VILLAGES DE CARACTÈRE Lussan, comme un navire de pierre dominant la mer de garrigue
Connaissez-vous les "Villages de caractère" du Gard ? Ce label distingue les communes de moins de 2 000 habitants au charme parfois méconnu et regorgeant de richesse patrimoniales et culturelles. Objectif Gard vous emmène balader dans les ruelles pittoresques de ces petits joyaux. Arrêt ce lundi à Lussan, petite commune de 500 âmes, au centre d'un triangle entre Bagnols/Cèze, Uzès et Alès.
Depuis la route départementale 6, le village de Lussan s'élève sur son piton rocheux calcaire, une cinquantaine de mètres au-dessus de la plaine fertile. Dominant ainsi la garrigue environnante et les champs de lavandin. Depuis 2016, la commune est classée parmi les Plus Beaux villages de France, comme La Roque-sur-Cèze, Montclus et Aiguèze avant elle. Des milliers de touristes s'y rendent chaque année. Qui ne craquerait pas pour ses ruelles médiévales en pierre entièrement piétonnes, ceintes dans ces 800 mètres de rempart.
Sur tout le tour du village, on peut admirer des panoramas allant des Cévennes aux monts d'Ardèche en passant par le Mont Ventoux. Après s'être garé en contre-bas, nous empruntons à pied la route qui monte jusque dans le centre. Nous passons deux tourelles en pierre, marquant notre entrée dans le village. Jusque dans les années 1870-1880, elle était matérialisée par une porte. Trop étroite pour laisser passer les charrettes et véhicules hippomobiles, elle a été enlevée et remplacée symboliquement par ces deux tours.
On pourra bientôt monter sur la tour du château et admirer le paysage
On lève la tête vers la droite : devant nous se dresse un magnifique château où se niche aujourd'hui la mairie. Il a été construit à la fin du XVe siècle et remanié au XIXe avec la construction d'un campanile avec horloge sur la tour sud-est. Tout au long de l'année, des expositions sont visibles à l'intérieur de l'édifice. Ne manquez pas non plus la grande salle avec des plafonds peints datant du XVIIe siècle. Et très bientôt, les visiteurs pourront bientôt s'aventurer tout en haut de la tour sur le chemin de ronde pour un point de vue exceptionnel à 360°. Plus de 200 000 € de travaux sont nécessaires pour remplacer et rehausser les barrières de sécurité. On a hâte.
On continue notre tour et l'on passe devant la chapelle castrale de style roman et sa porte caractéristique en plein cintre du XIIe siècle. Un peu plus loin encore, nous découvrons les vestiges du château du Verger. Le tout premier bâti sur le village au XIIe siècle par les seigneurs de Lussan, alliés à la famille de Barjac. L'édifice a été abandonné pour des raisons qui restent encore imprécises. Il ne reste aujourd'hui que les parties de muraille et les meurtrières.
Toujours en continuant de longer le rempart, on aperçoit en contre-bas le château de Fan, le plus récent, construit dans un style Renaissance par la famille Audibert, puis racheté par la famille Gide. Eh oui, on croit bien souvent que l'écrivain est originaire d'Uzès mais il est bien né à Lussan. C'est aussi à Fan que fût retrouvée la fameuse statue de nymphe gallo-romaine exposée désormais dans l'entrée de la mairie.
Un passé marqué par l'économie du ver à soie
Nous décidons de nous aventurer dans les belles ruelles entourées de maisons en pierre, assez cossues, couvertes de lierre et autres plantes grimpantes au charme provençal. "Au XIXe siècle, la commune vivait de la sériciculture (culture du ver à soie). Il y en avait un peu partout dans la plaine et trois filatures étaient ouvertes dans le village. C'était très riche d'où les belles maisons", retrace le maire, Jean-Marc François. Les filatures Roux et Chastagner témoignent encore de cet page d'or de la soie.
Derrière la place des Marronniers, la plaque tournante du village, se dresse l'église Saint-Pierre, reconstruite au XIXe siècle dans un style néo-roman. Elle avait détruite pendant la guerre des Camisards, tout comme le temple. La population de Lussan étant majoritairement protestante, la commune fût touchée de plein fouet après la révocation de l'édit de Nantes en 1685.
Après cette marche, nous nous arrêtons au Bistrot de Lussan manger de bons produits sur la terrasse ombragée. C'est le seul restaurant dans le village avec L'Auberge des marronniers. Il y a également un salon de thé "Le Jardin des buis".
Une balade exceptionnelle dans les concluses
Nous sommes sur le départ. Petit passage par la fontasse, un édifice en balancier qui permettait d'alimenter en eau les abreuvoirs pour le bétail du village. On descend jusqu'à la forge. Un lieu où 150 ans en arrière travaillait Hyppolite Evesque, maréchal-ferrant du village. Son fils, Odilon a fait résonner les marteaux sur l'enclume jusque dans les années 70. Jusqu'à ce que la mécanisation agricole ait raison de sa petite entreprise. Le bâtiment désaffecté a alors été racheté par la mairie en 2008 puis restauré et confié à l'association Etincelle qui l'a transformé en lieu d'expression artistique. On peut y découvrir en ce moment le travail de plusieurs artisans locaux.
Si les cartes postales zooment souvent sur le vieux village de Lussan, il faut savoir que la plupart des habitants résident dans les douze hameaux que compte la commune. Ce qui fait que le village est très étendu. Sans compter qu'il comprend dans sa superficie un des plus exceptionnels sites naturels du département, protégé depuis 1960 : les concluses de Lussan. Prisé des randonneurs, ce lieu se situe à une quinzaine de minutes de route du vieux village. Les concluses sont formées de gorges sauvages et d'un défilé rocheux creusé au fil des temps par l’Aiguillon. Cette petite rivière est à sec l’été, mais devient vite tempétueuse lors de fortes précipitations importantes, souvent à l'automne.
Vous en prendrez plein les yeux entre escarpements rocheux et cavités dans le lit de la rivière surnommées "marmites de géants", étalés sur six kilomètres. Il suffit de descendre le sentier pendant trente minutes à pied à compter du parking pour arriver au "portail" et profiter du spectacle dans cette cathédrale de roche.
Marie Meunier