NÎMES Guillaume Apollinaire et Jean Paulhan, deux Nîmois remis en lumière
Incorporé au 38ème Régiment d’Infanterie, Guillaume Apollinaire fut Nîmois du 6 décembre 1914 au 4 avril de l’année suivante. Il voit notamment et brièvement Lou, l’aviatrice pour qui il écrira les " Poèmes à Lou " qui ne seront publiés qu’en 1947 sous le titre " Ombre de mon cœur ". Carré d’art, enfin la bibliothèque de la Ville, a acquis dernièrement une lettre envoyée de Nîmes (du Grand Café de l’Esplanade pour être précis) en décembre 1914 à cette jeune fille du coin. Cet achat symbolise le centenaire de la mort du poète qui fut emporté par la grippe espagnole le 9 novembre 1918.
" Apollinaire était un engagé volontaire. Il a été naturalisé (*) par la suite. Il a fait ses classes à Nîmes, non loin du Camp des Garrigues et il disait qu’il aimait tellement l’art qu’il était devenu artilleur. Concernant Lou, cette fille huguenote éloignée de la traditionnelle austérité protestante, a été follement aimée par Apollinaire. Une plaque, retrouvée par Mary Bourgade dans une maison abandonnée du nord de Nîmes, symbolisait cela, " Ici Apollinaire aima Lou "", note Daniel-Jean Valade, adjoint à la culture de la ville de Nîmes. Un salut militaire sera par ailleurs rendu le 11 novembre au poète.
Mais la grande nouvelle, visible par tous, c'est la fameuse lettre. " Nous avons appris qu’une lettre était à la vente. C’était une lettre à Lou, dans l’esprit érotique. Une lettre enflammée. Grâce à Didier Travier, conservateur de la bibliothèque de la Ville, nous nous sommes positionnés ", poursuit l'adjoint. Achetée 8 000 euros dans une librairie parisienne, cette lettre est bien entendu unique et originale. Un morceau d’histoire sentimentale. L’État a participé au pot commun à hauteur de 80%. Dieu de la poésie, on comprend ainsi mieux Apollinaire et sa " baie de Laurier de Nîmes ", Lou.
Autre auteur, Jean Paulhan. Fils de bibliothécaire, il est né à Nîmes en 1884. Après une licence de Lettres à la Sorbonne parisienne il file à Madagascar où il vit quatre ans durant. Mobilisé par la guerre, il est blessé au front mais écrit son premier livre en 1917, " Le Guerrier appliqué ". Paulhan multiplie les écrits et théorise la langue sans omettre un intérêt tout particulier à l’art et au travail de Braque et Fautrier, deux peintres.
Pour Daniel-Jean Valade, " à l'occasion du centenaire de sa naissance, en 1984 sous la municipalité Bousquet, nous avions organisé plusieurs événements littéraires marquants, y compris pour la famille Paulhan qui avait alors décidé de nous donner l’épée d’académicien de Jean Paulhan. Quand le Président Jacques Chirac est venu à Nîmes, nous lui avions fait cadeau d’un As de Nîmes mais aussi du recueil des écrits de Jean Paulhan quand il était à Madagascar, " Les Hain-Teny ". Cet exemplaire était signé de la main de Paulhan et Chirac l’a feuilleté et nous en a reparlé tout au long de la journée. Cela changeait des autres Présidents qui, quand on leur donnait un cadeau culturel, le refilait à leur collaborateur ! "
Adepte de Gallimard, Paulhan est surnommé le pape des lettres et, sous l’Occupation, il entre en clandestinité pour lutter contre l’épuration intellectuelle. Jean Paulhan meurt le 9 octobre 1968, voilà tout juste 50 ans. " Nous sommes une année en huit donc nous célébrons Guillaume Apollinaire et Jean Paulhan, deux Nîmois ", poursuit l'élu à la culture. Et de reprendre, " valoriser et rappeler à chacun ces deux grandes personnalités, c’est essentiel. Surtout dans le temple de la culture. Paulhan était fasciné par l’art de ses contemporains et Carré d’art est un musée d’art contemporain. Tout a du sens. "
Amateur de pétanque, Jean Paulhan allait taquiner le bouchon aux arènes de Lutèce (Paris) tous les dimanches matins. On dit que, pour entrer dans ses bonnes grâces, une défaite s’imposait… Mais on ne dit pas qu’elle boisson locale il préférait.
* Guillaume, Albert, Vladimir, Alexandre, Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire, serait né sujet polonais de l'Empire russe.