NÎMES "Los cuerpos celestes", des astres sublimes sur la scène du Festival Flamenco
Chloé Brûlé et Marco Vargas sont à une période charnière dans l'évolution de leur création artistique. Preuve est en, ce dernier spectacle, Los cuerpos celestes, joué en public pour la première fois sur la scène du Festival Flamenco à Nîmes. Accompagné de deux danseurs et d'un compositeur, le duo a proposé mercredi soir un voyage sensoriel dans un univers onirique entre rêve et réalité.
Rien ne prédestinait Chloé Brûlé et Marco Vargas à se rencontrer. La première étudiait la danse classique et la musique dans sa ville natale, à Montréal au Québec. Le second, issu d'une grande famille flamenca de Séville, a commencé à danser très jeune. Son CV est bien fourni, quelques belles références y figurent : le Patio Sevillano, le plus ancien tablao de Séville, la compagnie de Mario Maya, le Ballet flamenco de Andalucia, etc. Quant à Chloé, c'est aux États-Unis qu'elle découvre pour la première fois le flamenco.
"Ça a été un coup de foudre. J'ai alors décidé d'aller en Espagne pour étudier le flamenco et commencer à apprendre ce langage. Ça a été un grand saut, d'un pays à l'autre, d'une culture à l'autre", se souvient-elle. À force de conviction et de persévérance, Chloé Brûlé intègre une compagnie à Séville et se fait un nom dans le milieu professionnel. Marco Vargas travaillait dans cette même compagnie. "On a dû travailler ensemble sur un numéro. Et ça a "cliqué" tout de suite entre nous, sans même nous parler", poursuit la danseuse. Un numéro, une pièce... C'est deux-là sont inséparables depuis une quinzaine d'années maintenant.
Au-delà de la danse, pour ce duo le flamenco est leur propre langage, leur façon de s'exprimer. "Et à travers ce langage, on raconte des choses. Nous nous permettons d'aller plus loin, d'utiliser toutes les ressources qui nous sont accessibles pour pouvoir nous exprimer", précise Marco Vargas.
C'est donc un flamenco contemporain décomplexé que proposent les deux chorégraphes, sans se priver pour autant de puiser leur inspiration dans ce qu'ils appellent la source, le flamenco traditionnel et ses grands noms qui le font vivre à travers le monde entier. Comment cette modernité s'exprime-t-elle dans leur art ? D'abord dans la façon de se mouvoir sur scène, mais aussi dans les thèmes abordés et la manière de les aborder.
Nous en avons été témoin hier soir, à l'occasion de la première internationale de "Los cuerpos celestes" dans le cadre du Festival Flamenco de Nîmes. "Une référence dans le milieu, tous les artistes veulent passer à Nîmes", assure Marco. Et Chloé d'ajouter : "Et c'est vrai, ce n'est pas du "flattage" dans le sens du poil comme on dit au Québec !" Cette création est née du désir de partager la scène avec d'autres danseurs. Ce que les deux artistes n'avaient jamais fait jusque-là.
"L'envie, c'était de bouger, danser avec d'autre corps sur scène. Une fois que nous avons trouvé les danseurs pour partager cette expérience, nous avons commencé à travailler, sans aucune idée préconçue. Là aussi, ça a été une première, d'habitude nous partons d'un concept, d'un thème, d'une inquiétude, d'une image", indique la Québécoise. Les corps se sont donc exprimés librement, en totale improvisation. C'est alors qu'un duo est né, un trio a commencé à émaner, un quatuor à se former. "Mais ce que cela signifiait, on ne le savait pas. Et peu à peu, les pièces se sont ordonnées", insiste-t-elle.
Le puzzle a pris forme lors d'une résidence technique dans un théâtre à Séville. "Nous avons eu envie de proposer aux spectateurs de transformer le théâtre en observatoire astronomique et de les inviter à pointer leur télescope vers la scène pour observer le cosmos. Ainsi, nous parlons de manière métaphorique des astres, des constellations, des mouvements. Les corps deviennent des astres."
La musique électronique se mêle sans dénoter au flamenco, la création musicale est signée Miguel Marin. Le tout dans une mise en scène minimaliste de manière à capter le regard du spectateur, à l'accrocher sur ces corps, des astres sublimes joliment mis en lumière. À travers la danse, ce sont toutes les émotions, tous les états de l'humain et ses paradoxes qui se révèlent, dans une énergie remarquable et élégante. Une heure, une toute petite heure de spectacle, juste assez pour enivrer le public assoiffé de découverte, et toujours dans ces cas-là un sentiment de goût de trop peu quand les lumières se rallument dans la salle.
Stéphanie Marin