FORMATION Tensions et inquiétudes sur l'antenne nîmoise de l'École de commerce de Lyon
Mais que se passe-t-il à l'École de commerce de Lyon implantée depuis fin 2017 sur le site de l'EERIE à Nîmes ? Professeurs absents - car non rémunérés -, absence de notation scolaire, diplômes non reconnus... Difficile de comprendre les difficultés de cet établissement qui semblait s'être fait une belle réputation de l'autre côté du Rhône.
Tout commence comme un merveilleux conte de fée. À grand renfort d'annonces, la structure pédagogique lyonnaise débarque à Nîmes fin 2017 sur le site de l'EERIE, un équipement de formation voué à disparaître après le départ de l'École des mines d'Alès.
Créée en 2013, l’École de commerce de Lyon, sa cinquantaine de diplômes et surtout, ses six millions de chiffre d'affaires annuel débarquent dans la cité des Antonin pour développer son modèle qui semble donc fonctionner à merveille. Elle propose en effet aux étudiants de bénéficier de formations post Bac à Bac+5 tournées, comme son nom l'indique, autour du commerce. Du commerce à l'international surtout. Une raison qui justifie et explique la présence de plus de 70 nationalités différentes dans le cercle des étudiants.
Des enseignants auto-entrepreneur
Offrir l'opportunité à des étudiants du territoire de goûter à une pédagogie innovante : c'était la promesse de départ. Certains professeurs et étudiants vont pourtant rapidement déchanter. Sous couvert d'anonymat, une professeure intervenant sur le site de Nîmes a accepté de répondre à nos interrogations. Elle nous explique la médiocrité du matériel pédagogique mis à disposition du corps enseignant, des factures de prestations non payées depuis des mois, des conditions de travail précaires...
Une étudiante enfonce le clou et livre son expérience : une pédagogie tournée vers l’international mais peu de cours anglophone, l'annulation régulière des cours, des diplômes qui ne seraient pas reconnu par le Répertoire national des certifications professionnelles, pas de relevés de notes depuis la rentrée de septembre, pas de séminaire professionnel correspondant aux spécialités des étudiants nîmois...
Le président de Nîmes métropole alerté
La liste des reproches et manquements au cahier des charges est longue et nombreux ceux qui sont a minima désabusés. Voire très en colère. Un collectif de professeurs et d'étudiants a d'ailleurs demandé une entrevue avec Yvan Lachaud, le président de l'Agglomération de Nîmes. C'est lui qui par l'intermédiaire de ses services a favorisé l'installation de l'École de commerce de Lyon. Devant l'urgence de la situation, selon nos informations, il recevra donc une délégation le 18 février prochain.
Du côté de l'Agglomération, en attendant, on temporise. Contacté par nos soins, Jacky Raymond, vice-président en charge de l'enseignement supérieur, s'étonne de cette situation alarmante. Et ce d'autant que "l'École est à jour du paiement de ses loyers même s'il y a pu avoir un peu de retard." Il reconnaît avoir pris contact avec Hervé Diaz, le président de l'École de Commerce de Lyon, même s'il se défend de toute ingérence dans le fonctionnement de l'établissement : "J'ai cru comprendre qu'il y avait eu des difficultés avec des professeurs. C'est en tout cas ce que m'a exprimé M. Diaz. Mais la situation est en cours de régularisation. Il n'y a donc pas de problème majeur."
Des difficultés de fonctionnement
Pour en avoir le cœur net. Une seule solution : entrer en contact avec ce fameux M. Diaz. Après plusieurs sollicitations, notre rédaction a pu le joindre et le moins que l'on puisse écrire, c'est que son école, de son point de vue, ne semble souffrir que de difficultés très minimes.
Concernant l'absence de cours depuis janvier ? "C’est faux : les cours de droit informatique, de droit commercial, de droit civil et de droit du travail ont bel et bien été assurés, tous sans exception, ces trois semaines. D’ailleurs, ce mardi encore je donnais des cours de droit à Nîmes", nous indique-t-il.
Sur le faible nombre de cours d'anglais : "C’est faux. Le directeur sur place M. Andrew Simpson, également enseignant à Lyon 3 et enseignant permanent à Nîmes, en assurait encore cette semaine."
Sur les diplômes non reconnus ? "Oui, reconnaît-il, pour ceux qui le souhaitaient, nos étudiants ont été invités à passer une co-diplomation dont des titres RNCP grâce à nos partenaires puisqu’un établissement naissant ne peut en proposer."
Sur l'absence de relevés de notes depuis la rentrée de septembre il poursuit : "Il est vrai que trois enseignants ont cru bon de prendre nos étudiants en otage en retenant leur notes ou en n’assurant pas leur cours du jour pour le lendemain et ont été remplacé sine die. La raison de leur colère était des lenteurs dans le traitement de leurs factures. Ce que je ne nie pas car nous avions effectivement une désorganisation qui est en train de se résorber."
Vers un retour à la normale ?
Pour bien comprendre, les professeurs en question ne sont pas salariés mais fonctionnent, comme pour la plupart des formateurs de cet établissement, sous le statut précaire d'auto-entrepreneur. Ils fournissent donc chaque mois, une facture correspondante à leur activité du mois passé.
"Maintenant je ne nie pas des difficultés administratives et pédagogiques - et donc comptables puisque les prestations n’ont pas pu être vérifiées depuis plusieurs semaines car l’assistante pédagogique est absente jusqu’à cette fin de semaine pour cause de maladie [...] Mais cette désorganisation, relayée par de la diffamation et exacerbée par quelques éléments en interne a suffit pour causer des troubles importants à cet établissement naissant", rajoute le président de l'École de Lyon.
Un établissement qui pour sa première année d'activité à Nîmes a connu aussi des difficultés économiques. Tablant sur une centaine d'étudiants pour la première rentrée, l'École s'est heurtée selon M. Diaz "au manque de logements étudiants à Nîmes qui nous a contraint à un accueil restreint de 60 apprenants."
Face aux difficultés à moitié assumées, le patron de l'École de Lyon a décidé de prendre le taureau par les cornes : "Je suis désormais chaque semaine sur place pour répondre aux questions, donner des cours ou rencontrer les parties prenantes. Et nos équipes de permanents et autres fonctions supports - service qualité, service relations entreprises...-, sont chaque jour sur place. La semaine prochaine, je rencontrerai les intervenants pour faire connaissance avec ceux que je ne connais pas encore et répondre aux inquiétudes."
Le début d'une sortie de crise ? Possible d'autant que M. Diaz lors de nos échanges téléphoniques a confirmé le paiement des factures en retard des professeurs en colère. Des paroles aux actes ? Affaire à suivre.
Abdel Samari