à du grand vin. D'autres possibilités permettent à l'AOC Costières de Nîmes d'avancer pas à pas. Elle travaille sur des cépages oubliés, plus ou moins résistants, plus ou moins productifs. L'appellation peut en essayer sur 10 % de son rendement pour tester ce qui sera le plus à même d'avoir de l'avenir. Hélas pour cela, il faut une dizaine d'années pour consolider son idée sans oublier que des cépages sont créés chaque année.
"Il faut qu'on avance plus vite que les autres mais nous nous remettons en questions et nous sommes armés pour l'avenir. Nous nous lançons des défis agronomiques passionnants", songe Bernard Angelras. Les cuvées des Costières seront reconnues par les territoires dont elles sont issues. Si nous défendons ces territoires, il ne faut pas oublier les nombreuses pressions qu'ils subissent. Le prix du foncier explose, les compensations environnementales prennent une place improbables et l'urbanisation grignote chaque jour des hectares qui seront à jamais perdus pour la viticulture et l'environnement. "Un vignoble d'avenir, c'est déjà être sûr d'avoir un vignoble plus tard ! C'est ce que je peux apporter à l'AOC", estime Aurélie Pujol.
Terroir d'exception, encépagement renouvelé et savoir-faire des femmes et des hommes, jeunes et motivés, qui font ce vin : c'est là que réside la chance pour l'AOC Costières de Nîmes d'imaginer un avenir serein.