Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 14.07.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 18390 fois

UN ÉTÉ DANS LE GARD La folie au cœur du double infanticide de Beaucaire

Marie et Vincent ont été empoisonnées par leur père.

Marie et Vincent ont été tués par leur père dans la nuit du 3 au 4 août 2019, à Beaucaire (Photo : DR)

Dans la nuit du 3 au 4 août 2019, Vincent, 7 ans, et sa petite sœur Marie, 5 ans, sont retrouvés morts empoisonnés en pleine campagne, sur le chemin du Calvaire à Beaucaire, aux côtés de leur père inconscient. Ce double meurtre d’une insondable folie ne sera jamais jugé.

Alertés sur la disparition des deux enfants, les policiers ont remonté la piste de cette petite route secondaire peu empruntée, en géolocalisant le téléphone du père de famille. Son attitude inquiète alors qu'il se trouve en pleine séparation d’avec la maman des deux enfants. Mais il est déjà trop tard : à proximité d’une grande croix, ils découvrent, cette nuit-là, le frère et sa petite sœur sans vie, couchés sur le dos sur des draps bleus, veillés par un santon représentant la Vierge Marie et entourés de plusieurs livres de désenvoûtement et de prières. À côté des deux petits corps qui semblent avoir été empoisonnés, leur père gît lui aussi inconscient…

Pique-nique empoisonné

Le lendemain à son réveil, l’homme de 47 ans, inconnu de la justice, est aussitôt placé en garde à vue, puis mis en examen pour « assassinats » et écroué. Après avoir évoqué un « trou noir », celui qui se décrit comme dépressif depuis sa rupture avec sa compagne avouera finalement avoir préparé un pique-nique à ses enfants et mélangé leur boisson avec de nombreux médicaments, avant d’en ingurgiter à son tour…

L’émotion suscitée par ce terrible drame est renforcée par les alertes répétées de la maman avant les faits. « Ce drame aurait dû être évité. La mère de famille se sentait en danger. Elle sentait un danger également pour ses enfants, fait savoir son avocat, Rémy Nougier. Elle a été évincée à plusieurs reprises des commissariats où elle venait dénoncer les agissements et l’attitude de son ancien compagnon. Elle a écrit au procureur de la République. Et quelques semaines avant le drame, le juge des affaires familiales a refusé une demande d’expertise qui aurait pu permettre de déceler d’éventuels signes de risques de passage à l’acte… »

« Elle m’a marabouté »

Après un an d’instruction, l’enquête conclut que Vincent et Marie ont bien été empoisonnés par absorption de médicaments. Mais la juge en charge du dossier saisit également la chambre de l’instruction afin de statuer sur l’état de santé mentale du père de famille de 47 ans.

Au fil des mois, la mise en scène du repas funèbre et le discours de l’accusé se révèlent en effet de plus en plus incohérents. Après avoir entendu plusieurs experts psychiatres ainsi que le mise en cause, la cour d’appel finit par retenir l’abolition du discernement du mis en cause, le 28 septembre 2021. « Je voulais les protéger des maléfices de ma belle-famille, se justifie ainsi le quadragénaire à l’audience du 8 septembre 2021. Au début, c’est moi qui étais attaqué, ensuite ça s’est étendu à mes enfants. » Dans son délire, l’ex-mari accuse même la mère des enfants et ses proches, de l’avoir envoûté. « Elle m’a marabouté, c’est le problème», ajoute-t-il.

Apprenant cette décision d’irresponsabilité pénale, l’avocat de la mère des deux petites victimes a déposé un pourvoi en cassation, dont il attend, sans réel espoir, l’issue prochaine. « Le père n’a jamais spontanément évoqué ses hallucinations auditives et visuelles. C’est une stratégie de défense dans laquelle il s’est engouffré après les conclusions du premier expert, avance Rémi Nougier. Mais une hallucination ne dure pas aussi longtemps. Son attitude révèle au contraire un cheminement, une mise en scène froide pour se venger et faire souffrir celle qui l’avait quitté. »

Trois ans après ce terrible double infanticide, le père est toujours hospitalisé et surveillé dans une unité psychiatrique, pour une période minimum d’une vingtaine d’années. Le cœur brisé, la maman de Vincent et Marie tente douloureusement de se reconstruire.

Pierre Havez

 

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