HOMME DE LETTRES GARDOIS Frédérique Hébrard, la très nîmoise "Demoiselle d'Avignon"
Tout l’été, Objectif Gard propose de vous attarder sur les destins de quelques éminents hommes de lettres gardois. Cette semaine, nous nous sommes intéressés à l'incroyable vie de l'actrice, romancière et réalisatrice nîmoise Frédérique Hébrard.
Fille de l'académicien André Chamson et de Lucie Mazauric, Frédérique Hébrard (son nom de scène, le patronyme de sa grand-mère maternelle) est née à Nîmes, le 7 juin 1927, où elle effectuera une partie de ses études. Celle dont le nom restera à jamais lié à celui de son époux et éternel complice, le comédien et écrivain Louis Velle, a connu dès l'enfance une vie bien singulière et un destin hors norme...
La vie de château
Protestant d'origine cévenole et sympathisant communiste, son père, écrivain et conservateur du patrimoine, se retrouve en poste au château de Versailles (78) et la jeune Frédérique se voit attribuer une chambre dans ce qui fût jadis le bureau de Jean-Baptiste Colbert, l'un des ministres le plus influent du Roi Soleil. Férue de danse et de théâtre, la jeune fille verra défiler chez ses parents nombre de représentants de l'élite intellectuelle l'époque (André Gide, Scott et Zelda Fitzgerald, André Malraux, Romain Rolland, le réalisateur King Vidor...).
À l'âge de 13 ans, en 1940, alors que la France vit sous le joug de l'occupant nazi, elle participe à une opération de sauvetage destinée à soustraire des œuvres d'arts majeures de la cupidité des dirigeants du IIIe Reich. Elle témoigne de ce périple mouvementé entre le musée du Louvre et le château de Chambord dans le film "Le Musée d'Hitler" : "Nous suivions le camion, qui était un camion de décor de la comédie française. On avait y avait roulé "Les noces de Cana". Elle était quand même énorme comme volume (ce tableau de Paul Véronèse est haut de 6,77 m et long de 9,9 m, NDR) et ils ont touché un fil électrique sur la route. Le feu a été arrêté très vite, mais il y avait de quoi se faire des cheveux blancs. "
Elle dort avec La Joconde !
Mais, concernant les chefs d’œuvres de l'art pictural, les anecdotes de la romancière ne s'arrêtent pas là ! "J’ai dormi avec La Joconde mais elle était dans sa boîte Louis-Philippe d’Orléans dernier inventaire royal. Je ne sais plus si c’était du velours ou du satin, c’était rouge. C’était vraiment un symbole. C’était la dame pour qui tous ces hommes étaient prêts à donner leur vie", raconte-t-elle non sans humour.
Inscrite plus tard au Conservatoire national d'art dramatique de Paris -elle en sortira lauréate en 1949-, c'est là-bas qu'elle y fera connaissance de son futur époux, Louis Velle, avec lequel elle aura trois enfants, Catherine, Nicolas et François. Une rencontre qui ne s'était pas engagée sous les meilleurs auspices entre la protestante de Gauche qui, juchée sur les épaules de papa, chantait la Varsovienne dans les défilés syndicaux et le fils de famille de Droite... "Je ne le connaissais pas et le hasard a voulu que nous nous retrouvions comme partenaire pour répéter une scène. Il m'avait attrapé et soulevé en l'air. Je lui avait intimé l'ordre de me reposer à terre et quand il m'a lâché je lui ai donné une petite gifle pour marquer ma réprobation. Ce à quoi, insistant pour me dire qu'il était un homme de parole, il m'a répondu qu'il ne l'avait pas mérité et qu'il me la rendrait. Et, plus tard, il l'a fait devant nos collègues du conservatoire qui ne comprenait pas que cela me fasse rire ! ...", confiait-elle dans une interview au micro de notre confrère de France Philippe Vandel. Mariés en septembre 1949, les deux tourtereaux filent depuis le parfait amour à la ville comme à la scène.
Ils habitent un Coin perdu
Réfugié depuis belle lurette dans leur maison des Yvelines (elle s'appelle le "Coin perdu" !) où il coule des jours heureux en jouant régulièrement à la crapette, et où Madame se met aux fourneaux pour confectionner une Marguerite d'anchois ou un poulet à la banane -ses spécialités!-, le couple continue à incarner une certaine idée (une idée certaine !)- de la famille et du bonheur conjugal. À l'heure où nous écrivons ces quelques lignes, on ne sait s'ils s'autorisent de temps à autre une escapade dans les Cévennes où le couple possédait (possède toujours ?), selon les propres termes de Frédérique Hébrard, "une sorte de datcha". Quoi qu'il en soit, ils seront toujours chez eux dans le Gard. La véritable patrie de la Demoiselle d'Avignon...
Philippe GAVILLET de PENEY
philippe@objectifgard.com
Frédérique Hébrard vient de publier chez Flammarion un recueil de souvenir intitulé "Elle était une fois..." (19.90 € - 384 pages)