FAIT DU JOUR Arles croit en son dessin !

Festival du Dessin d'Arles 2025 (Photo Anthony Maurin)
Du 12 avril au 11 mai, le monde du dessin sera attiré par l’excellent festival éponyme qui se déroule à Arles en divers lieux et avec une quarantaine d’artistes. Avec les 43 expos, chacun y trouvera son bonheur !
On connaît d’Arles sa grandeur géographique, son importance cultuelle et sa prédominance culturelle au fils des âges. Bouléguez tous ces ingrédients et, avec une idée neuve qui use de l’ancien, vous avez un festival du dessin qui s’installe dans le paysage local comme s’il avait toujours existé et qui propose, pour sa troisième édition, encore beaucoup de plaisirs et de découvertes.
Nul n’oubliera les Vincent van Gogh, les Frédéric Mistral ou les Lucien Clergue mais avec ce festival, le public de connaisseurs et de curieux va retrouver un sacré sourire à l’idée de voir des noms qu’il ne connaît peut-être pas. Et ces noms auront une belle place dans un beau lieu, un moment idéal pour rêver.
À l’origine du festival, Frédéric Pajak (avec Vera Michalski), le directeur artistique. Pour lui, « le dessin est le premier art de l’enfance. Il est aussi le premier art connu de nos ancêtres préhistoriques. Longtemps déconsidéré au profit de la peinture et mis à l’écart, il revient en force depuis quelques années dans l’apprentissage des Beaux-Arts, dans les galeries et les musées. Il était temps d’offrir à cet art une pleine dimension et de lui dédier un festival annuel, à la fois populaire et exigeant, simplement intitulé festival du dessin. »
Après une très belle première édition qui avait pour président Antoine de Caunes, la deuxième, dont la présidente était Lou Douillon, a comptabilisé 141 000 entrées ! Cette année, ce sera François Berléand.
Palais de l’Archevêché, chapelle du Museon Arlaten, musée Réattu, musée départemental Arles antique, église Sainte-Anne, fondation Manuel Rivera-Ortiz, chapelle du Méjean, Lee Ufan Arles, même à l’hôpital Joseph Humbert… Des lieux à découvrir pour certains ou à redécouvrir pour d’autres.
Mais cette année, c’est surtout le coup de projecteur sur Jean-Michel Folon qui vaudra le détour ! Remarquez, chaque lieu, chaque expo vaut le détour… Mais revenons à Foulon. Le public verra une centaine de dessins qui révèlera l’étonnante polyphonie de cet artiste aussi inclassable qu’immédiatement reconnaissable. Avec lui, absurdité de la guerre, saccage des forêts, invasion des machines ou encore harmonie du monde sont pleines de vie.
Foulon ne sera pas seul, avec lui c’est donc une quarantaine d’artistes, dont Jean-Baptiste, Camille Corot, Nadia Léger, Annette Messager, Alan Vega, Bram van Velde, Ossip Zadkine qui sera exposée. Le Museon Arlaten, justement, lieu emblématique du paysage muséal arlésien, lieu où le festival du Dessin a exposé ses successives têtes d’affiche, rendra hommage à l’art de Jean-Michel Folon à travers une exposition exceptionnelle de plus de cent de ses dessins, encres et aquarelles.
Au Palais de l’Archevêché, Pascale Hémery, Jürg Kreienbühl, Gudrun von Maltzan, Françoise Perronno et Simon Vignaud s’exposent différemment. Naturel ou urbain, le paysage, à la fois pérenne et perpétuellement changeant, ne cesse de nous émerveiller, sur le vif comme sur le papier. Comment rendre compte de son immensité foisonnante, de sa multiplicité, de la magie de ses ombres, de sa lumière ? Au crayon, au fusain, à la mine de plomb, la pierre noire, la linogravure, cinq grands dessinateurs d’aujourd’hui relèvent ce défi, allant de l’arbre à l’horizon infini, des vues apaisées aux buildings retentissants, des bidonvilles hébétés aux forêts enchanteresses.
