Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 01.09.2022 - abdel-samari - 6 min  - vu 2381 fois

HOMME DE L’OMBRE Nicolas Ferrière : fidélité un jour, fidélité toujours ?

Nicolas Ferrière est depuis bientôt dix ans aux côtés du président de la Communauté de communes du Pays d'Uzès, Fabrice Verdier. Par fidélité, respect et amour du travail bien fait. Par conviction aussi. Celles qui pourraient lui donner envie d'approcher la lumière... À condition de s'en donner les moyens et de chasser les fantômes familiaux.

Bac S "mention bien" au lycée Daudet à Nîmes, classe préparatoire dans la foulée, au même endroit, avec obtention d'un master au bout. Diplômé de Sciences Po. Fierté familiale, Nicolas Ferrière, l'enfant de Saint-Hilaire-de-Brethmas, a coché les bonnes cases éducatives.

"Je crois que cette passion pour la politique est née de curiosités", lâche d'emblée Nicolas Ferrière qui souffre de révéler peut-être les véritables raisons de son engagement, ancien. Seul, sans le moindre réseau, sans aucune connaissance particulière au départ. Sauf quelques amis proches engagés au Parti communiste. "J'ai développé ma propre sensibilité politique, pas toujours en phase avec ma famille." Un papa ingénieur, une maman directrice d'éducation qui n'avaient pas d'atomes crochus avec la politique. Encore moins avec la Gauche, cette deuxième famille que l'Alésien a très vite rejoint au sein du Parti socialiste. "Cela m'a valu quelques discussions orageuses avec mon père, souvent des désaccords et des situations que j'aurais préféré éviter. Mais cela n'empêche pas l'immense respect et les moments forts que je partage avec lui." On n'en saura pas plus, mais on comprend que les stigmates émotionnels sont probablement encore un peu là. Cachés mais réels.

Fuir... Filer à Grenoble, puis à Paris, pour découvrir le monde. Un monde loin des racines pour revenir quelques années plus tard, au service de la politique locale. À Paris, difficile de faire son trou pour le Gardois. Alors quand il apprend qu'un député PS du Gard fraîchement élu recherche un collaborateur, Nicolas Ferrière ne cherche pas midi à quatorze heures. "J'avais très envie de m'engager et encore davantage localement. Ce que j'ai apprécié chez Fabrice Verdier, c'est qu'à aucun moment, il ne m'a demandé mes convictions politiques, cela avait peu d'importance pour lui. Il voulait surtout un collaborateur efficace et qui soit au contact de la population locale pour faire remonter les préoccupations, les besoins, les attentes."

Un rôle de collaborateur de député sur un "rythme effréné"

L'Alésien est recruté avec une autre collaboratrice du néo-député socialiste, Katy Guyot. "J'étais dans une fonction polyvalente : la rédaction, l'organisation de l'agenda, la supervision des projets, etc. C'est exactement ce que je cherchais comme job. Quelque chose de varié et un travail d'équipe." Mais l'équipe va rapidement se resserrer. Du côté de Vauvert, le maire Jean Denat est élu à la tête du Département. Sa première adjointe devient maire. "J'étais le dernier arrivé et très vite, je deviens le plus ancien. Avec Fabrice Verdier, on vit les choses à 100 à l'heure. On travaille énormément, le rythme est effréné. Mais le contexte politique national devient rapidement compliqué. Particulièrement sur la deuxième partie du mandat de député."

Les manifestations s'enchaînent, l'insatisfaction se fait sentir. La réforme de la carte scolaire marque un point de rupture. "Les fumigènes en bas de la permanence, les échanges de plus en plus tendus avec des syndicalistes et manifestants. À ce moment-là, la peur ne nous gagne pas mais on sent que le vent tourne et que la fin du mandat risque d'être compliquée."

Surtout que 2017 approche et qu'un certain Emmanuel Macron fait la une des journaux. La tentation est grande de faire la jonction. "Quand je vois qui compose son équipe autour de lui, y compris dans le Gard, je reconnais qu'à ce moment-là, je trouve tout cela intéressant. Chez moi, il y a clairement une hésitation. Et je l'exprime auprès du député pour qui je travaille. Mais ses convictions sont très fortes. Il se refuse à défaire ce qu'il a construit en cinq ans. Je ne dis pas qu'il n'a pas cherché un soutien, mais en restant socialiste."

La grande désillusion

Le pire va arriver. La réélection de Fabrice Verdier, quasi-certaine au regard de son investissement pendant cinq ans, n'arrive pas. "On se sent soutenu par le local, y compris par des maires de Droite. On a participé à de nombreux projets du territoire. On a obtenu des financements. Pour nous, les planètes sont alignées." Et pourtant, c'est la grande désillusion, Annie Chapelier l'emporte. "On est effondrés. Même si on a en tête nos réalisations. Tout est remis en question."

Loin d'être abattu, le député sortant défait rebondit. Et veut en faire autant pour son collaborateur. "Il me propose très vite du travail. Notamment aux côtés d'Olivier Gaillard, l'ex-socialiste passé chez Macron. Je refuse catégoriquement. J'aime bien Olivier, mais j'aurais eu l'impression de trahir."

