Le 7H50 de Jean-Marie Rouart : "La France est ambivalente, il faut de l'habileté. Macron n'en a jamais manifesté"
Cette année encore, l'académicien Jean-Marie Rouart a répondu à l'invitation des organisateurs du Festival de la biographie qui se tenait jusqu'à hier au Carré d'art...
Sur son bureau, des dizaines de livres - et pourtant seule une infime partie de sa bibliographie était présentée - parmi lesquels sa dernière oeuvre, Les Aventuriers du pouvoir. De Morny à Macron, publiée en novembre dernier aux éditions Robert Laffont.
Le romancier, essayiste et journaliste a réuni dans cet ouvrage trois de ses anciennes biographies sur Napoléon, le cardinal Bernis et le duc de Morny, auxquelles il a rajouté des "portraits acides", comme il aime à dire, d'hommes et de femmes politiques, de Charles De Gaulle jusqu'à Emmanuel Macron en passant par Jacques Chirac qu'il surnomme « le Paganini de la palinodie », François Hollande « le Machiavel de Tulle », Christiane Taubira et Ségolène Royal, "les pétroleuses en pétard".
Objectif Gard : Pourquoi avez-vous fait ce choix de brosser des portraits acides de personnalités politiques françaises, usant parfois d'une plume acerbe ?
Jean-Marie Rouart : Ils ont de lourdes responsabilités sur la façon dont ils ont façonné le monde dans lequel l'on vit. Il faut voir à quel point ce monde est incroyable. Il n'y a pas de raison de faire des ronds de jambe, il faut les traiter sévèrement. Il se trouve que je les connais. Notamment Valéry Giscard d'Estaing sur lequel je m'étends pas mal. Nous nous sommes beaucoup fréquentés. Je raconte le roman de nos relations barbelées, la façon dont je l'ai égratigné lorsque je l'ai reçu à l'Académie française. J'ai tout simplement essayé d'avoir une approche de vérité et non pas une approche mondaine.
Une approche de vérité, mais la vôtre...
Bien sûr. Un écrivain exprime sa vérité, qui n'est pas universelle. Un écrivain qui se contenterait de vouloir faire des ronds de jambe et de ne pas dire ce qu'il pense vraiment n'est pas un écrivain, à mon avis.
Quel est votre regard sur la politique menée par le président Emmanuel Macron ?
La politique en France est une politique qui a toujours été extrêmement difficile. La France est un pays ingouvernable, cela tient à son essence. Il y a beaucoup d'incohérences dans la France. C'est très difficile d'être à la fois dans un pays monarchiste et un pays républicain, d'avoir des Français monarchistes qui veulent guillotiner leur président. Chez Macron, j'évoque à la fois les bonnes intentions et les maladresses d'exécution. Et je crains qu'il n'arrive à faire passer Marine Le Pen.
Et sur la révolte sociale qui gronde en France ?
Cette révolte est très ancienne. En France, il y a un front révolutionnaire. D'ailleurs Gorbatchev disait : "la France est le seul pays où le communisme ait réussi". C'est vous dire à quel point la France est un pays profondément révolutionnaire mais avec une espèce de nostalgie monarchique. C'est d'ailleurs très étrange et pour cela que le meilleur système qui a marché en France, c'est la Ve République avec De Gaulle, un monarque élu.
La France est-elle réformable ? Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il du mal à convaincre ?
La France est très difficilement réformable parce qu'elle souhaite la réforme autant qu'elle la déteste. Elle est ambivalente. Il faut de l'habileté et Macron n'en a jamais manifesté.
C'est quoi pour vous le président idéal pour les Français ?
Le président idéal, ce serait un président qui réussirait d'abord à tout faire passer dans les quatre premiers mois de son élection. Après, j'étais contre le quinquennat qui est selon moi quelque chose d'absurde. Le président n'a pas le temps de mettre en oeuvre les réformes. Donc je crains que nous aboutissions à une forme de paralysie. Je crois que nous sommes à un moment de très grand malaise de la démocratie. On sent une aspiration à un pouvoir fort, à un pouvoir militaire, ce qui donne une chance évidemment à Marine Le Pen.
Propos recueillis par Stéphanie Marin