Nouveauté cette année ? Les expositions thématiques inédites avec notamment une grande expo à la gloire du dessin d’humour, une sélection exceptionnelle d’estampes japonaises provenant des collections de la Bibliothèque nationale de France, une exposition de dessins dédiés à l’art culinaire ou encore 150 dessins de la prestigieuse collection Antoine de Galbert !
Du lourd à l’espace Van Gogh avec trois expos. D’abord, Annette Messager. Elle se niche dans les mouvements de l’inconscient et la critique de la condition féminine, où le tragique se teinte de drôlerie. Son œuvre associe peinture, broderie, sculpture, collage, photographie ou encore écriture. Le public pourra voir ses aquarelles explorant les cycles de la vie et de la mort, regroupées en une installation.
Toujours au rez-de-chaussée, François Aubrun, Jean Scheurer et Francine Simonin pour un résultat aussi inattendu que saisissant et qui change notre rapport au visible. Et si, en effet, seul un tel détour nous permettait-il d’approcher au plus près les formes les plus cachées et les plus changeantes de la nature ?
À l’étage, Sonia Hopf, Philippe Mohlitz, Michel Roux et Valentine Schopfer pour un duel… Sonja Hopf et Philippe Mohlitz démontrent jusqu’à quelle maestria peut parvenir un graveur, qui plus est au burin, le plus ancien et le plus difficile outil dans l’histoire de la gravure. À leurs foisonnements tout en précision et en nuances fait écho la délicatesse des paysages au fusain de Valentine Schopfer et des variations géométriques à l’encre de Michel Roux.
À Lee Ulfan Arles, double proposition avec Bram Van Velde pour « Petites peintures sur papier » et le travail de Nadia Léger. Pour le premier, mais on parle ici de travaux entrepris à l’aune du travail de sa vie, c’est une quarantaine de gouaches (rarement exposées) qui font jaillir les couleurs dans une paradoxale et fascinante frénésie maîtrisée que le public retrouvera avec délectation.
Pour la seconde, c’est une œuvre d’une remarquable modernité, injustement éclipsée par la notoriété de son époux (Fernand Léger) que vivra le public attentif. Nadia Léger est de toutes les avant-gardes, faisant cause commune avec Vassily Kandinsky, Piet Mondrian, Amédée Ozenfant, Jean Arp. Pendant trente ans, elle est l’assistante puis la directrice de l’Atelier Léger, où elle partage son chevalet avec Nicolas de Staël et Louise Bourgeois.
Michel Oliver, Alain Chapel, Rodolfo Guzmàn, Takahiko Kondo et Karime Lopez, Éric Guérin, Calum Franklin, David Muñoz, Simone Tondo, Antonin Bonnet, João Wengorovius, Anne-Sophie Pillet et Grégoire Diehl, Akrame Benallal, Kobayashi Itsuo. Vous pourrez voir leurs œuvres à l’hôtel de ville, salle Henri Comte pour « La cuisine en dessins ». Grande première d’une série reconductible d’années en années et consacrée aux différents métiers qui recourent au dessin, cette exposition révèle la place qu’occupe ce dernier dans le travail non seulement des chefs, mais aussi des critiques gastronomiques.
L’église Sainte-Anne comptera trop de noms pour tous vous les signifier. L’exposition s’intitule « Sélection de dessins de la collection Antoine de Galbert » et dès sa première édition, le festival du Dessin caressait le désir de mettre à l’honneur ceux grâce auxquels nombre de dessins ont pu traverser les siècles et parvenir intacts jusqu’à nous. Les grands collectionneurs pardi !
C’est chose faite en 2025 avec cette sélection de 150 œuvres provenant de la prestigieuse collection Antoine de Galbert, et qui en reflètent l’esprit : constituée depuis plus de 40 ans avec une rare liberté de regard et un art particulier du décloisonnement. Histoire, mort, spiritualité, science, corps, rêve, imagination…
Autre satisfaction de débusquer des nouveaux noms, sachez que les œuvres d’une cinquantaine d’étudiants des écoles des arts décoratifs de Paris, Bruxelles et Varsovie seront dévoilées. C’est à la chapelle du Méjean que ça se passe avec « La jeune garde à l’honneur ».