Après quelques mois de deuil, c'est à Bagnols-sur-Cèze que Nicolas Ferrière poursuit ses gammes avec un maire socialiste qui très vite va s'inscrire dans les pas de La République en marche. Il faut dire qu'à ce moment-là, Emmanuel Macron a bonne presse. "Mais quand je commence à travailler pour Jean-Yves Chapelet, il faut se rappeler que de nombreux élus socialistes sont à ses côtés. Et c'est finalement ce que j'ai apprécié chez lui, cette espèce d'équilibre dans l'intérêt du territoire."

Dragué par Jérôme Talon, référent et directeur de cabinet LREM du maire de Bagnols, Nicolas Ferrière ne cède pas aux sirènes macronistes. "Mais je me sens très bien. Les élus socialistes se sentent représentés et le job est super enrichissant." Pour autant, il va quitter le Gard Rhodanien pour le département du Gard qui recherche inlassablement un conseiller politique. "J'ai partagé mon départ et j'ai beaucoup aimé l'attitude de Jérôme et du maire qui ont été très classes, et ont compris que cette proposition ne pouvait pas se refuser."

L'inertie au Département du Gard

Au Département dirigé par Denis Bouad, Nicolas Ferrière retrouve un ami très proche, Vincent Teissère, qui deviendra quelques mois plus tard le nouveau directeur de cabinet de la présidente Françoise Laurent-Perrigot. "Moi, à ce moment-là, ce qui me fait vibrer c'était de travailler sur les politiques publiques du Département et de façon très large. Un vrai plus intellectuel. Et le sentiment d'apporter concrètement des solutions aux Gardois."

Mais l'ambiance au sein du cabinet et la réalité d'une grande maison cassent l'enthousiasme de l'ambitieux protégé de Fabrice Verdier. "Je suis obsédé par la volonté d'être utile, d'agir, d'apporter quelque chose. Et je fais face à l'inertie. Cela ne tient pas à Denis Bouad qui cherche à bousculer ces mauvaises habitudes mais les difficultés s'accumulent face à une grosse machine, une administration lourde et à la culture au travail propre à la collectivité."

Malgré tout, Nicolas Ferrière reste aux côtés de Denis Bouad jusqu'à cet été fou où le président du Département du Gard décide, contre l'avis de son cabinet politique, de céder aux demandes du Parti socialiste et de s'engager pour être élu au Sénat. "Au milieu de l'été, on sait que le cabinet est condamné et qu'il va falloir anticiper sa dissolution. Même si j'aurais pu y rester, je décide volontairement de me mettre en retrait. Pas très longtemps, car très vite, je suis contacté par Fabrice Verdier pour le rejoindre à la Communauté de communes du Pays d'Uzès. Et je lui dis oui tout de suite."

"On est très amis avec Fabrice, mais on a tous les deux un fort caractère"

Fidélité un jour, fidélité toujours. En décembre 2020, l'ex-collaborateur du député Verdier devient le directeur de cabinet et de la communication de la CCPU. "On est très amis, mais on a tous les deux un fort caractère. Moi, ce que je veux, c'est accompagner Fabrice Verdier dans ses projets pour le territoire d'Uzès."

Des projets partagés et validés avec Jean-Luc Chapon, le maire historique d'Uzès, dont les tendances politiques ne sont pas vraiment du côté de la Gauche. "Et alors ? Moi, cela ne me gène pas de travailler dans cette philosophie. Ils n'ont pas la même étiquette politique, mais un projet commun. Il y a là une véritable intelligence politique pour le bien du territoire. C'est précieux."

Quitte à brouiller le message auprès des électeurs de ce territoire qui voient main dans la main un élu de Centre-Droit et un socialiste-progressiste. "Je ne me sens pas mal à l'aise. Est-ce que le plan climat, le développement durable, le développement économique raisonné, la politique culturelle via l'Ombrière, le renforcement des services publics c'est de Droite ? Vous savez, les sujets sur lesquels ils ne sont pas d'accord sont bien moins importants que tous les autres. Jean-Luc Chapon, son parti c'est Uzès. Il n'a pas attendu Fabrice Verdier pour travailler avec des gens de Gauche."

Fabrice Verdier a bien l'intention de s'inscrire dans la durée sur le territoire de l'Uzège. Et Nicolas Ferrière compte bien l'y aider. "C'est quelqu'un de profondément humaniste. Avec des convictions très fortes. Il n'a pas l'image du mec de Gauche idéal, certes. Ce n'est pas l'image qui compte mais ce que l'on trace, ce que l'on fait. Nous partageons en tout cas la même vision de l'engagement et du travail, et c'est le plus important pour moi. Avec des moyens limités. 20 millions d'euros de budget pour une collectivité de 30 000 habitants. On fait ce que l'on peut et je crois qu'on le fait bien."

Dans l'ombre aujourd'hui, dans la lumière demain ? Nicolas Ferrière ne pose pas la question en ces termes. "Je ne m'interdis rien. Aujourd'hui, je suis où je veux être. Je ne suis à la botte de personne, je collabore. Je l'ai choisi." Un rôle plus affirmé au sein de la fédération du Parti socialiste est dans les tuyaux. "Moi, j'accepte le jeu collectif, je n'aime pas les gens qui s'imposent malgré les autres. Il faut savoir sentir quand c'est le moment." Une dernière phrase énigmatique qui reflète peut-être l'envie de gravir quelques marches supplémentaires. Et éventuellement demain d'être sur le devant de l'affiche. Ou au contraire une personnalité trop respectueuse des autres pour jouer des coudes et qui risque, à force, de rester éternellement derrière le rideau...

Abdel Samari

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