Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 16.04.2019 - thierry-allard - 4 min  - vu 5353 fois

LE 7H50 de Georges Malbrunot : « Une mosquée de Nîmes a reçu 50 000 euros du Qatar »

(©PHOTOPQR/MaxPPP/Daniel FOURAY) Georges Malbrunot, journaliste pour le quotidien Le Figaro, et Christian Chesnot, journaliste de Radio France. Tous les deux spécialistes de politique étrangère et auteurs du livre "Qatar Papers" - PHOTOPQR/OUEST FRANCE/MAXPPP

Le journaliste du Figaro Georges Malbrunot signe, avec son confrère de France Inter Christian Chesnot, Qatar Papers (éditions Michel Lafon), un livre sur l’influence du Qatar sur l’islam en France.

Alors que Georges Malbrunot sera à Nîmes ce soir pour une conférence-dédicace, il évoque dans cette interview le financement par le Qatar d’associations cultuelles et de lieux de culte, notamment en Europe et en France. Un moyen d’après le journaliste pour le Qatar de « propager son influence » et sa vision de l’islam, aussi à Nîmes.

Objectif Gard : dans votre livre, vous parlez d’une fondation, l'ONG (organisation non gouvernementale) Qatar Charity, qui a des activités notamment en France. Quelles sont ses activités ?

Georges Malbrunot : lorsque cette ONG, Qatar Charity, aide des déshérités un peu partout, notamment en Afrique, elle présente une face acceptable. Mais elle conduit également un programme moins connu, dont le nom peut être traduit par « la pluie ». Un programme qu’on peut considérer comme prosélyte. Ce programme aide des associations islamiques d’Europe et d’Afrique dans le but, selon leurs propres documents, de renforcer l’identité islamique de la communauté musulmane. Cette ONG n’aide quasiment que des associations qui sont dans la mouvance des Frères musulmans (*), qui est le levier par lequel le Qatar exerce son influence. Nous avons recensé dans une centaine de documents 140 projets de financement de mosquées, de centres islamiques et d’écoles en Europe, dont 90 % sont dans la mouvance des Frères musulmans.

Parmi les villes françaises que vous citez dans votre livre, on retrouve Nîmes et Montpellier…

Oui, une mosquée de Nîmes a reçu 50 000 euros et Montpellier un peu plus. Le cas de Nîmes est intéressant, il s’agit de l’association de la Mosquée de la miséricorde, à côté de la gare, qui n’est pas liée à la mouvance des Frères musulmans, contrairement aux autres projets en France. À Nîmes, c’est un peu une énigme. Peut-être une façon de concurrencer les autres pays qui aident cette association, comme l’Algérie ou le Maroc...

En quoi ce financement étranger pose-t-il problème, selon vous ?

Le prosélytisme concerne des associations, des mosquées liées à la mouvance des Frères musulmans. C’est de l’islam politique. Ces financements accentuent le communautarisme et ce n’est pas forcément ce dont on a besoin en France dans un pays de tradition jacobine et laïque. Ça peut être dangereux à terme. La mouvance des Frères musulmans préconise le port du voile à l’école ou encore des horaires de piscine aménagés et certains de ses théoriciens tiennent un discours inacceptable. Il faut être vigilant : l’islam politique ne représente que peu de monde, 1 000 personnes en France, mais comme ces aides concernent les associations les plus puissantes, il suffit de peu de personnes pour bénéficier d’une influence et la propager.

Peut-on considérer que de cette manière le Qatar s’achète de l’influence, comme il le fait dans le sport avec le Paris-Saint-Germain ?

Exactement. À travers ces financements le Qatar, qui contrôle cette ONG, achète de l’influence en France comme il l’a fait dans le domaine économique en prenant des participations dans Total, dans le sport avec le PSG et dans les médias avec BeIn Sports. Le Qatar rentre sur le marché de l’islam de France depuis 2010 environ à la faveur de ses excellentes relations avec Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui le Qatar est un opérateur de premier plan dans l’islam de France. Il veut peser aussi sur ce marché là. Avec le but - qui n’est pas affiché - d’arriver à faire adapter la loi commune à ses principes, comme sur le port du voile à l’école par exemple.

Quelle est l’attitude de nos hommes politiques face à cette question, notamment des maires ?

Souvent, les maires ne veulent pas voir. Ils disent qu’ils ne veulent pas de problème. Il y a une part indéniable d’électoralisme dans leur relation avec ces associations. Le vote de la communauté musulmane est important et, tant à Droite qu’à Gauche, nous avons trouvé de l’électoralisme et une politique de l’autruche. Il faut dire que ces versements d’argent n’ont rien d’illégal. Il ne s’agit pas de financer le terrorisme, mais une idée qui peut accentuer le communautarisme, sachant qu’en général les associations concernées jouent le jeu des institutions. Le vrai problème c’est le financement des lieux de culte : on voit des musulmans prier dans des conditions indécentes. Mais, pour construire une mosquée, il faut de l’argent et donc certains sollicitent ces fondations étrangères. Il faut créer les conditions d’un financement autochtone de l’islam de France.

Propos recueillis par Thierry Allard

* Les Frères musulmans est un mouvement politico-religieux sunnite fondé en Égypte en 1928. Les thèmes essentiels de la doctrine originelle des Frères musulmans sont la création d'un État musulman théocratique, le rétablissement du califat, la lutte contre toute tentative de rénovation ou de « modernisation » de l'islam, la dénonciation d'une civilisation occidentale en décadence, l'anticolonialisme, le panislamisme et le panarabisme ainsi que l'anticommunisme (source : Encyclopédie Larousse).

Georges Malbrunot sera en conférence-débat ce mardi soir à 18 heures au Novotel Atria de Nîmes. Inscription gratuite ici.

Thierry Allard

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