À l’étage, Katerina Adamova, Diana Quinby explorent le corps comme terra incognita. Ses lignes, ses volumes, ses aspérités, ses métamorphoses successives, ses élans et ses suspensions…
Chaval, de son vrai nom Yvan Le Louarn, a un style dépouillé, visant à l’essentiel et qui fait l’effet d’une bombe.
Avec Jean-Baptiste Camille Corot, le musée Réattu joue. Maître de l’estampe, comme en témoigne la trentaine d’eaux-fortes et de lithographies qu’il laissera à la postérité, le public surtout verra aussi un Jean-Baptiste Camille Corot qui crée des clichés-verre, aussi poétiques que virtuoses, qui révèlent sa maestria et son insatiable curiosité pour les découvertes techniques de son temps.
Pincement au cœur au musée Réattu, le public peut découvrir les dessins de Jean Moulin, aspect à ce jour méconnu de ce grand nom de l’histoire nationale. Sachez que ce martyr fut aussi un dessinateur passionné qui publiait avec succès aquarelles et caricatures dans différents journaux sous le pseudonyme de Romanin ! Il collectionnait même les tableaux de ses contemporains, notamment Soutine. Et il a même ouvert à Nice, pendant la guerre pour se couvrir, l’unique galerie d’art moderne de la ville à l’époque… Voir ses dessins politiques et d’humour, mais voir les gravures représentant les illustrations du recueil Armor de Tristan Corbière, eh bien, ça fait quelque chose.
Au musée Réattu toujours, c’est Henri Rivière qui s’expose grâce aux collections de la BNF. Au début des années 1880, sous l’influence de l’estampe japonaise qu’il collectionne, il découvre la gravure sur bois, dont il maîtrise toutes les étapes, et sera l’un des acteurs majeurs du renouveau de l’estampe en couleurs, avant de se tourner vers l’aquarelle. Devenu aveugle en 1944, il entreprend de dicter ses mémoires, publiés en 2004 sous le titre Les Détours du chemin. Les festivaliers admireront ses paysages de France à l’aquarelle, merveilles de délicatesse et de poésie.
Autre expo au musée Réattu, une cinquantaine de pièces, dont des portraits et des dessins de guerre de Ossip Zadkine. En 1910, il s’installe à Paris, où ses sculptures et ses dessins frappent les habitués du Dôme et de la Closerie des Lilas. Dès les années 1920, il est considéré comme l’un des représentants majeurs de « l’École de Paris ». Son œuvre, qui s’échelonne sur un demi-siècle, compte plus de quatre cents sculptures, des milliers de dessins, aquarelles et gouaches, des gravures, des illustrations et des cartons de tapisserie.
Enfin, bouquet final avec Utagawa Hiroshige, Katsushika Hokusai, Torii Kiyomasu, Torii Kiyonaga, Suzuki Harunobu, Isoda Koryūsai, Kitagawa Utamaro, Tōshūsai Sharaku, Eishōsai Chōki, Utagawa Toyoharu, Utagawa Toyokuni au musée Réattu pour « Deux siècles d’estampes japonaise dans les collections de la BNF ». Ces gravures sur bois datant des XVIIIe et XIXe siècles incarnent la virtuosité et la puissance d’évocation de dessinateurs qui ont su s’affranchir de la suprématie des peintres de Cour pour développer un art résolument populaire, devenu emblématique du Japon, et dont l’influence sur les artistes occidentaux, notamment Vincent van Gogh, a été considérable.
À l’occasion du festival, le musée départemental Arles Antique, qui fêtera ses 30 ans, accueille au sein même de ses collections les dessins de Colette-Renée Portal réalisés à Pompéi. Une expérience inédite de dialogue entre l’art d’hier et l’art d’aujourd’hui. Les visiteurs pourront également admirer, au premier étage du musée, ses délicieuses encres et aquarelles de « La Vie d’une reine & le voyage à Pompéi », tout en délicatesse et poésie.
