DANS LES COULISSES DE... Les Halles de Nîmes, l'envers du décor
Pendant les huit prochaines semaines, Objectif Gard va vous entraîner dans les coulisses d'événements, de traditions ou, comme c'est le cas pour cette première tentative, d'un édifice spécial : les Halles de Nîmes.
Il est 5 heures. Paris est peut-être éveillée mais à Nîmes, en centre-ville, au coeur de la cité, le ventre de cette dernière a déjà commencé son activité nocturne il y a quelques minutes. Nous allons suivre Christophe Clément, patron de l'étal bio situé allée du Curry et présent depuis 1987 aux Halles. Il était là pour les inondations de 1988 et le souvenir reste en mémoire...
Sans rapport aucun, la vie a changé. " Tout a changé depuis. À l'époque, les gens venaient faire leurs courses vers 6h, maintenant ils arrivent vers 12h ou 13h mais les anciens viennent toujours tôt le matin. "
Les Gardois font de plus en plus attention à ce qu'ils mangent et les Halles sont synonymes de qualité. De plus et cela n'est pas pour déplaire, l'étal bio est l'un des deux seuls à vendre des productions de ce type. Mais comment fonctionnent les étaliers ?
" J'arrive vers 4h du mardi au dimanche. Je viens tôt parce que nous devons également préparer la centaine de livraisons à domicile que je fais depuis 12 ans maintenant. Pendant le confinement j'ai été obligé de bloquer les demandes à 150 commandes mais j'aurais pu en faire 600 tant il y avait de monde intéressé... ", poursuit Christophe Clément dont l'étal fait 12 mètres de long, parmi les plus longs du lieu. Sa journée s'achève sur les coups de 14h.
Il a aussi deux chambres froides, une pour les fruits, l'autre, devinez, roulement de tambour : pour les légumes. Des références sur son étal, il y en a plus de 70 en ce moment, parfois plus de 120 en hiver. " Aujourd'hui, premier jour des vacances, je pense que les gens vont partir alors on a un peu calmé le jeu mais il y a toujours de quoi satisfaire les demandes des clients. On a un peu moins de touristes mais bien plus que par le passé. Surtout depuis que l'office de tourisme parle de nous comme d'un endroit à visiter. "
Récemment, les Halles ont été revues et corrigées. Pas de bouleversement spécial mais un rafraîchissement de bon aloi même s'il reste par-ci, par-là quelques problèmes odorants ou de climatisation. En même temps c'est aussi pour cela qu'on va aux Halles ! Même au sous-sol, les infrastructures ont changé en trente ans. " Tout a été refait à neuf et c'est assez pratique maintenant " ,assure l'étalier qui se réjouit d'autre chose.
" Pour les étals, on ne prend plus n'importe qui ! On a réduit le nombre et on favorise le professionnalisme et donc, la qualité. Avant, les clients ne mangeaient pas aux Halles, maintenant il y a de vrais restaurants. Par exemple, le chef de la Pie qui couette se sert chez moi et il prend des produits selon son inspiration ! "
C'est alors que le café arrive. Ici, le bâtiment n'est pas encore ouvert au public mais le bar fait le tour du carré et envoie des cafés pour lancer la journée de chacun des commerçants. C'est aussi l'heure parfaite pour l'arrivée de la maman de Christophe Clément qui vient l'aider tous les week-ends. Sa fille aussi fait partie de la maison. Après la séquence covid-19, le retour à la - presque - normale fait plaisir aux commerçants.
" Aujourd'hui je pense qu'on va avoir entre 300 et 400 kg de marchandise sur l'étal. On fait une dizaine d'allers-retours avec le sous-sol. On monte la remballe de la veille qu'on mettra sur les produits plus frais. Je suis tous les soirs chez mes producteurs. Certains sont de Bellegarde, de Saint-Gilles, de Marguerittes. Ce sont devenus des amis avec le temps ", assure monsieur Clément.
Mais le panier moyen baisse chaque année un peu plus depuis l'avènement des supermarchés. C'est la qualité qui fait la différence. Le contact avec la clientèle aussi, évidemment. Les Halles, en plus d'en être le ventre, c'est aussi le coeur et les poumons de la vie en ville. Tout le monde aime y être vu et les générations d'habitués s'enchaînent et la vie continue.
" Avant, je n'avais qu'un étal de six mètres en bio. À l'époque on me prenait pour un fou ! Mon père produisait de l'agriculture conventionnelle et ça m'a passé l'envie d'en manger et d'en vendre ! Je monte mon étal selon des thèmes et des couleurs. Pour un petit commerce, tout est dans le détail. " Ici, un carré avec des tomates, des aubergines, des poivrons... Tout pour faire une ratatouille. Là, des agrumes, de l'autre côté, les salades et, enfin, les melons et pastèques, nécessaires avec une telle chaleur.
Autre détail, le tri des déchets. Une question sensible car importante ici. Mais c'est après le petit déjeuner pris en milieu de matinée qu'on s'occupe de cela. " Avant, on ne faisait pas le tri, maintenant c'est bien mieux. " Comme à la maison, les étaliers trient leurs déchets, les mettent au sous-sol dans un espace dédié à cet effet. De nombreux conteneurs accueillent tout cela et un agent de Sita Suez Nîmes, Laurent pour l'occasion, se charge de gérer la question.
Autre chose, les ascenseurs que prennent les commerçants pour faire les va-et-vient ne sont pas fermés au public mais ils sont difficilement perceptibles aux yeux des néophytes. Par contre, les chambres froides, elles, sont fermées à clé. " Allez, on change de coin et d'ascenseur, on passe de la rive gauche à la rive droite. Pourquoi ? C'est plus court ! Un peu de fainéantise ne fait pas de mal à cette heure... ", rigole Christophe Clément.
Il est à présent 6h45 et on est loin d'être prêt. Le premier client est déjà là. Un habitué bien sûr. Il faut dire qu'aux Halles le matin, c'est aussi le folklore que l'on veut voir. C'est un bordel propre, ça chambre dans tous les sens, ça parle fort, ça murmure bas. Les sourires sont là et chauffent la machine. " On sera prêt vers 8h mais la vendeuse, qui devait venir à 7h, aura un peu de retard. " En effet, à 8h et quelques, la situation est optimale et l'étal parfaitement rangé.
Dans un tel bâtiment, parfois exigu tant le nombre de commerces et leurs marchandises peuvent être conséquents, il faut savoir ranger. C'est le nerf de la guerre. Quand Christophe fait des piles de cagettes plus hautes que lui, qu'ils les monte et les descend, un accident peut vite arriver. " Oh que oui ! C'est rare mais ça m'est arrivé. Quand c'est des pommes de terre ça va, mais quand ce sont des tomates ou des cerises... On jette tout car tout sera abimé ! Je fais aussi une zone avec tout ce qui est un peu mou. Je mets à un euro le kilo et les nécessiteux peuvent ainsi avoir de quoi manger bio et moi je ne jette pas ma marchandise. Tout le monde est gagnant. "
Un panier conseil pour la saison chez Christophe Clément et son étal bio ? " Les tomates anciennes, les courgettes et les légumes ratatouille. Après, le melon, la pastèque grâce aux producteurs très locaux. Disons que nous privilégions toujours le goût, le local et la saison ! ", conclut le patron.