GARD RHODANIEN Un budget « volontariste » mais qui en inquiète certains
Tavel a l’habitude d’accueillir des conseils d’agglomération décisifs. C’est ici que fin 2016 le controversé projet de Pôle d’excellence rurale avait été mis à mort. Et c’est ici qu’on allait avoir ce lundi soir la réponse à une question : comment l’Agglo du Gard rhodanien va-t-elle digérer l’augmentation sans précédent du coût du traitement des ordures ménagères ?
Car ce coup dur pour les finances de l’Agglo est tout sauf une paille. C’est de pas moins d’1,7 million d’euros que le coût du traitement des ordures ménagères augmente, fruit d’une situation de monopole du prestataire. « Nous n’y sommes strictement pour rien, cette situation nous l’avons dénoncée. Nous nous sommes mobilisés pour permettre la création d’une deuxième unité de valorisation énergétique (un incinérateur, ndlr), c’est une injustice », tempêtera encore une fois Jean-Christian Rey, chargé de présider une Agglo qui a donc dû trouver des solutions pour pallier cette hausse.
Ça, c’est pour le budget primitif. Et avant le budget primitif, il a fallu voter les comptes administratifs et de gestion, qui viennent arrêter définitivement ce qu’a été l’année budgétaire 2018. Habituellement, ces comptes, actes administratifs par excellence, ne sont pas le lieu du débat politique, puisqu’ils viennent donner une photo du passé. Pas cette fois ! Le maire de Saint-Nazaire, Gérald Missour, très en forme lundi soir, a directement sorti l’artillerie en remettant en cause à demi-mot « la sincérité budgétaire » des documents.
L'autofinancement se réduit
Jean-Christian Rey lui rétorquera que le compte de gestion était validé par le trésorier public, un fonctionnaire d’État objectif, et que « le compte administratif montre un taux d’exécution de 98,7 % du budget 2018, ce qui prouve bien sa sincérité. » En gros, l’Agglo a bien dépensé ce qui était prévu. Pas de quoi convaincre Gérald Missour, qui embrayera sur la question des restes à réaliser, ce qui agacera le vice-président délégué aux finance, Guy Aubanel. L’élu se lancera dans un inventaire desdits restes à réaliser, ponctuant son propos d’un « c’est pas du pipeau. » « Tout est transparent, on ne lâche rien », poursuivra le président, avant de grincer en s’adressant au maire de Saint-Nazaire : « Je pensais que tu allais nous féliciter, mais je suis naïf. »
Il lui faudra attendre un petit peu et l’intervention du maire de Lirac, Stéphane Cardènes, qui félicitera le président pour le taux de d’exécution du budget. Cependant, « il faut faire attention. L’autofinancement se réduit chaque année. Il passe de 2 millions à 700 000 euros, c’est une fragilité. » Le spiripontain Roger Castillon ne dira pas autre chose. Jean-Christian Rey répondra que « l’autofinancement n’est pas si mauvais », que l’Agglo n’avait pas emprunté en 2018 et qu'elle « va même prendre sur l’autofinancement le coût de l’augmentation du traitement des ordures ménagères. » Donc il va falloir s’y faire : « Là, pour le coup, l’autofinancement va être au ras des pâquerettes en 2019, mais nous pourrons emprunter », notera le président, répondant à la grande interrogation du jour.
« Il faudra revoir des choses gravées dans le marbre »
C’est donc là-dessus que la majeure partie de l’augmentation du coût des déchets va être prise. En tout cas la partie traitement. L’augmentation du tonnage, notamment due à un tri pas vraiment optimal, soit 600 000 euros, sera quant à elle répercutée sur le taux de la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), qui augmente de 0,6 %. Mais ce n’est pas là-dessus que le débat va se cristalliser.