Avec le soutien de la Ville, la grande aventure des ateliers pédagogiques du festival du Dessin continue. Dix classes d’écoles primaires arlésiennes, du CP au CM2, réaliseront dessins, gravures, collages et bien d’autres choses encore, encadrés par les équipes enseignantes et dix dessinateurs d’Arles et d’ailleurs : Aude Ambroggi, Serge Croibier, Judith Espinas, Albane Gayet, Philippe Goron, Elizabeth Guyon, Diane Hymans, Jean-Philippe Tacher, Léna Théodore, Francis Volken. Le public pourra en admirer le résultat à l’espace Van Gogh du 22 avril au 11 mai 2025.
Psychédéliques, ludiques, irrévérencieux ou résolument rock, les dessinateurs présentés ici nous happent dans leur univers haut en couleurs, faisant fi de tout esthétisme. Il n’y a rien qu’ils ne puissent se permettre : inventer des mondes parallèles, malmener les traits et les formes, heurter les sensibilités.
Ils s’évadent au cœur de leur imaginaire, explorent les cauchemars de l’enfance, portraiturent sans concession, traquent l’incongru dans les situations les plus anodines. Le résultat est à la hauteur du défi. Ébouriffant. C’est avec Olivia Clavel, Lou Cohen, Alan Vega, Captain Cavern et Fabien Verschaere et à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz que ça se passe.
Grand habitué du festival, au premier étage de La Croisière, les éditions Louis Vuitton débarquent de nouveau les visiteurs dans un voyage haut en couleurs avec une sélection d’artistes publiés dans leur collection Travel Book, Jeanne Detallante, Marcel Dzama et Ever Meulen !
Toujours à La Croisière, l’exploration de l’univers fascinant, aussi irréductible qu’inclassable, de l’art brut par le festival du Dessin qui continue avec la présentation par la Fondation Guignard de trois artistes de l’Atelier Rohling à Berne. David Jacot, Sandrine Mbala et Clemens Wild. La Fondation Guignard soutient depuis 2020 des projets d’art brut en Suisse et à l’étranger, dont le Festival du Dessin.
C’est aussi à La Croisière qu’est installée peut-être la plus grande et grosse exposition, « Gloire au dessin d’humour ». Innombrables sont les dessinateurs qui s’y sont essayés, et pourtant le dessin d’humour, trop souvent (et à tort) confondu avec le dessin de presse, demeure méconnu du grand public. Intemporel, émancipé de l’actualité, il reste subtil même dans ses manifestations les plus crues, et préfère le rire au ricanement, le trait d’esprit au calembour, le poétique au politique.
Cette exposition, regroupant un florilège de dessinateurs de diverses nationalités et époques, avec un accent particulier porté sur Bara, Maurice Henry et Urs, permet de restituer au dessin d’humour ses titres de noblesse injustement oubliés.
Les affiches de Jean-Michel Folon s’exposent aussi. En effet, une trentaine d’affiches de cet artiste engagé sont présentées dans le couloir de la Pinède du hall d’entrée de l’hôpital Joseph Imbert.
À la demande réitérée du public, le festival du Dessin propose cette année des visites guidées de certaines expositions. Accompagnés d’une médiatrice professionnelle, les visiteurs bénéficient d’un éclairage sur la biographie des artistes, les techniques utilisées et les choix artistiques qui ont mené à la sélection et à la présentation particulière des œuvres qu’ils ont sous les yeux. Quatre parcours sont disponibles.
Autre chose sympa, ouverte tous les jours de 9h30 à 18h, la billetterie du festival, située place de la République dans le local de l’ancienne poste d’Arles, accueillera sur ses murs une aventure graphique inédite : le reportage dessiné de l’édition 2024 avec tous ses moments forts, réalisé sur le vif par le dessinateur Joël Person.