Car si la majorité martèlera que ce budget, de 59,7 millions d’euros en fonctionnement et de 4,9 millions d’euros en investissement est "volontariste" (au moins cinq fois), « les marges de manœuvre sont faibles », préviendra Guy Aubanel. En clair, avec l’augmentation du coût du traitement des déchets, l’Agglo a grillé une cartouche et il faudra trouver une autre solution dans la durée. Si la situation devait perdurer, « il faudra lors du prochain mandat revoir des choses gravées dans le marbre, comme les Attributions de compensation (le montant correspondant à l’ancienne taxe professionnelle, collecté et reversé par l’Agglo aux communes, ndlr) et la fiscalité », ajoutera le vice-président aux finances, abordant ainsi deux sujets explosifs.
« On est sur quelque chose de structurel. Les questions il faut très sérieusement se les poser et cette fois y apporter des réponses », lancera Gérald Missour. Stéphane Cardènes inquiétera de l’emprunt de 2,5 millions d’euros compris dans le budget 2019 avant d’estimer que « il aurait peut-être fallu réduire la voilure. » Jean-Christian Rey ouvrira ensuite la porte à une réflexion sur les compétences de l’Agglo, qui a choisi d’être « une Agglo de services », rappellera-t-il, mais qui a également dû récupérer des compétences obligatoires.
« L’Agglo n’est jamais que l’outil de ce qu’on veut en faire. Le projet de territoire est en perpétuelle évolution, des pistes d’économies existent », poursuivra Jean-Christian Rey. La Bagnolaise Claudine Prat se demandera ensuite « comment trouver une autre solution que d’augmenter les impôts ? » Ce à quoi le président répondra « ce n’est pas ce qu’on a dit », soutenu par Guy Aubanel qui précisera avoir « fait cette suggestion pour l’avenir, pas pour aujourd’hui. »
Bref, si certains s’inquiètent, Jean-Christian Rey affirmera sans convaincre ceux qui en doutaient que « l’Agglo est en bonne santé financière » et que le budget était « volontariste, responsable environnementalement, socialement équitable et tourné vers la création d’emploi. » Le budget sera voté malgré les votes contre de Claudine Prat, Serge Rouquairol, Christian Roux, Didier Bonneaud, Gérald Missour, Jean-Marie Daver, Stéphane Cardènes, Laurent Nadal, Yves Cazorla, Patrick Pannetier, Patricia Chenel, Jean-Claude Mages et Jessica Abate. Alain Chenivesse, Alexandre Pissas, Maria Seube et Marie-Anne Ouvrier se sont quant à eux abstenus.
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
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Chaud, chaud. La fin du débat sur les comptes administratifs et de gestion a tourné au vinaigre entre Gérald Missour et Jean-Christian Rey, le premier accusant en creux l’Agglo de maquiller ses comptes pour les rendre plus présentables. « Vous êtes d’une mauvaise foi épatante », lui lancera Jean-Christian Rey, avant que Gérald Missour ne suggère plus tard au président « de remplacer les élus par un miroir. Si ça vous dérange de discuter, vous pourrez vous regarder pendant deux heures. » Le président lui répondra qu’il n’avait aucun problème pour discuter, « mais avec des gens honnêtes intellectuellement, ce qui n’est pas votre cas. » Gérald Missour lui fera répéter ses propos, et nous confiera à la fin de la séance, encore agacé, qu’il avait envisagé de porter plainte.
Same players, play again. Le coût des déchets reviendra dans le débat entre Gérald Missour et Jean-Christian Rey, le premier pointant des disparités de tarifs dans l’enlèvement des ordures. « À Orsan, 107 euros par habitant, à Gaujac 123, à Tavel 142, à Saint-Geniès-de-Comolas 131 et à Saint-Paul-les-Fonts 103 euros. Que d’écarts pour une compétence gérée par la même entité ! » Le président soufflera que « ça fait dix fois qu’on vous donne les mêmes réponses, mais vous préférez envoyer des SMS à vos habitants. » « Eh bien j’en enverrai un autre ! », répondra le maire de Saint-Nazaire avant que Guy Aubanel ne rappelle que ce tarif « ne dépend pas que du nombre d’habitants, mais aussi de la valeur locative. »